Introduction à l’Epître de Paul aux Romains

Le plan de l’épître aux Romains publié ci-dessus est tiré de l’article de François Vouga, L’épître aux Romains, in : Sous la direction de Daniel Marguerat, Introduction au Nouveau Testament. Son histoire, son écriture, sa théologie, Labor et Fides, 20084, p.181-200, ici p. 184-185.

Il n’est pas question, dans les brèves remarques ci-dessous, de fournir un commentaire exhaustif, complet, de l’épître de l’apôtre Paul aux Romains, car cela demanderait au moins un livre. Après la célèbre citation du début du commentaire de l’Epître aux Romains du Réformateur Martin Luther, initiateur et principal théoricien du protestantisme au XVIe siècle, et quelques autres références, nous nous concentrerons sur le contenu du partage biblique du 27 août 2023, qui concerne les chapitres 7 et 8, lesquels forment le cœur de la pensée de Paul dans cette épître:

Au chapitre 7, Paul expose que la Loi divine, faute de rendre l’homme juste, le conduit à la connaissance de son péché, car le commandement divin de ne pas convoiter stimule la convoitise de l’homme au lieu de la détruire. Au chapitre 8, Paul expose que le remède efficace contre le péché n’est donc pas la connaissance de la Loi, mais la puissance libératrice de l’Esprit Saint agissant dans la vie du croyant, qui lui est conférée en vertu de la grâce manifestée en Jésus-Christ, lequel, par sa mort, a « condamné le péché dans la chair » (Rm 8,3).

Martin Luther, Commentaires de l’épître aux romains (Tome I) (texte de l’Epître et gloses; les scolies, chap. 1 à 3) (1515-1516), in : Martin Luther, Œuvres, Tome XI, Genève, Labor et Fides, p. 19.

ICI COMMENCE L’EPITRE DU BIENHEUREUX APOTRE PAUL AUX ROMAINS (1)

CHAPITRE I

L’APOTRE PROTESTE DE L’AFFECTION QU’IL PORTE AUX ROMAINS; IL DéNONCE ENSUITE LES VICES DE CEUX QUI SONT MENéS PAR LEURS DéSIRS

(1) Renverser toute justice et toute sagesse propres: telle est la somme de cette épître, tel est le propos de l’apôtre; c’est aussi, à l’inverse, affirmer, accroître les péchés et la folie, les exalter (Littér.: magnifier) (c’est faire en sorte, ainsi, qu’en soient reconnus la présence durable, le grand nombre et l’étendue). Ces péchés étaient inexistants (Littér.: qui n’étaient pas): c’est-à-dire que, forts de notre justice prétendue, nous pensions qu’ils n’existaient pas. Il s’agit ainsi de montrer, finalement, que Christ et sa justice nous sont nécessaires pour que nos péchés soient vraiment détruits. C’est ce que l’apôtre expose jusqu’au chapitre 12. Après cela, et jusqu’à la fin de l’épître, il enseigne ce que nous avons à faire: quelles œuvres nous devons accomplir en vertu de la justice même de Christ que nous avons reçue. Devant Dieu (Coram Deo: expression significative sous la plume de Luther), en effet, les choses ne sont pas telles que l’on devienne juste par les œuvres justes que l’on accomplirait (comme les Juifs insensés, ainsi que les païens et tous les faiseurs de justice (iustitiarii: ceux qui pensent devenir justes en faisant des œuvres justes) s’en assurent orgueilleusement, mais c’est parce qu’il est juste qu’un homme accomplit des œuvres justes, selon ce qui est écrit: « Le Seigneur eut égard à Abel et à ses offrandes » (Genèse 4,4); il ne regarda donc pas, en premier lieu, à ses offrandes.

Ouvrages sur l’Epître aux Romains et l’Apôtre Paul

Commentaires de l’Epître aux Romains aux éditions Labor et Fides. Celui de Franz J. Leenhardt, édition de 1981, reste actuellement un des plus complets en français.

Ouvrage actuel de Daniel Marguerat, publié en 2023, sur Paul de Tarse : L’enfant terrible du christianisme, sur Amazon.

Mes prédications pourtant sur l’Epître de Paul aux Romains

Epître de Paul aux Romains 2,1-16 – Le juste jugement de Dieu
Prédication : L’être humain est son propre juge en sa conscience

Epître de Paul aux Romains 6,1-23 – Mort et vie avec Jésus-Christ et service de la justice
Prédication : Morts avec Christ et libérés du péché, ou comment l’être nouveau est-il généré?

Epître de Paul aux Romains 7,7-25 – Le rôle de la Loi et l’aliénation de l’homme
Prédication : Quand le commandement produit la chute

Epître de Paul aux Romains 8,1-17 – La libération par l’Esprit
Ce passage central est traité par la présente étude portant sur les chapitres 7 et 8

Epître de Paul aux Romains 12,1-3 – Le culte spirituel
Prédication : Un sacrifice nécessaire, oui mais lequel ?

Prédications partiellement consacrées à l’épître aux Romains

Epître de Paul aux Romains 4,13-25 – Abraham, le croyant
Prédication : La foi chrétienne entre réalisme et spiritualisme

Epître de Paul aux Romains 6,4-5 – Mort et vie avec Jésus-Christ
Une célébration théologique de la fête de Pâques

Epître de Paul aux Romains 7,7 – Le rôle de la Loi
Prédication: Forces et faiblesses des commandements

Epître de Paul aux Romains 8,18-25 – La gloire à venir
Trois prédications de l’Avent : La Création sur le chemin de Noël
Noël, naissance du nouveau monde

Partage biblique au sujet des chapitres 7 et 8 de l’Epître de Paul aux Romains

Le partage biblique se fonde sur le PDF téléchargeable ici, qui concerne « Les trois régimes qui conditionnent la vie humaine selon les chapitres 7 et 8 de l’Epître de Paul aux Romains ».

Séquence du partage biblique

1) Distribution du PDF et explication initiale de la thématique.
2) Discussions en groupes et réponses aux questions figurant sur le PDF.
3) Partage en plenum et réponses aux questions figurant sur le PDF.
4) Chaque participant réfléchit à quelques aspects de sa manière personnelle de vivre la vie spirituelle, à partir du modèle théologique des chapitres 7 et 8.
5) Partage libre en plenum de quelques-uns de ces aspects de la vie chrétienne.

Texte biblique de Romains 7,7 à 8,17, version Traduction Œcuménique de la Bible (TOB)

Chapitre 7,7-25

7 Qu’est-ce à dire ? La loi serait-elle péché ? Certes non ! Mais je n’ai connu le péché que par la loi. Ainsi je n’aurais pas connu la convoitise si la loi n’avait dit : Tu ne convoiteras pas8 Saisissant l’occasion, le péché a produit en moi toutes sortes de convoitises par le moyen du commandement. Car, sans loi, le péché est chose morte. 9 Jadis, en l’absence de loi, je vivais. Mais le commandement est venu, le péché a pris vie, 10 et moi je suis mort : le commandement qui doit mener à la vie s’est trouvé pour moi mener à la mort. 11 Car le péché, saisissant l’occasion, m’a séduit par le moyen du commandement et, par lui, m’a donné la mort. 12 Ainsi donc, la loi est sainte et le commandement saint, juste et bon. 13 Alors, ce qui est bon est-il devenu cause de mort pour moi ? Certes non ! Mais c’est le péché : en se servant de ce qui est bon, il m’a donné la mort, afin qu’il fût manifesté comme péché et qu’il apparût dans toute sa virulence de péché, par le moyen du commandement. 

14 Nous savons, certes, que la loi est spirituelle ; mais moi, je suis charnel, vendu comme esclave au péché. 15 Effectivement, je ne comprends rien à ce que je fais : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais. 16 Or, si ce que je ne veux pas, je le fais, je suis d’accord avec la loi et reconnais qu’elle est bonne ; 17 ce n’est donc pas moi qui agis ainsi, mais le péché qui habite en moi. 18 Car je sais qu’en moi – je veux dire dans ma chair – le bien n’habite pas : vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir, 19 puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais. 20 Or, si ce que je ne veux pas, je le fais, ce n’est pas moi qui agis, mais le péché qui habite en moi. 21 Moi qui veux faire le bien, je constate donc cette loi : c’est le mal qui est à ma portée. 22 Car je prends plaisir à la loi de Dieu, en tant qu’homme intérieur, 23 mais, dans mes membres, je découvre une autre loi qui combat contre la loi que ratifie mon intelligence ; elle fait de moi le prisonnier de la loi du péché qui est dans mes membres.

24 Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? 25 Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur !

Chapitre 8,1-17

1 Il n’y a donc, maintenant, plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. 2 Car la loi de l’Esprit qui donne la vie en Jésus Christ m’a libéré de la loi du péché et de la mort. 3 Ce qui était impossible à la loi, car la chair la vouait à l’impuissance, Dieu l’a fait : à cause du péché, en envoyant son propre Fils dans la condition de notre chair de péché, il a condamné le péché dans la chair, 4 afin que la justice exigée par la loi soit accomplie en nous, qui ne marchons pas sous l’empire de la chair, mais de l’Esprit. 5 En effet, sous l’empire de la chair, on tend à ce qui est charnel, mais sous l’empire de l’Esprit, on tend à ce qui est spirituel : 6 la chair tend à la mort, mais l’Esprit tend à la vie et à la paix. 7 Car le mouvement de la chair est révolte contre Dieu ; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu ; elle ne le peut même pas. 8 Sous l’empire de la chair on ne peut plaire à Dieu. 9 Or vous, vous n’êtes pas sous l’empire de la chair, mais de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. 10 Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l’Esprit est votre vie à cause de la justice. 11 Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.

12 Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle. 13 Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez. 14 En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu : 15 vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. 16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17 Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.

Explication initiale de la thématique des pages 1 et 2 du PDF

Afin de parvenir à saisir facilement la thématique d’ensemble des deux chapitres 7 et 8, je résume le propos de Paul de la manière suivante : Paul décrit trois régimes différents de « fonctionnement » de la vie humaine. L’homme peut tenter de vivre selon la Loi sacrée qui lui a été transmise par Moïse, selon le péché qui caractérise sa nature profonde, ou selon l’Esprit Saint qui lui est conféré en vertu du sacrifice de Jésus-Christ à la croix, par lequel il a anéantit la force du péché dans la nature profonde de l’homme.

Ces trois « fonctionnements » de la vie humaine ne se trouvent jamais seuls dans l’existence temporelle de l’homme croyant qui cherche à plaire à Dieu, mais toujours par paires. Soit le croyant cherche à vaincre la dynamique du péché par son obéissance à la Loi statique des commandements, stratégie qui, selon Paul, mène à l’échec ; soit le croyant cherche à vaincre la dynamique du péché par la dynamique du Saint-Esprit qui habite en lui, ce qui lui permet d’entrevoir une victoire progressive, quoique toujours hasardeuse et partiellement compromise, contre le péché.

Il importe de comprendre que la Loi divine reçue par Moïse est statique, car elle est composée de commandements écrits formant un texte figé. Ces lois n’ont donc pas de vie en elles-mêmes, tandis que le péché est présenté par Paul comme un mouvement vital (8,7), et non seulement comme un ensemble d’actes mauvais. Cette tendance moralement négative de l’homme, entrainée par la tentation du désir et la séduction du diable, ne peut pas être enrayée par de simples dictats, fussent-ils divins. Afin de résister à ses pulsions malignes, l’homme a besoin de s’inscrire dans une autre dynamique, suscitée en lui par la puissance divine du Saint-Esprit, qui vient au secours de sa faiblesse morale, liée à sa nature biologique et psychologique toujours instable.

Brèves réponses aux questions figurant au bas de la page 2 du PDF

Comment les passions pécheresses (7,5) se servent-elles de la Loi ? Pourquoi le péché l’emporte-t-il sur la Loi de Dieu ?
La Loi qui commande de ne pas convoiter aiguise la convoitise de l’homme par ses interdictions qui privent l’homme de ce qu’il convoite. Ainsi, le péché finit le plus souvent par l’emporter, plaçant l’homme dans le désarroi face à son incapacité à obéir à la Loi divine, qu’il estime pourtant pertinente selon sa conscience raisonnable.

Comment l’apôtre Paul exprime-t-il le désarroi du croyant confronté aux exigences de la Loi de Dieu ?
Par une rhétorique minimaliste et hyper-expressive, en parlant en « je », l’apôtre résume le drame moral de la vie humaine de la manière suivante : « Ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais » (7,15). L’homme est ainsi aliéné de lui-même, divisé entre sa nature pécheresse et sa volonté de plaire à Dieu en pratiquant le bien.

Que signifient les expressions loi du péché et loi de l’Esprit ? Que désignent la chair (8,7-8) et le corps (8,10) ?
La loi du péché et la loi de l’Esprit ne sont justement pas des lois, mais des dynamiques de vie, des tendances profondes pouvant entrainer l’âme humaine vers le bien ou le mal ! L’apôtre use donc d’un jeu de langage, afin d’opposer ces « lois » dynamiques à la Loi statique des commandements reçus de Dieu par Moïse.
La chair désigne une dynamique, un style de vie charnel dominé par la tentation des désirs et la séduction du diable. Le corps désigne la composante matérielle de l’être humain, constituée de cellules biologiques regroupées en organes vitaux (squelette, muscles, appareils digestif, respiratoire, sanguin, lymphatique, reproductif, système nerveux, régulations hormonales, organes des sens, peau, poils, etc.).

Paul a-t-il une vision pessimiste ou optimiste de l’être humain ?Il est difficile de se positionner sur cette question, car l’apôtre reconnaît la nature pécheresse de l’homme, mais également sa capacité à vouloir le bien : « Vouloir le bien est à ma portée, mais pas l’accomplir » (7,18). A titre personnel, je pense que la vision pessimiste de l’être humain pécheur l’emporte dans la pensée chrétienne, car ses actes restent dominés par le mal, comme cela se vérifie quotidiennement par le malheur omniprésent dans les articles de presse, qui décrivent les misérables conflits réels de l’histoire humaine.

La délivrance divine (7,24) nous libère-t-elle de la Loi et/ou du péché ? Comment agit-t-elle, en comparaison avec la Loi ?
La délivrance divine exposée par Paul au chapitre 8 de l’Epître aux Romains nous libère tout autant de la logique disruptive de la Loi, qui suscite la convoitise en l’interdisant, que de celle du péché, qui nous rends esclaves de notre propre injustice et détruit notre existence et notre conscience de l’intérieur.

L’action de l’Esprit est-elle psychologique ou surnaturelle ?Formellement, il faut admettre que l’Esprit-Saint est une puissance divine, et donc en cela surnaturelle. Mais à mon sens, la vie selon l’Esprit que décrit Paul au chapitre 8 est essentiellement psychologique et spirituelle, et donc déterminée par les fonctions naturelles de l’homme, dans la mesure où elle fait intervenir le jeu de nos pensées, de nos volontés, de nos croyances, de nos doutes et de nos émotions. La vie selon l’Esprit de Dieu, qui l’emporte sur « le mouvement de la chair » qui est « révolte contre Dieu » (8,7), est donc décrite adéquatement par la notion de foi, qui n’est pas seulement une croyance, mais une attitude existentielle participative de l’élan vital octroyé par l’Esprit-Saint en l’âme humaine.

Comment Paul nuance-t-il la puissance du péché et de l’Esprit ?
Par l’emploi du verbe « tendre », dans les deux cas, qui indique que les dynamiques en cours ne sont pas abouties, et donc qu’elles luttent encore avec l’autre qui leur résiste durant toute notre vie ici-bas, jusqu’à notre dernier souffle : « La chair tend à la mort, mais l’Esprit tend à la vie et à la paix » (8,6). L’intégrisme religieux est donc une attitude erronée, qui prétend qu’une dynamique soit capable de l’emporter radicalement sur l’autre déjà en cette vie terrestre : Selon la foi intégriste, on est donc soit totalement du côté de Dieu, triomphant du péché et béni ; soit totalement du côté du diable, convaincu par le péché et maudit. L’approche intégriste de la religion conduit à la condamnation ou même à l’extermination des infidèles.

Comment pouvons-nous « faire mourir » (8,13), avec l’aide de l’Esprit, le mal, l’égoïsme, le trouble, le doute, le désespoir, l’angoisse, l’agressivité, la démotivation qui nous habitent ?La réponse à cette question nécessite un traité entier de vie spirituelle, qui dépasse largement l’ambition de ce partage biblique. Le principe le plus général de ce traité me semble être l’enseignement selon lequel le juste doit se « reposer » en Dieu, qui lui accorde les moyens de triompher de certains maux, tandis qu’il lui faut accepter d’en supporter d’autres, dont il n’est pas encore délivré et guéri, et qui l’accompagneront peut-être jusqu’à sa mort. Le croyant ne peut perfectionner sa vie spirituelle qu’en s’en remettant sans cesse à Dieu de tout son cœur, dans un mouvement de prière et de perpétuelle communion à Dieu, et en cherchant à mener la vie la plus cohérente et respectueuse possible, tant avec soi-même, qu’avec les autres et avec Dieu, en dégageant ainsi le plus grand soin de soi et le plus grand amour du prochain, entrainant ainsi une bonne conscience malgré la persistance du péché dans de nombreux aspects de sa vie personnelle.

Notes théologiques conclusives de l’étude des chapitres 7 et 8

La contrainte, l’obligation d’obéir à une loi ou à des directives morales, alors même qu’elle produit parfois quelques résultats apparents par la soumission et la peur, ne change pas le soi profond des personnes contraintes, et n’a donc pas de valeur ni théologique, ni psychologique, ni pédagogique. L’éducation des enfants par la menace et la contrainte produit soit une obéissance superficielle, soit une révolte incontrôlable, et ne laisse à long terme que des blessures, dont il faut parfois une vie pour s’en remettre. Ce n’est donc pas « par la Loi » qu’il faut enseigner et éduquer, mais « par l’Esprit », à savoir en engageant la conscience des personnes concernées dans le mouvement de leur développement physique, psychique et spirituel.

Une telle démarche demande nettement plus d’attention et de psychologie que l’attitude autoritaire. En effet, c’est lorsqu’il se sent compris, également dans ses difficultés, ses lenteurs et ses résistances, que l’homme progresse intérieurement, avec un perfectionnement paisible et durable de ses dispositions d’esprit. Même face aux comportements les plus choquants, le psychologue ne doit pas juger, mais comprendre et accompagner le souffrant ou le coupable, afin de l’aider à guérir de ses troubles, de sa violence, de sa déprime, de ses rejets et de ses incompréhensions de lui-même, etc. A vrai dire, fondamentalement, l’imperfection humaine est si profonde qu’elle n’est gérable avec sagesse que sous le régime de la grâce, car le régime de la Loi la condamne sans parvenir à contribuer à sa partielle amélioration.

Lorsque l’Eglise se met à juger et à condamner les pécheurs, les inadaptés, les récalcitrants, les moqueurs, les infirmes et les blessés, etc., en exigeant de ces personnes une attitude morale qu’elles ne sont pas capables d’assumer, elle prive de l’Evangile celles et ceux qui en ont le plus besoin. En effet, le Christ, sans mépriser la valeur de la moralité, mais plutôt au nom d’une moralité de l’amour du prochain, n’a pas rejeté, mais a consacré la majeure partie de ses efforts à soigner et assister des personnes qui n’en étaient pas nécessairement dignes: « Mais Jésus, qui avait entendu, déclara : Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez donc apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs » (Matthieu 9,12-13). L’apôtre Paul, au travers de sa dynamique de l’Esprit, seule à même de vaincre progressivement la dynamique du péché, n’a fait que traduire en termes philosophiques et théologiques cet élan spirituel du Christ.

Les trois régimes de la Loi, du péché et de l’Esprit ne cessent de cohabiter tout au long de l’existence de tout homme, qui se présente ainsi comme un champ de tensions, que nulle qualité psychologique ou spirituelle ne parvient à résoudre et à éliminer complètement.

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