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Livre du prophète Michée 5,1-7 – L’avènement du prince messianique et le reste des nations à la fin des temps
1 Et toi, Bethléem Ephrata, trop petite pour compter parmi les clans de Juda,
de toi sortira pour moi
celui qui doit gouverner Israël.
Ses origines remontent à l’antiquité,
aux jours d’autrefois.
2 C’est pourquoi, Dieu les abandonnera
jusqu’aux temps où enfantera celle qui doit enfanter.
Alors ce qui subsistera des ses frères
rejoindra les fils d’Israël.
3 Il se tiendra debout et fera paître son troupeau
par la puissance du SEIGNEUR,
par la majesté du Nom du SEIGNEUR son Dieu.
Ils s’installeront, car il sera grand
jusqu’aux confins de la terre.
4 Lui-même, il sera la paix.
Au cas où Assour entrerait sur notre terre
et foulerait nos palais,
nous dresserons contre lui sept bergers,
huit princes humains.
5 Ils feront paître la terre d’Assour avec l’épée,
et la terre de Nemrod, avec le poignard.
Mais lui nous délivrerait d’Assour,
au cas où celui-ci entrerait sur notre terre
et foulerait notre frontière.
6 Alors le reste de Jacob sera,
au milieu de peuples nombreux,
comme une rosée venant du SEIGNEUR,
comme des ondées sur l’herbage,
qui n’attend rien de l’homme,
qui n’espère rien des humains.
7 Alors le reste de Jacob sera,
parmi les nations,
au milieu de peuples nombreux,
comme un lion parmi les bêtes de la forêt,
comme un lionceau parmi les troupeaux de moutons ;
qu’il passe, il écrase et déchire,
et personne ne peut en délivrer.
Prédication du dimanche 23 juin 2023 à Péry, dans le Jura bernois, en Suisse
Les textes bibliques se prêtent à diverses sortes de lectures. A un premier niveau de leurs discours, les prophètes juifs doivent être compris comme des critiques des situations sociales, politiques et militaires de leur temps. Ainsi le passage du livre du prophète Michée qui nous concerne (5,1-7) annonce la venue d’un Messie, « celui qui doit gouverner Israël » (v.1), qui par son pouvoir, assurera la paix (v.4a), à l’aide de « sept bergers [et de] huit princes humains », des personnages qui restent énigmatiques (v.4b). Sa venue sera suivie d’un temps messianique, lorsque « le reste de Jacob » (v.6a), se confiant exclusivement en Yahvé et n’attendant « rien de l’homme » (v.6b), sera « au milieu de peuples nombreux, comme un lion parmi les bêtes de la forêt » (v.7).
Le thème d’un tel discours prophétique est clairement politique, et même géopolitique, le Messie qui est annoncé ayant le pouvoir d’influencer l’histoire des nations. Tandis que le sujet traité par le prophète est bel et bien politique et militaire, sa façon de traiter ce sujet fait intervenir des aptitudes spirituelles attendues de la part du peuple du Dieu Yahvé.
Pour cette raison, il est possible, en faisant lecture d’un tel texte prophétique, de se concentrer sur les aptitudes spirituelles qu’il sous-entend, davantage que sur sa situation géopolitique, qui n’est plus la nôtre et qui ne nous concerne donc plus directement. En essayant d’extraire de ces prophéties une spiritualité chrétienne pour aujourd’hui, nous rendons ces textes actuels, ce qui est globalement le but de la prédication chrétienne.
Des sept premiers versets du cinquième chapitre du livre de Michée, j’ai ainsi tiré sept enseignements spirituels, que je présente dans cette prédication sous la forme d’un petit traité de vie spirituelle chrétienne, composé au fil de ma lecture du texte prophétique.
Sept principes de spiritualité chrétienne tirés de la prophétie messianique de Michée
Premièrement, le prophète Michée présente la localité de Bethleem comme s’il s’agissait d’une personne à laquelle s’adresse Yahvé : « Et toi, Bethléem Ephrata, trop petite pour compter parmi les clans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël ». Parmi les nations du monde, Israël est un petit peuple, et parmi les localités d’Israël, Bethléem est une petite bourgade. Pourtant, par décret souverain, Yahvé a choisi cette localité pour en faire le lieu d’origine de son Messie. Dans le langage de la spiritualité chrétienne, le geste de la foi est porteur de cette disproportion entre qui je suis par moi-même, et la valeur que Dieu m’accorde. Face à l’apparente insignifiance de ma vie, je suis élu de Dieu, et appelé à vivre pleinement la vie et la mission que Dieu m’a confiée.
Deuxièmement, la prophétie n’élude pas une nécessaire épuration : « C’est pourquoi, Dieu les abandonnera jusqu’au temps où enfantera celle qui doit enfanter. Alors ce qui subsistera de ses frères rejoindra les fils d’Israël ». La foi donne rarement des résultats immédiats. C’est lorsque l’usure du temps nous a menés à tout abandonner par désespoir, lorsque notre foi ne ressemble plus à rien, lorsqu’elle est dépouillée de tous les « je sais » et de tous les « je peux » que nous y avons ajouté, que ses vertus peuvent se manifester. Ayant été ramenés à la condition de tous les humains, nous savons désormais que ces bénéfices sont ceux que Yahvé nous accorde, et non les nôtres, ceux de notre nature.
Troisièmement, « il se tiendra debout et fera paître son troupeau par la puissance de Yahvé ». Lorsque nous sommes tombés dix fois, cent fois, mille fois, nous connaissons désormais nos limites morales. Elles sont très en dessous de celles qui feraient de nous un héros de Dieu, un disciple exemplaire, un juste résistant à toute épreuve. Inutile de rivaliser avec la perfection, elle n’est pas de ce monde. Par conséquent, la difficulté de la persévérance de la foi consiste à accepter de se relever autant de fois que l’on est tombé, sans désespérer. Il serait plus aisé de rester constamment debout, afin de ne pas devoir se relever, mais cela n’est pas possible. Les gens perfectionnistes se reprochent à eux-mêmes leur médiocrité, ce qui contribue à les décourager, alors qu’il est suffisant de se relever patiemment chaque fois que l’on a trébuché sur quelque obstacle piégé de la vie.
Quatrièmement, « Lui-même, il sera la paix. Au cas où Assour entrerait sur notre terre et foulerait nos palais, nous dresserons contre lui sept bergers, huit princes humains ». Durant notre vie terrestre, nous ne sommes jamais tout à fait à l’abri des autres, qui ont parfois tendance à « entrer sur notre terre et à fouler nos palais ». Le comportement de nos proches, de nos voisins, de nos collègues de travail, n’est jamais entièrement prévisible, et il ne correspond que très rarement à toutes nos attentes. Ainsi, nos semblables introduisent régulièrement dans nos vies à la fois de l’incertitude, du désir, du désagrément et de la dépendance. Ils peuvent même nous apparaître indispensables à notre bonheur, lorsqu’ils sont nos femmes, nos maris, nos enfants, nos collègues, nos chefs ou nos subordonnés. Les remèdes aux querelles et aux compétitions humaines sont les plus difficiles à trouver. Face à cet océan de problèmes humains, Michée tranche : « Lui-même, il sera la paix ». C’est en Christ, dans son union à Dieu, que le chrétien trouve la paix, envers et contre tout.
Cinquièmement, « Ils feront paître la terre d’Assour avec l’épée, et la terre de Nemrod, avec le poignard. Mais lui nous délivrerait d’Assour, […] ». Le chrétien n’est pas censé chercher le conflit et la guerre avec d’autres humains, ni user de violence (l’épée et le poignard) pour arriver à ses fins. Ces armes symbolisent donc, selon le langage de la foi chrétienne, un autre combat : celui que chaque croyant livre contre lui-même. Nous sommes notre plus grand ami, mais aussi notre plus grand ennemi. Il nous arrive si souvent de diverger de nos propres objectifs. Nous faussons nous-mêmes le tracé de notre route. Gérer nos rythmes de sommeil, nos alimentations, nos désirs sexuels, nos loisirs, nos temps de travail, nos finances, nos ménages, nos vêtements, nos relations, nos solitudes, etc., demande un effort constant. Lequel d’entre nous parvient à se maîtriser complètement ? Le vocabulaire de la violence indique qu’il nous faut tenir notre vie en bride avec une certaine détermination, sans pour autant que notre dureté envers nous-mêmes ne nous épuise.
Sixièmement, « Alors le reste de Jacob sera, au milieu de peuples nombreux, comme une rosée venant de Yahvé, comme des ondées sur l’herbage, qui n’attend rien de l’homme, qui n’espère rien des humains ». Le croyant est appelé à croire, même s’il n’y parvient pas toujours, en un Dieu providentiel, qui maîtrise l’ensemble de la réalité, le passé, le présent et l’avenir. Dès lors, se confier en un tel Dieu est sa source la plus profonde de repos. En dernier ressort, face à toute détresse, confronté à tout problème insoluble, le croyant s’en remet entièrement à Dieu, sans ne plus rien attendre ni espérer des hommes. Un tel lâcher prise s’avère le plus approprié, lorsque nos vies traversent des zones tempêtueuses. Yahvé, lui, n’est pas impressionné par la gravité des événements, il nous délivrera du malheur en temps voulu. Ainsi le croyant trouve, au cœur de la nuit, un sentier balisé de lumière.
Septièmement enfin, « le reste de Jacob sera, parmi les nations, au milieu de peuples nombreux, comme un lion parmi les bêtes de la forêt ». Selon la logique paradoxale de ce monde, la foi en un Dieu invisible est l’option qui semble initialement la plus faible, celle que l’on est porté à ignorer, le refuge naïf des perdants, mais elle s’avère en définitive être la plus forte et la plus noble, comme le lion parmi les animaux de la forêt. Il ne s’agit pas de grandiloquer, mais de mesurer qu’en fin de compte, la mort s’accroche à la vie, et que la seule puissance qui puisse raisonnablement en triompher, c’est la foi en Yahvé. Amen.
Je suis ébahi comme vous vous en sortez de textes si anciens et si délicats. Merci et bravo !
Envers et contre tout, je garde cependant en moi l’idée que ces textes ne prennent sens que par leur contexte d ‘émission et de réception, et ne peuvent donc qu’être « interprétés « .
Mais c’est évidemment ce que vous faites, et bien en plus, en actualisant leur message ! Le problème c’est que cela implique forcément aussi une myriade d’interprétations possibles. Pour être sûr qu’on ne se dirige pas à l’opposé d’une « bonne » interprétation, il peut donc se révéler utile de retourner au contexte d’émission (et de se dégager par exemple des interprétations « simplistes » : je doute, en effet, que Michée ait pu avoir la moindre idée politique ressemblant à celles que nous avons aujourd’hui).
D’un autre côté, face au contexte de réception, vous montrez bien et vous avez effectivement cent fois raison de souligner, à travers vos sept principes, combien cela touche à notre vie concrète actuelle.
Mais il peut subsister là aussi un petit problème peut-être, c’est la situation que le texte d’origine ne pouvait évidemment pas prévoir, comme par exemple l’urgence d’agir pour la sauvegarde du vivant sur notre Planète. Comment on fait alors ?
Le blocage vient évidemment aujourd’hui du fait que personne ne veut changer quoi que ce soit, tout en râlant sans arrêt contre ce monde et cette société. Pourquoi ? Parce qu’il en profite ! Parce qu’il ne veut non seulement se priver de rien, mais au contraire réclame toujours davantage de confort, davantage de rapidité, davantage de services, etc.…, etc…
Du coup, j’aime beaucoup votre premier principe, qui joue sur la notion d’« élection » (bien sûr, je m’amuse de mon côté à jouer sur les mots). Mais votre premier principe est clair : « Face à l’apparente insignifiance de ma vie, je suis élu de Dieu, et appelé à vivre pleinement la vie et la mission que Dieu m’a confiée ».
Un grand merci, bien cordialement,
Wilfred Helmlinger
Merci Monsieur Helmlinger pour vos intéressantes et respectueuses réflexions au sujet de ma méthode d’interprétation du texte de Michée.
Comme je le souligne au début, il existe différentes perspectives d’interprétation des textes prophétiques.
Leur interprétation écologique pose un autre problème, en effet, puisqu’il s’agit d’une interprétation politique peu présente, mais non absente, des textes eux-mêmes. Par exemple, parmi les images écologiques fréquemment utilisées dans l’Ancien Testament, il y a l’usage opposé des notions de « désert » et de « pays où coule le lait et le miel », qui décrivent les conséquences d’une gestion corrompue ou loyale du patrimoine.
Bien cordialement.
Gilles Bourquin