Prédication : L’Apocalypse ou le retardement salutaire du jugement

Voir la liste de mes prédications ordonnées par références bibliques.

Le quatorzième chapitre de l’Apocalypse offre un résumé de la perspective théologique et historique du livre : agneau sur le trône, assemblée céleste, Evangile éternel, jugement de Babylone, souffrances des adorateurs de la bête, persévérance des saints. La patience de la foi apparaît ainsi comme la principale vertu spirituelle dans le dernier livre de la Bible chrétienne.

Apocalypse de Jean 14,1-5 – L’agneau et les rachetés

1 Et je vis : L’agneau était debout sur la montagne de Sion, et avec lui les cent quarante-quatre mille qui portent son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts.

2 Et j’entendis une voix venant du ciel, comme la voix des océans, comme le grondement d’un fort coup de tonnerre, et la voix que j’entendis était comme le chant de joueurs de harpe touchant leurs instruments.

3 Ils chantaient un cantique nouveau, devant le trône, devant les quatre animaux et les anciens. Et nul ne pouvait apprendre ce cantique, sinon les cent quarante-quatre mille, les rachetés de la terre.

4 Ils ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges. Ils suivent l’agneau partout où il va. Ils ont été rachetés d’entre les hommes comme prémices pour Dieu et pour l’agneau,

5 et dans leur bouche ne s’est point trouvé de mensonge : ils sont irréprochables.

Apocalypse de Jean 14,6-13 – L’annonce du jugement

6 Et je vis un autre ange qui volait au zénith. Il avait un Evangile éternel à proclamer à ceux qui résident sur la terre : à toute nation, tribu, langue et peuple.

7 Il disait d’une voix forte : Craignez Dieu et rendez-lui gloire, car elle est venue, l’heure de son jugement. Adorez le créateur du ciel et de la terre, de la mer et des sources d’eaux.

8 Et un autre, un second ange, le suivit et dit : Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, elle qui a abreuvé toutes les nations du vin de sa fureur de prostitution.

9 Et un autre, un troisième ange, les suivit et dit d’une voix forte : Si quelqu’un adore la bête et son image, s’il en reçoit la marque sur le front ou sur la main,

10 il boira lui aussi du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère, et il connaîtra les tourments dans le feu et le soufre, devant les saints anges et devant l’agneau.

11 La fumée de leur tourment s’élève aux siècles des siècles, et ils n’ont de repos ni le jour ni la nuit, ceux qui adorent la bête et son image, et quiconque reçoit la marque de son nom.

12 C’est l’heure de la persévérance des saints qui gardent les commandements de Dieu et la foi en Jésus.

13 Et j’entendis une voix qui, du ciel, disait : Ecris : Heureux dès à présent ceux qui sont morts dans le Seigneur ! Oui, dit l’Esprit, qu’ils se reposent de leurs labeurs, car leurs œuvres les suivent.

Evangile de Matthieu 10,16-25 – Annonce des persécutions

16 « Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc rusés comme les serpents et candides comme les colombes. 17 « Prenez garde aux hommes : ils vous livreront aux tribunaux et vous flagelleront dans leurs synagogues. 18 Vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi : ils auront là un témoignage, eux et les païens. 19 Lorsqu’ils vous livreront, ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, 20 car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. 21 Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront condamner à mort. 22 Vous serez haïs de tous à cause de mon nom. Mais celui qui tiendra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. 23 Quand on vous pourchassera dans telle ville, fuyez dans telle autre ; en vérité, je vous le déclare, vous n’achèverez pas le tour des villes d’Israël avant que ne vienne le Fils de l’homme. 24 Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur. 25 Au disciple il suffit d’être comme son maître, et au serviteur d’être comme son seigneur. Puisqu’ils ont traité de Béelzéboul le maître de maison, à combien plus forte raison le diront-ils de ceux de sa maison !

Prédication du jeudi de l’Ascension 18 mai 2023 à Vauffelin, dans le Jura bernois, en Suisse

Le 14ème chapitre de l’Apocalypse nous plonge au cœur du drame de ce livre : s’y trouve résumée l’histoire de l’humanité s’acheminant vers sa fin, au travers d’une amplification progressive des conflits entre le bien et le mal, qui conduit, je cite, à « l’accomplissement du mystère de Dieu, comme il en fit l’annonce à ses serviteurs les prophètes » (Ap 10,7).

La première partie de notre chapitre 14 résume les chapitres 4 et 5, dans desquels le trône et l’assemblée céleste sont décrits avec de nombreux détails. C’est surtout l’intrigue du chapitre 5 qui établit la relation avec l’ascension et le règne du Christ, qui initie aussi notre texte : « Et je vis, l’agneau était debout sur la montagne de Sion » (v.1, la montagne de Sion, Jérusalem, représente ici la cité céleste). Afin de mener l’histoire humaine à son terme, un jugement universel de toutes les nations, tribus, langues et peuples, est requis. C’est ici la thèse centrale de l’Apocalypse : Afin de permettre le transit depuis l’ancien monde vers la nouvelle création, le Règne éternel de Dieu, il faut « boucler les comptes » : C’est-à-dire juger les oppresseurs, et récompenser les opprimés de l’histoire humaine.

Pour juger, un juge est requis. Or, à la cour céleste du Dieu éternel, personne ne semble digne d’endosser cette immense responsabilité. Se présente alors un « agneau immolé » (Ap 5,6), à savoir un être sensible remontant des tourments de la Terre, seul « digne de recevoir le livre et d’en rompre les sceaux » (Ap 5,9, le livre scellé représente le dossier du jugement). La mise en scène représente l’intronisation du Christ ressuscité, le couronnement de son Ascension, de son retour auprès de Dieu.

L’Apocalypse a été écrite en un temps de persécutions des chrétiens dans l’Empire romain, lors duquel il n’y avait pas de cinéma pour représenter de manière spectaculaire la lutte victorieuse des héros du bien contre les forces du mal. Il est sans doute pertinent de considérer que les mises en scène grandioses de ce livre ont cette fonction artistique.

Une voix « comme la voix des océans, comme le grondement d’un fort coup de tonnerre » (v.2), « devant le trône, devant les quatre animaux et les anciens », et « les 144’000 rachetés de la terre » (v.3), voilà qui est digne de la série interstellaire « Star Wars ».

Cette scène céleste, avec son « cantique nouveau », invite déjà à penser un état éternel de la réalité, qui dépasse nos facultés de représentation. Elle est pourtant décrite comme simultanée, parallèle à plusieurs processus concomitants ayant bien lieu sur Terre, déclenchés par des anges issus de la scène céleste et agissants dans l’histoire des hommes, dans la suite du chapitre.

L’Evangile éternel

Premier processus, central ici, unique mention dans l’Apocalypse : « un Evangile éternel à proclamer à ceux qui résident sur la Terre » (v.6) : « craignez Dieu et rendez-lui gloire, car elle est venue, l’heure de son jugement » (v.7). Un élément est crucial : L’annonce de l’Evangile doit continuer « éternellement », tandis que commence l’heure du jugement. Alors que se déchainent les violences de l’histoire, Dieu appelle à lui tous les humains.

Les coupables sont pressés de revenir à Dieu, de se repentir, car le temps de la fin s’approche sans cesse, il est imminent à chaque âge de l’histoire. Si ce n’est pas tout-à-fait une menace, c’est un avertissement, ou mieux encore un appel urgent à se convertir.

Les degrés progressifs du jugement divin

La subtilité de l’Apocalypse, ce livre résolument complexe, consiste à présenter le jugement divin comme une réalité progressive, qui accroit son emprise, dont le caractère devient plus tranchant au fil du temps, jusqu’à devenir définitif, dernier, à la fin du livre. Or, ce jugement, couplé à l’appel de l’Evangile simultané, participe au projet divin du salut, car il rappelle aux pécheurs, aux injustes, que leurs actes ont des conséquences quasiment définitives pour eux et les autres, mais qu’ils peuvent modifier leur orientation, revenir à Dieu. Ainsi, Evangile et jugement opèrent ensemble, comme les deux faces d’une même pièce.

Deux degrés du jugement divin opérant dans l’histoire humaine sont brièvement exposés dans notre chapitre 14, qui offre ainsi une synthèse du livre. Or, ces deux degrés sont présentés ici en sens inverse de leur apparition dans le livre (les deux bêtes au chapitre 13 ; Babylone aux chapitres 17 à 19), de sorte que ces « événements symboliques » relatés dans l’Apocalypse ne peuvent pas être traduits exactement en un ordre historique de faits réels ; car ils conservent un aspect imagé.

Premier degré : « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, qui a abreuvé toutes les nations du vin de sa fureur de prostitution » (v.8). Comme indiqué, l’identification des symboles de l’Apocalypse à des faits réels de l’histoire humaine a toujours été une question délicate. Selon Pierre Prigent, dans son commentaire (Labor et Fides, 1988), – et nous avons de bonnes raisons de le suivre – il s’agit de la Rome impériale car, selon Tertullien, Babylone et Rome, « toutes deux sont de fières capitales d’empire et toutes deux persécutent les saints de Dieu » (p. 227).

Mais Babylone, dans la prophétie biblique, représente à mon sens non seulement une ville identifiable, mais aussi et surtout un certain état d’esprit, un amour du luxe et des plaisirs, sans scrupules pour les moyens économiques et moraux servant à obtenir ces jouissances. Babylone représente ainsi le réseau mondial de toutes les exploitations débridées des plus faibles, et c’est ce « darknet » là, ce réseau diffus, pourri et pervers, et non clairement localisable, que révèle ce premier jugement.

Un degré du jugement divin difficile à envisager

Le degré suivant du jugement divin est plus direct, plus violent : « Si quelqu’un adore la bête et son image, s’il en reçoit la marque sur le front ou sur la main, il boira lui aussi du vin de la fureur de Dieu » (v.9.10). Ce sont de tels passages, incompatibles avec l’esprit de douceur du Christ, qui rendent le texte de l’Apocalypse difficilement recevable à certains égards. De tels discours validant la violence divine sont à manier avec la plus extrême prudence, car ils peuvent engendrer la violence religieuse, un fanatisme dénué de tout scrupule.

D’un autre côté, je peux comprendre que des régimes politiques dictatoriaux et persécuteurs de toutes les libertés, comme fut le troisième Reich d’Adolf Hitler, soient jugés avec la plus grande sévérité, jusqu’à l’exécution de leurs chefs, comme lors du procès de Nuremberg, qui fut le premier tribunal international de l’histoire ayant retenu l’accusation de « crimes contre l’humanité« . Le mandat d’arrêt émis en mars 2023 par la Cour pénale internationale contre le président russe Vladimir Poutine, accusé d’être responsable de « crimes de guerre« , s’inscrit également dans cette perspective d’un jugement de l’histoire par elle-même.

Dans notre texte, intéressante est à mon sens la mention de la marque, dont il est dit ailleurs que « nul ne pourra acheter ou vendre, s’il ne porte la marque, le nom de la bête » (Ap 13,17). Si à notre époque, ce symbole peut faire penser à une puce électronique, insérée dans notre chair et contrôlée par un pouvoir politique intrusif, elle évoquait déjà, dans l’Empire romain, la mise au ban de l’Empire de celles et ceux qui refusaient la monnaie à l’effigie de l’Empereur divinisé (cf. l’image ci-dessus de la pièce de monnaie de Trajan).

Il y a, à toutes les époques de l’histoire, des exclus, asservis comme esclaves, cantonnés dans des ghettos, réfugiés déboutés, citoyens persécutés pour leurs croyances religieuses ou leurs idées politiques, bref, des victimes que le monde maltraite. L’Apocalypse soulève ainsi un problème qui a toujours préoccupé les chrétiens : Comment, jusqu’à quel point, faut-il participer aux systèmes politiques iniques, ou en endurer la censure en cas de refus ?

L’Apocalypse rend compte de la prière légitime des victimes : « Jusqu’à quand, Maître saint et véritable, tarderas-tu à faire justice et à venger notre sang sur les habitants de la terre ? », or la réponse divine, surprenante, tente de retarder au maximum cette « vengeance » : « il leur fut donné à chacun une robe blanche, et il leur fut dit de patienter encore un peu, jusqu’à ce que fut complet le nombre de leurs compagnons de service » (Ap. 6,10-11).

Le mystère de la patience de Dieu

Nous percevons ainsi l’intelligence de la question posée par le dernier livre de la Bible chrétienne : Dieu dans sa promptitude est-il appelé à juger, à rendre justice au plus vite, en délivrant les victimes de leurs oppresseurs, par l’anéantissement de leurs forces ; ou inversement, Dieu dans sa sagesse est-il amené à retarder son jugement jusqu’à ce que son Evangile éternel ait produit le nombre attendu d’hommes repentis de leur méchanceté. Il y a là une équation du projet divin du salut et de sa providence que la raison humaine ne saurait résoudre, et qui rend mystérieux le dessein de Dieu dans l’histoire.

Cependant, l’orientation spirituelle privilégiée que Dieu attend de nous, dans la perspective du livre de l’Apocalypse, est la patience. C’est elle qui implique « la persévérance des saints qui gardent le commandement de Dieu et la foi de Jésus » (v.12, le mot « persévérance » revient sept fois dans le livre de l’Apocalypse, et le mot « garder », au sens de conserver, quatorze fois). Ainsi, l’œuvre de l’amour de Dieu nécessite le permanent retard de la fin de l’histoire ; et l’histoire humaine, dans son étendue, est patience ; un mot qui signifie « aptitude à endurer », « disposition à accepter », « consentement à supporter ». Amen

Complément hors prédication

La deuxième épître de Pierre contient un message très proche de celui de l’Apocalypse, sous une forme résumée à l’essentiel et dépouillée de ses « effets spéciaux », en lequel la notion spirituelle de patience joue également un rôle central :

8 Il y a une chose en tout cas, mes amis, que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. 9 Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard, mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent mais que tous parviennent à la conversion. 10 Le jour du Seigneur viendra comme un voleur, jour où les cieux disparaîtront à grand fracas, où les éléments embrasés se dissoudront et où la terre et ses œuvres seront mises en jugement. 11 Puisque tout cela doit ainsi se dissoudre, quels hommes devez-vous être ! Quelle sainteté de vie ! Quel respect de Dieu ! 12 Vous qui attendez et qui hâtez la venue du jour de Dieu, jour où les cieux enflammés se dissoudront et où les éléments embrasés se fondront ! 13 Nous attendons selon sa promesse des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habite.

2 Pierre 3,8-13

6 réflexions sur « Prédication : L’Apocalypse ou le retardement salutaire du jugement »

  1. Je fais l’aveu de ne pas avoir (re)lu les textes que vous commentez, mais avoir apprécié votre belle prédication, et en particulier sa conclusion, qui est à la fois une méditation et un appel ; la patience de Dieu doit aussi être la nôtre, et de toutes façons sans celle de Dieu, nous ne serions même pas en mesure de vivre selon l’Evangile.

    J’ai relu récemment des passages du Troisième Esaïe, comme celui sur le Serviteur souffrant ( 52,13 à 53,12), ou celui sur le vrai jeûne (58) : c’est impressionnant de sentir la proximité de ces deux passages avec la problématique que vous soulevez avec le texte de l’Apocalypse.

    Le sujet « lambda », comme moi, qui essaie simplement de comprendre un peu le christianisme dans lequel il a été éduqué, a vraiment du mal à comprendre que juifs et chrétiens ne soient plus sur la même longueur d’onde depuis si longtemps.

    Le fait que le peuple d’Israël était quasiment à la fin de son existence lors de l’Exil à Babylone alors qu’il était justement appelé par son Dieu à préparer la venue du Messie, nous confronte fatalement à notre statut de chrétien qui est censé avoir bénéficié de la venue du Messie, alors qu’il semble que, pourtant, c’est comme si rien n’avait changé…

    Il me semble que l’Apocalypse, en nous appelant à la patience, comme vous l’écrivez si bien, nous rapproche en quelque sorte de la vision juive. Et j’y trouve un argument supplémentaire dans l’expression de la foi du feu philosophe protestant bien connu Paul Ricoeur : « Je fonde ma compréhension du monde, des autres et de moi-même sur la figure du serviteur souffrant, c’est à dire sur un amour qui n’est pas extorqué, mais offert» (Panorama, 1999).

    Comme le dit encore Paul Ricoeur, avec la figure du serviteur souffrant qui est devenue la figure symbolique fondamentale du christianisme, est rayée définitivement la figure d’un Dieu Tout-Puissant.

    En fait, « Dieu n’a pas d’autre puissance que celle d’aimer », or patienter est justement la première vertu de l’amour selon Paul aux Corinthiens 13…((l’amour « patiente » se dit en grec « makrothumei » (littéralement a grande humeur…)…

    Merci encore pour votre partage.

  2. Merci cher Monsieur pour votre partage.

    Je postule en effet que le livre de l’Apocalypse appelle le croyant à vivre (ou endurer) patiemment les épreuves de la vie (ou les persécutions) jusqu’à leur terme.
    Je vous rejoins : La prophétie de l’Apocalypse n’a pas été dictée à l’auteur du livre comme si ce dernier s’était contenté de transcrire les images qui défilaient devant lui dans son ravissement divin. Au contraire, l’Apocalypse se situe dans le prolongement de la prophétie juive, dont elle s’inspire considérablement (notamment le livre de Daniel), et qui s’y trouve retravaillée et amplifiée dans le cadre du christianisme.

    Concernant vos citations de Ricoeur, je ne suis pas en mesure de dire si Ricoeur nie si radicalement la figure du Dieu Tout-Puissant, je vous fais confiance.
    En ce qui me concerne, je ne nie pas la Toute-Puissance de Dieu, je pense qu’il conduit l’histoire du monde et des hommes, mais également nos existences personnelles, jusqu’à la résurrection qui inaugure la vie transcendante. Dieu est à mon sens à la fois Tout-Puissant et faible, par le fait qu’il laisse les humains être responsables de leurs actes, en interférant le moins possible avec leur liberté, ce qui génère les douloureux conflits de l’histoire, que le croyant est appelé à supporter patiemment.

    Avec mes amitiés
    Gilles B.

  3. Merci beaucoup pour votre commentaire.

    Les propos de Paul Ricoeur que j’ai cités ou auxquels j’ai fait allusion se trouvent dans un numéro du mensuel chrétien « Panorama » datant de janvier 1999, page 28. (ça ne date pas d’hier!).

    On lui pose la question : « Dieu n’est pas tout-puissant ? ». Et il répond : « Le problème est que le modèle de toute-puissance que nous avons est un modèle politique, c’est celui du tyran qui peut tout ce qu’il veut. Cette idée de toute-puissance de Dieu mise en défaut par l’existence du mal révèle en même temps son caractère périphérique, secondaire dans la foi.

    L’ensemble de l’Ancien Testament conduit plutôt au paradoxe de la confrontation entre la persistance de la sollicitude de Dieu et la « récalcitrance » de l’homme. Avec le Nouveau Testament apparaît la figure du serviteur souffrant qui vient définitivement rayer la figure d’un Dieu tout-puissant ».

    (La suite du texte est malheureusement illisible sur le document papier que j’ai conservé, sauf la fin, que je transcris plus loin)

    « Saint Paul évoque la figure d’abaissement du Christ qui renonce à la toute-puissance ».

    Amicalement,
    Wilfred

  4. Cher Monsieur,

    J’ajoute quand même encore ceci, à savoir que je vous rejoins finalement concernant la question de la toute-puissance de Dieu, quand vous dites qu’il est  « à la fois Tout-Puissant et faible ». C’est en effet un paradoxe insoluble, et qui ne peut aboutir qu’au néant, que de contester la toute-puissance, quand elle concerne Dieu lui-même. La conception chrétienne de la Trinité ne doit en effet pas être ici dévoyée.

    Le pasteur et théologien Wilfred Monod (1867-1943) dont je porte le prénom, se posait même la question de savoir si le Dieu créateur et le Dieu de Jésus crucifié était le même Dieu. Et j’ai cru comprendre qu’il frisait même l’hérésie, en mettant ainsi en doute l’unicité de Dieu.

    Il avait pourtant tant de qualités par ailleurs (je parle de Wilfred Monod) qu’on lui a sans doute pardonné, mais il faut le reconnaître en toute honnêteté que c’est quand même l’oubli qui a prévalu à son égard, et ce n’est peut-être pas un hasard.

    Bref, cette question de la toute-puissance de Dieu est une sacrée question et, si Paul Ricoeur peut sans doute se permettre de penser et de dire ce qu’il a dit, c’est sans doute parce qu’il était surtout philosophe…

    En fait, on est très souvent dans la projection de nos schémas humains. Me souvenant de mon expérience de père de très jeunes enfants, il y a un stade délicat où il faut aider l’enfant à intégrer le « non », tout en essayant cependant de ne pas brimer son développement psychomoteur (quand l’enfant s’empare de tous les livres à portée de main, par exemple)…

    Bien amicalement,

    Wilfred H.

  5. Merci Cher Monsieur pour vos réflexions, effectivement le problème n’est pas simple.
    Je ne pense pas qu’on en ait voulu à ce point à Wilfred Monod, mais ce serait à vérifier.
    Concernant Ricoeur, il est vrai que la pensée théologique d’un philosophe est conditionnée par sa nécessaire inscription dans le cadre de sa philosophie.
    Que Dieu peut tout, je le vois personnellement dans ses signes, qui rendent les coïncidences, les hasards instructifs.
    Que Dieu est faible, je le vois par le fait que pour nous rejoindre, il lui faut revêtir notre humanité, notre souffrance et notre mort.
    Avec mes amitiés
    Gilles B.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.