Une célébration théologique de la fête de Pâques

Sous une forme un peu différente, la célébration proposée ci-dessous était à l’origine destinée aux paroissiens de la paroisse réformée de Rondchâtel, dans le Jura bernois, appelés à célébrer la fête de Pâques à domicile, en cette période de confinement lié à la pandémie de Coronavirus débutée en mars 2020.

Les textes bibliques sont ceux du Lectionnaire des dimanches et des fêtes à l’usage des Églises réformées de Suisse romande, pour le jour de Pâques de cette année.

Un premier constat, non sans humour

Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié: il est ressuscité, il n’est pas ici; voyez l’endroit où on l’avait déposé (Marc 16,6).

Voici la ville de Nazareth, photographiée le 30 juillet 2019. Rien ne distingue cette agglomération d’une autre ville. Selon la tradition chrétienne, il s’agit pourtant du lieu d’enfance de Jésus, le Christ.

Il en va de même des endroits supposés de sa résurrection, qui n’en gardent aucune trace, si ce n’est les échoppes pour touristes en « terre sainte »; une terre qui n’est d’ailleurs pas plus sainte que les autres lieux sur Terre, du moins selon l’esprit du protestantisme.

Donc, la consigne « voyez l’endroit où on l’avait déposé » (ci-dessus) ne fonctionne plus aujourd’hui, car justement, on ne voit plus rien ! Nous n’avons plus aucun repère physique sur lequel fonder notre foi, qui est donc une réalité essentiellement spirituelle.

Pleurer comme une madeleine

Le mot « madeleine » vient de Magdala, le village d’origine d’une célèbre « amie » de Jésus: Marie Madeleine. La nature exacte de leur relation a fait couler beaucoup d’encre. Les sentiments de Marie sont un signe que la foi chrétienne peut par ailleurs impliquer des réalités plus psychologiques, et qu’il y est aussi question d’un rapport au corps inextricable des dimensions psychique et spirituelle de la vie humaine.

L’expression « pleurer comme une madeleine » provient de ce texte de Pâques, dans l’Évangile de Jean, au chapitre 20,11-18:

Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds.
« Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. »
Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui.
Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. »
Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni » – ce qui signifie maître.
Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. »
Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »

Une des caractéristiques communes des textes de résurrection est de souligner l’incapacité des disciples à croire que Jésus, le crucifié, est vivant. Cela nous rassure. Ils sont comme nous: incrédules ! Le plus souvent, nous sommes en effet dans l’incapacité de nous convaincre du miracle de Pâques, et c’est assez normal.

Le protestantisme a toujours souligné que la foi était autre chose que la croyance en un événement surnaturel. Croire en Jésus-Christ, croire qu’il vit en nous, qu’il est notre Vie, ces expressions renvoient à toute autre chose que d’être certain de faits exacts qui se sont produits il y a deux millénaires. La foi se situe avant tout dans le présent de notre existence, et non dans le passé.

Par ailleurs, comme le souligne la Bible TOB (Édition avec notes intégrales, traduction Œcuménique, 2012), à propos du passage que nous venons de citer, « c’est parce que Jésus l’appelle par son nom que Marie le reconnaît ». Nous touchons ici à un point central pour le christianisme: la relation à Dieu y est toujours personnelle. Dieu ne peut être compris simplement comme une énergie qui serait à notre disposition. Sa Parole nous interpelle individuellement, elle nous confronte à sa volonté, et c’est en tant que créature finie, distincte de lui, que nous sommes appelés à lui répondre par des engagements et des actes concrets, marquant notre existence.

La foi peut donc être comprise selon plusieurs modèles relationnels. D’une part, comme nous le verrons ci-dessous, elle consiste en une profonde unité d’esprit entre le croyant et Dieu, que l’on désigne souvent par le terme d’union mystique ; d’autre part, cet aspect fusionnel de la foi n’élimine jamais totalement la relation distincte Je-Tu par laquelle nous nous situons en tant que personne face à Dieu, en sa Présence.

Nous sommes unis au Christ dans la foi

L’apôtre Paul, qui était contemporain de Jésus mais ne l’a jamais rencontré en chair et en os, a été conduit à expliquer comment nous pouvons être unis au Christ dans la foi, sans plus aucune relation directe avec le Jésus de l’histoire (Romains 6,4-5):

Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle.
Car si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection.

Le baptême dont parle Paul ici n’est pas nécessairement physique, il s’agit d’une transformation intérieure. Son explication ne ressemble pas aux récits de résurrection des Évangiles, qui se rapportent à des situations historiques concrètes.

L’apôtre veut expliquer comment des croyants qui n’ont jamais rencontré Jésus de son vivant – comme nous – peuvent vivre en étant néanmoins unis à Christ dans la foi.

En résumé: Si nous sommes morts avec Christ, nous ressuscitons aussi avec lui. Cette mort et cette résurrection se déroulent dans notre vie spirituelle présente. Elles représentent le vécu particulier de la foi qui nous rend solidaires de la mort et de la résurrection du Christ.

Le Christ est ici compris comme une réalité divine universelle, manifestée dans le monde au travers du personnage historique de Jésus de Nazareth, et appelée à s’inscrire dans nos vies humaines individuelles et collectives. Le Christ est perçu comme une puissance divine de renouvellement qui s’adapte aux divers contextes de l’histoire humaine. Ceci explique que la théologie chrétienne soit toujours à réécrire sous forme actualisée.

D’un point de vue spirituel, le temps et la distance qui nous séparent de Jésus dans l’histoire n’ont plus d’importance. Nous vivons avec lui un destin commun, dans la foi en Dieu.

Il est intéressant de constater que selon Paul, le chrétien vit à la fois la mort et la résurrection du Christ. Les deux réalités, les ténèbres et la lumière, la mort et la vie, sont toutes deux présentes dans nos existences terrestres soumises à l’imperfection.

Nous ne sommes pas encore au ciel, loin de là, mais déjà l’espérance de la foi rayonne dans nos coeurs, nous aidant à « garder la tête hors de l’eau » dans les épreuves.

Pour l’apôtre Paul, le sens de la fête de Pâques s’applique à tous les jours de l’année, de même que le sens de Vendredi Saint. Les deux facettes de la souffrance et du bonheur, de la tristesse et de la joie, de la défaite et de la victoire, coexistent tout au long de notre vie.

Les noces de l’agneau dans l’Apocalypse

Le style et les formulations théologiques des écrits de l’école johannique (issue de l’apôtre Jean) dans le Nouveau Testament, à laquelle appartient l’Apocalypse, sont très différents de ceux de l’apôtre Paul.

Alors sortit du trône une voix qui disait :
Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs,
vous qui le craignez, petits et grands !
Et j’entendis comme la rumeur d’une foule immense,
comme la rumeur des océans,
et comme le grondement de puissants tonnerres.
Ils disaient : Alléluia !
Car le Seigneur, notre Dieu souverain, a manifesté son Règne.
Réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse et rendons-lui gloire,
car voici les noces de l’agneau.
Son épouse s’est préparée,
il lui a été donné de se vêtir d’un lin resplendissant et pur,
car le lin, ce sont les œuvres justes des saints.
(Apocalypse 19,5-8)

En se servant du style littéraire de la vision, l’apôtre Jean, ou plus vraisemblablement l’un de ses disciples, nous décrit l’avenir éternel des élus. La mise en scène se situe dans le règne de Dieu, lequel parle depuis son trône.

Il est intéressant de constater que la réalité impressionnante et inquiétante du grondement du tonnerre coïncide avec l’allégresse des noces de l’agneau, c’est-à-dire le mariage de l’agneau, qui représente le Christ, avec l’épouse, qui représente l’Église purifiée.

La description du ciel se présente comme une grande synthèse et une grande récapitulation finale des réalités terrestres, dont les incompatibilités sont surmontées au sein d’une seule réalité divine qu’il nous est impossible de comprendre autrement qu’au moyen de symboles illustrant les réalités d’ici-bas.

Mais c’est bien vers cette réalité glorieuse que nous conduit la résurrection de Pâques !

Donc, je n’exagère pas en vous souhaitant : « Joyeuses Pâques ! », même en présence du coronavirus qui nous donne bien du fil à retordre.

La prière du Notre Père, pour terminer

De façon étonnante, et insuffisamment perçue, c’est bien du règne de Dieu dont il est question dans cette prière, un règne englobant tout le cosmos, qui réunit les réalités terrestres et célestes, visibles et invisibles, naturelles et surnaturelles.

Notre Père qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
mais délivre-nous du Mal.
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne,
la puissance et la gloire aux siècles des siècles.
Amen.

Que la bénédiction repose sur votre maison.

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