Prédication : La femme, l’enfant et le dragon de l’Apocalypse

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La symbolique diversement interprétable de l’Apocalypse démontre que le rêve d’une Eglise parfaitement unie est une utopie ! Par exemple, la manière d’envisager la réalité ou la symbolique du Diable diffère d’une confession à l’autre, et influence les manières de vivre la foi. En fait, le peu de collaboration entre les traditions chrétiennes provient plus souvent de leurs visions incompatibles de la vie spirituelle, que de leurs rivalités et disputes de terrain.

Livre de la Genèse 3,13-15 – La postérité de la femme et du serpent

13 Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m’a trompée et j’ai mangé. » 14 Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. 15 Je mettrai l’hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon. »

Apocalpyse 12,1-9 – La femme, l’enfant et le dragon

1 Un grand signe apparut dans le ciel : une femme, vêtue du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. 2 Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l’enfantement. 3 Alors un autre signe apparut dans le ciel : C’était un grand dragon rouge feu. Il avait sept têtes et dix cornes et, sur ses têtes, sept diadèmes. 4 Sa queue, qui balayait le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le dragon se posta devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. 5 Elle mit au monde un fils, un enfant mâle ; c’est lui qui doit mener paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé auprès de Dieu et de son trône. 6 Alors la femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a fait préparer une place, pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours. 7 Il y eut alors un combat dans le ciel : Michaël et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon lui aussi combattait avec ses anges, 8 mais il n’eut pas le dessus : il ne se trouva plus de place pour eux dans le ciel. 9 Il fut précipité, le grand dragon, l’antique serpent, celui qu’on nomme Diable et Satan, le séducteur du monde entier, il fut précipité sur la terre et ses anges avec lui.

Evangile de Matthieu 10,26-31 – Ne craignez rien

26 « Ne les craignez donc pas ! Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est secret qui ne sera connu. 27 Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les terrasses. 28 Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez bien plutôt celui qui peut faire périr âme et corps dans la géhenne. 29 Est-ce que l’on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Pourtant, pas un d’entre eux ne tombe à terre sans votre Père. 30 Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. 31 Soyez donc sans crainte : vous valez mieux, vous, que tous les moineaux.

Prédication du 21 mai 2023 à l’Eglise d’Orvin, dans le Jura bernois, en Suisse

Un grand signe apparaît dans le ciel : Une femme, vêtue du soleil, couronnée de douze étoiles, vit les douleurs de l’accouchement. Un grand dragon rouge feu se place devant elle, pour dévorer son enfant dès sa naissance. Elle met au monde un enfant mâle, qui doit « paître les nations avec une verge de fer » (v.5). Il est élevé auprès de Dieu. La femme s’enfuit au désert. L’ange Michaël combat le dragon, l’antique serpent, le Diable, Satan, le séducteur du monde entier, qui est précipité sur la terre. Tel est le résumé de notre récit de ce douzième chapitre de l’Apocalypse, déterminant pour toute la suite du livre.

Qu’est-ce donc que cette histoire ? Du charabia ? Presque, pour qui ne sait pas décoder la prophétie. En effet, une « femme, vêtue du soleil » (v.1) et un « grand dragon rouge feu » (v.3), ne sauraient être réels, même pour qui croit aux miracles. Nous sommes ici confrontés à un langage symbolique. Or, qu’est-ce qu’un symbole ? Ce mot provient du verbe grec sumballein, composé de sun (avec, ensemble) et de ballein (jeter). Un symbole est ainsi composé de deux éléments reliés : la réalité, et ce qui symbolise cette réalité.

Prenons un exemple simple : Un conducteur de voiture fonce à vive allure sur une route puis, voyant devant lui un feu de signalisation passer au rouge, il plante les freins, comme si un mur se dressait subitement devant lui, or il n’y a rien qui entrave sa route. Comment expliquer ce phénomène : la couleur rouge du feu symbolise pour ce conducteur à la fois l’interdiction et le danger de passer, transmettant ainsi un message, à tel point que le barrage de la route lui semble physiquement réel.

Lorsque nous lisons les textes bibliques, et à plus forte raison ceux de l’Apocalypse, nous devons souvent nous poser la question : Qu’est-ce qui est réel et qu’est-ce qui est symbolique ? et dans ce second cas : quelle réalité représente le symbole du texte ? Les Eglises et les théologiens ne sont souvent pas d’accord au sujet de l’interprétation réaliste ou symbolique à donner aux textes, ce qui divise les confessions chrétiennes.

Une femme vêtue du soleil, dans les douleurs de l’enfantement

Considérons en premier lieu la femme de notre texte, « vêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles » (v.1), travaillant et criant dans « les douleurs de l’enfantement » (v.2). Cette figure d’une femme céleste fait penser aux divinités païennes, et certains exégètes l’ont identifiée à la déesse mythologique grecque Léto, mère d’Artémis (Lune) et d’Apollon (Soleil). La ressemblance, particulièrement frappante, interpelle ! Une certaine influence de la religion grecque n’est pas exclue, d’autant plus que l’Apocalypse a vraisemblablement été écrite sur une île grecque, Patmos (Ap 1,9). Néanmoins, l’historien et bibliste spécialiste du Nouveau Testament Pierre Prigent (né en 1928, qui fut professeur aux facultés de théologie protestante de Strasbourg et Paris) signale à juste titre que l’auteur de l’Apocalypse, farouchement intransigeant vis-à-vis de l’idolâtrie, pourrait difficilement s’être inspiré d’un mythe grec (Pierre Prigent, L’Apocalypse de Saint Jean, Labor et Fides, 1988, p.178, voir aussi chez Babelio).

Il semble en revanche évident que l’enfant mâle, qui doit « paître toutes les nations avec une verge de fer » et qui est « enlevé auprès de Dieu » (v.5), symbolise le Messie, Jésus, dans son ascension céleste, personnage historique bien réel pour les chrétiens. L’image de la femme céleste, qui est d’ailleurs projetée à terre après la naissance de l’enfant, puisqu’elle s’enfuit au désert (v.6), peut dans ce sens être identifiée soit au peuple de Dieu, Israël, soit, plus spécifiquement, au peuple de Dieu fidèle, c’est-à-dire qui reconnaît en Jésus le Messie, à savoir l’Eglise chrétienne (interprétation retenue par P. Prigent, p.185). La couronne de douze étoiles de la femme symbolise d’ailleurs, de façon évidente, les douze tribus d’Israël.

Or, d’autres interprétations possibles sautent aux yeux. Tout d’abord, la femme pourrait être Eve, car un passage étrange du récit du péché originel indique qu’il y aura hostilité entre la descendance de la femme et celle du serpent (Genèse 3,13-15), ce qui est manifeste dans notre texte, lorsque le dragon, identifié à « l’antique serpent » (v.9), souhaite « dévorer l’enfant dès sa naissance » (v.4). Dans ce passage, le dragon a d’ailleurs souvent été identifié au roi Hérode, qui dans l’Evangile de Matthieu, s’enquiert auprès des mages du « lieu où le Messie devait naître » (Mt 2,4) afin de le faire périr. Du coup, selon l’Eglise catholique, la femme céleste représente la mère de Jésus, qui enfante le Messie, ce qui lui permet de justifier bibliquement le culte de Marie divinisée.

Nous avons là un exemple classique du nombre d’interprétations possibles de la symbolique biblique : La femme du chapitre 12 de l’Apocalypse a pu être assimilée à la déesse grecque Léto, au peuple d’Israël, à l’Eglise chrétienne, à Eve ou à Marie, selon ce que chaque interprète cherchait à souligner ou à démontrer au travers du texte biblique.

Un grand dragon rouge feu, antique serpent, nommé Diable et Satan

La question devient encore plus épineuse à propos de l’interprétation du « grand dragon rouge feu » (v.3), que le texte de l’Apocalypse identifie sans équivoque à « l’antique serpent, celui qu’on nomme Diable et Satan, le séducteur du monde entier », lequel « fut précipité sur la terre et ses anges avec lui » (v.9) par Michaël et ses anges (v.7). S’agit-il de symboles ou de la réalité ?

Signalons en préambule que le livre de la Genèse donne une explication mythologique de l’absence de pattes du serpent : Parce que tu as trompé la femme, « tu seras maudit […], tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie » (Gn 3,14). On peut se demander si les lecteurs de l’Antiquité prenaient cette histoire du serpent pour réelle ou symbolique, et depuis quand ils la reliaient à celle du Diable, comme le fait l’Apocalypse ? Aujourd’hui, la biologie évolutionniste lui dénie toute pertinence : Si les espèces qui ont précédé les serpents dans l’évolution ont perdu leurs pattes il y a entre 160 et 60 millions d’années, c’est parce que l’absence de pattes représentait un avantage évolutif pour ces espèces, une adaptation et non une malédiction ! Le texte biblique conserve seulement sa valeur imagée.

La question de l’existence du Diable, en tant qu’ange maléfique, est d’un tout autre niveau. La réponse que nous lui donnons influence considérablement notre manière de vivre la foi : Une large gamme de points de vue et de doctrines à ce sujet est représentée dans les Eglises actuelles. Je présente ici quatre positions ou approches, allant de la foi en l’existence réelle du Diable à son sens purement symbolique.

L’option la plus réaliste que j’aie connue était enseignée par certaines églises pentecôtistes américaines, issues notamment de l’Association of Vineyard Churches, selon lesquelles le Diable et ses anges ont réellement été précipités sur Terre par l’ange Michaël (v.7). Cette interprétation littérale de notre texte conduisait ces chrétiens à se rendre en différents lieux du globe, afin de prier là où Satan se déplace pour y semer la confusion et la violence. Selon ces croyants, Satan étant un ange déchu et non un dieu, ne possède pas le don d’ubiquité (être partout à la fois), et se déplace donc comme un esprit d’un endroit à l’autre.

Plus fréquente est la doctrine des Eglises évangéliques selon laquelle « le diable n’est pas une légende ou un symbole ; il est bien réel » ; « quand ses attaques semblent devoir nous submerger ; souvenons-nous que Dieu contrôle tout. Faisons-lui confiance ! » (La Bible avec notes d’études Vie Nouvelle, Romanel-sur-Lausanne, La Maison de la Bible, 2019, p. 2061). Un chrétien évangélique est donc appelé à lutter régulièrement contre le Diable par la prière en Jésus, lorsqu’il subit des tentations, des doutes, des maladies, des troubles psychiques, des problèmes familiaux ou de couple, ou encore des attaques personnelles à son travail, car tous ces maux viennent du Diable.

Pour nous, protestants réformés, le nom du Diable symbolise avant tout notre expérience spirituelle de la séduction et de la tentation, qui sont bien réelles ! Il ne s’agit pas vraiment d’un être personnel, mais de notre confrontation au mal. Je cite ici Pierre Prigent commentant notre texte (p.177) : « L’action de Satan ne peut se comprendre dans son vrai sens que comme celle d’un vaincu dont les jours sont comptés. Et du coup la vie chrétienne est révélée comme victoire ». Dans ce sens, l’image de Satan, comme l’image du feu rouge qui passe au vert, est l’image « d’un vaincu dont les jours sont comptés ». Ce symbole sert à illustrer que dans la vie chrétienne, malgré les épreuves et les souffrances du croyant, Dieu l’emporte in fine contre le mal, de façon décisive et définitive.

On perçoit ainsi que la vie chrétienne d’un protestant évangélique et d’un protestant réformé sont passablement différentes, car pour le premier, le monde humain (y compris les sociétés modernes) est dominé par des êtres maléfiques invisibles, qu’il faut combattre au nom de Jésus ; tandis que le second adhère davantage à la conception moderne et rationnelle du monde, et ne ressent donc plus le besoin de combattre le Diable et les démons. Il considère que les problèmes humains peuvent être résolus au travers des solutions économiques, écologiques, psychologiques et spirituelles dont l’être humain peut disposer.

J’expose ici brièvement pour terminer le point de vue du théologien allemand et américain Paul Tillich, qui me semble intéressant et équilibré (Le démonique, 1926, dans Paul Tillich, La dimension religieuse de la culture, Cerf, Labor et Fides, 1990, p.121-161). A ses yeux, le Diable et les démons ne sont pas des êtres réels et maléfiques, mais ils représentent un état concret, démonique, de notre monde, à savoir l’imprégnation, la pénétration plus ou moins forte de certaines cultures, sociétés ou personnalités humaines par la réalité du mal. On peut dire ainsi, par exemple, que l’Allemagne nazie était fortement démonisée. Il s’agit là à mon sens d’une excellente solution théologique qui rend compte à la fois de la profondeur des textes bibliques et de notre conception moderne du monde, incompatible avec la croyance en l’existence réelle et au pouvoir des anges maléfiques.

Plaidoyer pour une lecture libérale des textes bibliques

Cette lecture du douzième chapitre de l’Apocalypse illustre une importante difficulté de la vie chrétienne, liée aux différentes interprétations possibles des textes bibliques. La façon dont nous comprenons l’Apocalypse dépend passablement de notre culture et de notre formation théologique. Le rêve d’une Eglise parfaitement unie est donc totalement utopique !

D’une part, chaque chrétien est appelé à interpréter la Bible selon sa conscience ; d’autre part, la connaissance biblique étant difficile, les discussions et les lectures permettent à chacune et chacun d’évoluer dans sa façon de comprendre et de vivre la foi.

Je plaide pour ma part pour une lecture libérale des textes, c’est-à-dire une lecture qui assume une certaine fluctuation, une certaine liberté dans l’interprétation des textes, en lien à la méthode d’exégèse historico-critique des textes bibliques, non sans rapports avec la célèbre parole de l’apôtre Paul : « la lettre tue mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3,6). Amen

8 réflexions sur « Prédication : La femme, l’enfant et le dragon de l’Apocalypse »

  1. Un peu réducteur la prétendue vision des chrétiens évangéliques….entre la vision dite protestante et celle dite évangélique n’y a-t-il pas un juste milieu?

  2. Cher Monsieur, merci pour votre remarque et votre question, elles sont légitimes.

    Un peu réducteur ? Il y a le oui et le non. Il existe effectivement des nuances entre la vie spirituelle des diverses fédérations d’Eglises évangéliques (libristes, darbystes, salutistes, méthodistes, apostoliques, pentecôtistes, etc.), la pratique des exorcismes (délivrances de démons) varie notamment beaucoup d’une fédération à l’autre, cependant, les diverses églises évangéliques me semblent s’accorder sur le point de vue qui est aussi celui de la Bible Vie Nouvelle que j’ai cité : le Diable est un ange déchu doté de personnalité, son but est de nuire et de damner les chrétiens et tous les hommes, il sera jeté en enfer à la fin des temps et tourmenté pour l’éternité.

    Une juste milieu ? Il y a aussi le oui et le non. Tout d’abord le non : Il est difficile, voire impossible, de trouver un juste milieu entre la personnalité et son absence. Soit on considère que Satan personnifie le Mal, et qu’il en est la cause, dans ce cas le Mal suprême est doté d’une intelligence et d’une intentionnalité, et il se comporte de façon stratégique pour nuire au maximum ; soit on considère que le Mal est une caractéristique négative de certaines réalités qui sont des maux, comme la violence, la maladie, la mort, etc.
    Maintenant le oui : la position du théologien Paul Tillich, que j’ai cité en dernier lieu, peut être considérée dans une certaine mesure comme une approche intermédiaire. En effet, au lieu de parler de démonisation (ce qui suppose une volonté consciente du Mal), il parle de démonique (ce qui suppose une emprise plus ou moins accentuée du mal sur la réalité). Selon Tillich, toute société et culture humaine est partiellement démonique, mais à des degrés divers. Toutes les religions, dans leur but le plus profond, se donnent pour tâche de vaincre le démonique, mais il se produit fréquemment qu’elles augmentent le caractère démonique de la vie humaine. C’est le cas des systèmes religieux intégristes et violents, qui usent du châtiment (inquisition, lapidation, etc.) pour forcer les croyants à être fidèles à leurs religions. Selon Tillich, le mal n’est pas personnifié, mais les personnes humaines peuvent être « démonisées », à savoir entrainées par des mauvais états d’esprit et des mauvaises conduites, parfois de façon abominable et irrationnelle.

    J’espère avoir ainsi répondu en partie à votre remarque et votre question.
    Avec mes amitiés
    Gilles B.

  3. Cher Monsieur,

    Si je peux me permettre d’apporter à mon tour ma petite contribution, je dirai que vous avez très bien analysé la difficulté que soulève le texte de l’Apocalypse, pouvant provoquer deux interprétations quasiment inconciliables (vous utilisez le terme « utopie »dans son sens négatif ) entre protestants historiques et évangéliques.

    En fait, je suis d’accord intellectuellement avec votre analyse, mais peut-être pas complètement sur le diagnostic. Car, si l’Apocalypse est un texte particulièrement saturé de symbolisme, il en est quand même de même de la totalité du texte biblique (AT et NT !).

    Je pense qu’en fait, les Evangéliques savent très bien qu’ils ont affaire à des symboles, mais que leur conviction ou leur recherche c’est plus l’effectivité ou l’efficacité de ceux-ci que leur interprétation.

    En pastichant saint Paul aux Galates, on pourrait dire ainsi : « Ni le Luthéranisme, ni le Calvinisme, ni l ‘Evangélisme, ni le Libéralisme ne sont efficaces, « mais » (la suite c’est saint Paul qui parle !) « la foi agissante par l’amour ». Je pense que sur ce plan il n’y a pas d’opposition entre les Chrétiens, et que le terme d’« utopie » redevient positif.

    En fait, la situation actuelle est angoissante pour tout le monde. Paul Tillich s’exprimait au début du XXe siècle, quand le fondamentalisme était encore grossier et homogène, ce qu’il n’est plus du tout aujourd’hui. Je constate d’ailleurs que l’oeuvre de son disciple anglican, feu John Shelby Spong n’a finalement qu’assez peu de retentissement.

    Quant à l’éminent théologien Pierre Prigent, vous signalez avec justesse qu’il est né en 1928. Je peux ajouter qu’il était issu d’un milieu baptiste (son grand-père maternel Georges Sommerville (1868-1945) ayant été un pasteur baptiste (« Mon Grand-Père, éd. Les Bergers et les Mages, 1999), ce qui n’a visiblement pas freiné ses capacités de synthèse et de vision théologique….

    Il y aurait en fait quantité d’autres sujets à aborder, comme la question du mal (dans laquelle il faut évidemment différencier le mal subi, « qui nous tombe dessus », alors que nous n’y sommes absolument pour rien, et le mal dont nous pouvons être à l’origine, etc.)…

    En conclusion, j’espère ne pas m’être fait mal comprendre ; j’apprécie énormément Paul Tillich et Pierre Prigent, mais je sens aussi que d’un autre côté cela ne répond pas obligatoirement à toutes les questions angoissantes que je peux me poser. D’un autre côté, je ne puis épouser en toute sincérité la vision trop pragmatique des Evangéliques (on parle même parfois d’« orthopraxie » concernant le judaïsme et l’islam, et peut-être que les Evangéliques sont dans ce sillage). Je reste donc dans un entre-deux difficile.

  4. Merci, cher Monsieur,

    pour vos remarques et réflexions, que je reçois sans nécessairement répondre à toutes. On ressent, en vous lisant, que vous vous situez dans « un entre-deux difficile ». Je vous comprends bien, d’autant plus que vous reconnaissez qu’il y a hélas de l’irréconciliable, et que sur certains points, il faut choisir et assumer ses choix.

    Je trouve que vous écartez un peu trop vite l’héritage de Paul Tillich (les articles en allemand et anglais sur Wikipedia sont plus développés), son apport théologique et philosophique reste très instructif et il est beaucoup étudié au niveau académique, parmi d’autres penseurs marquants du XXe siècle.

    Avec mes cordiaux messages.
    Gilles B.

  5. Cher Monsieur,

    Merci pour votre réaction; je tiens juste à préciser que Paul Tillich reste pour moi une référence incontournable, et que je n’écarte donc pas du tout son héritage (j’ai simplement noté le peu d’écho que rencontre un théologien pourtant brillant et qui s’y réfère explicitement, mais on ne peut rien en conclure d’assuré, évidemment).

    Je saluerai d’ailleurs volontiers ici la mémoire de Tillich par trois petites citations (dont je n’ai cependant pas noté l’origine) :

    « Il n’y a pas de philosophie qui sauve, mais le salut pose la question philosophique de l’être. Contre Pascal, je dis que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et le Dieu des philosophes est le même Dieu ».

    « Le courage d’être s’enracine dans le Dieu qui apparaît quand Dieu a disparu dans l’angoisse du doute ».

    « Les plaisirs qui suscitent la joie sont bons et ceux qui font obstacle à la joie sont mauvais ».

    Merci pour votre compréhension.

    Amitiés, Wilfred H.

  6. Merci à vous, je dois avouer que ces citations nécessiteraient des références pour être vérifiées et devenir plus compréhensibles. Comme notamment les propos d’Einstein, les pensées des grands penseurs sont souvent déformées ou simplifiées. Là on est un peu dans les slogans.
    Par ailleurs, J. S. Spong me semble tout de même très connu, notamment dans les milieux libéraux. Je ne partage pas tous ses enseignements, ni tous ceux de Tillich d’ailleurs. Reconnaître l’importance d’un penseur ne signifie pas adhérer en tous points à sa pensée, sans regard critique. Bien cordialement. Gilles B.

  7. Cher Monsieur,

    Merci de m’avoir exprimé si franchement votre point de vue, auquel j’adhère pleinement en fin de compte. Ayant en effet repris en main un recueil de textes choisis  de Paul Tillich (« Voici, je fais toutes choses nouvelles ! », édité en 1995 aux éditions Oberlin) par Théo Junker, qui était président de l’Association Paul Tillich d’expression française, je réalise toute la portée du message de ce dernier, et en particulier concernant sa conception et compréhension des mythes et les symboles de la foi chrétienne (pages 43 et 44 de l’ouvrage cité).

    Bien cordialement,

    Wilfred H.

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