Prédication : Cinq traits essentiels de l’Evangile selon Marc 1,1-39

Dans le désert au sud de la Mer Morte. Photo GB

Evangile de Marc 1,1-39

1Commencement de l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu :
2Ainsi qu’il est écrit dans le livre du prophète Esaïe,
Voici, j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer ton chemin.
3Une voix crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
4Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés. 5Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. 6Jean était vêtu de poil de chameau avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 7Il proclamait : « Celui qui est plus fort que moi vient après moi, et je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la lanière de ses sandales. 8Moi, je vous ai baptisés d’eau, mais lui vous baptisera d’Esprit Saint. »

9Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. 10A l’instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. 11Et des cieux vint une voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir. »

12Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert. 13Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.

14Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Evangile de Dieu et disait : 15« Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile. »

16Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs. 17Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » 18Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. 19Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d’arranger leurs filets. 20Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.

21Ils pénètrent dans Capharnaüm. Et dès le jour du sabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait. 22Ils étaient frappés de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes. 23Justement il y avait dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur ; il s’écria : 24« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu. » 25Jésus lui commanda sévèrement : « Tais-toi et sors de cet homme. » 26L’esprit impur le secoua avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri. 27Ils furent tous tellement saisis qu’ils se demandaient les uns aux autres : « Qu’est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d’autorité ! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent ! » 28Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.

29Juste en sortant de la synagogue, ils allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. 30Or la belle-mère de Simon était couchée, elle avait de la fièvre ; aussitôt on parle d’elle à Jésus. 31Il s’approcha et la fit lever en lui prenant la main : la fièvre la quitta et elle se mit à les servir.

32Le soir venu, après le coucher du soleil, on se mit à lui amener tous les malades et les démoniaques. 33La ville entière était rassemblée à la porte. 34Il guérit de nombreux malades souffrant de maux de toutes sortes et il chassa de nombreux démons ; et il ne laissait pas parler les démons, parce que ceux-ci le connaissaient.

35Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert ; là, il priait. 36Simon se mit à sa recherche, ainsi que ses compagnons, 37et ils le trouvèrent. Ils lui disent : « Tout le monde te cherche. » 38Et il leur dit : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, pour que j’y proclame aussi l’Evangile : car c’est pour cela que je suis sorti. » 39Et il alla par toute la Galilée ; il prêchait dans leurs synagogues et chassait les démons.

Prédication du dimanche 24 janvier 2021 à Péry, dans le Jura bernois, en Suisse

Je me propose, dans cette prédication, de reprendre quelques éléments du début du premier chapitre de l’Evangile de Marc, qui précèdent et comprennent le texte de ce jour, afin de camper cinq traits qui me semblent essentiels pour se faire une idée de l’Evangile dans son ensemble. Ma démarche présuppose donc que l’évangéliste Marc est parvenu, dès les premières lignes de son texte, à brosser les traits saillants de son message.

Dans le texte écrit de la prédication, qui sera à votre disposition, j’indique toutes les références à ces 39 versets initiaux de l’Evangile de Marc, et vous pourrez donc reparcourir cette étude chez vous, Bible en main.

Premier élément essentiel : Le chemin dans le désert. Le mot désert apparaît cinq fois dans le premier chapitre de l’Evangile de Marc : Jean Baptiste est « une voix [qui] crie dans le désert » (v3), Jésus est tenté par Satan au désert (v13), assailli par la foule, il se retire dans un lieu désert pour prier (v35), trahi par le lépreux guéri, il doit se cacher au désert (v45).

Qu’est-ce à dire ? Sans en donner une vision pessimiste ou dégradante, l’Evangile considère la vie humaine comme étant symboliquement un « désert », c’est-à-dire un temps d’épreuve où l’on fait l’expérience du manque, du dénuement des choses les plus essentielles. L’existence humaine est donc soumise à la tentation (v13). L’objet du désir reste souvent inatteignable, et l’humain ferait facilement n’importe quoi pour l’atteindre.

Tout homme fait l’expérience de la solitude : personne ne répond à son appel. Mais une fois que l’on est réconcilié avec le désert, ce lieu peut devenir un lieu de retraite et de prière. Loin d’une vision naïve du bonheur, l’Evangile enseigne donc une vision réaliste de la vie humaine comme un chemin difficile au cours duquel se développe la vie spirituelle.

Deuxième élément essentiel : Les deux metanoia (conversion, changement de pensée). Dans le désert statique, l’Evangile enclenche une action, ça bouge. Deux mouvements symétriques se succèdent. Premièrement (v7), Jean Baptiste proclame « un baptême de conversion en vue du pardon des péchés » (v4). Cette reconnaissance de ce qu’il peut y avoir à changer en soi, cet aveu du mal qui a éventuellement été commis, est la première et la principale disposition d’esprit requise pour participer à l’Evangile. Sans cette humilité, la suite du chemin d’Evangile est sérieusement compromise. On remarquera que le pardon des péchés me libère du passé, afin de m’ouvrir le chemin vers l’à-venir.

La deuxième metanoia, le baptême d’Esprit Saint que Jean Baptiste oppose à son baptême d’eau (v8), est résolument tournée vers le futur. Jésus commence son ministère public avec ces mots : « le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous (metanoeite) et croyez à l’Evangile » (v15) : il ne s’agit plus de quitter le péché mais d’embrasser l’Evangile : le geste de foi, « croyez », est associé à l’orientation de la pensée en quête de Dieu.

Troisième élément essentiel : Il s’agit sans doute d’un des aspects les plus révolutionnaires et les plus décisifs de l’Evangile, qui inaugure une théologie qui va marquer durablement le christianisme. A ce sujet, Jean-Baptiste prend conscience de la disproportion entre son message, qu’il compare à de l’eau, et celui de Jésus, qu’il estime être de nature divine (v8), au point de ne pas se sentir digne de délier la lanière de ses sandales (v7).

Cette nouveauté, la voici : Le Dieu de l’Evangile n’est plus perçu avant tout comme un Seigneur, un Roi ou un Juge, mais comme un Père qui aime ses enfants. Cette théologie apparaît pour la première fois chez Marc dans la voix venant des cieux lors du baptême de Jésus : « Tu es mon fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir » (v11). Cette relation intime entre Jésus et son Père va devenir le modèle parfait de la relation entre chaque chrétien et son Dieu, pour toute la durée de l’histoire de l’Eglise, plaçant ainsi l’amour au cœur de la vie spirituelle chrétienne, une forme de lien qui marquera la chrétienté dans son ensemble.

Quatrième élément essentiel : Le chassé-croisé des relations humaines. Cet élément peut paraître secondaire par rapport au précédent, mais il ne l’est pas. Le texte de l’Evangile de Marc entend souligner d’emblée que la mystique chrétienne (l’union intime à Dieu) ne soustrait pas le chrétien aux complications des relations humaines. Vivre les uns avec les autres est toujours délicat : se comprendre, s’aimer, se pardonner, et l’on se rate souvent.

La vie humaine est une aventure relationnelle. Dans notre texte, Jésus recherche ses disciples : « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » (v17). Mais plus loin dans le chapitre, non sans un brin d’humour dissimulé de la part de l’évangéliste, ce sont les disciples qui recherchent Jésus : « Simon se mit à sa recherche, ainsi que ses compagnons, et ils le trouvèrent. Ils lui dirent : ‘Tout le monde te cherche’. » (v37).

Qui a besoin de qui ? Qui cherche qui ? Jésus a besoin de disciples, les disciples ont besoin d’un guide, d’un Dieu. Tout le monde a besoin de quelqu’un. Personne n’est autonome.

Cinquième élément essentiel : Nous voici arrivés au sujet du texte de ce jour : « on se mit à lui amener tous les malades et les démoniaques » (v32-34). Entendons bien, après avoir fait de Dieu notre Père, Jésus a imprimé une deuxième transformation fondamentale à la religion : Elle n’est plus, à ses yeux, comme c’est le cas la plupart du temps, dans la plupart des traditions, dans la plupart des cultures, une série d’observances rituelles à pratiquer, afin de satisfaire aux exigences des prêtres, conformément à une loi sacrée.

Pour Jésus, la religion est avant tout un chemin de guérison et de délivrance personnelle de tout ce qui nous rend malades et nous possède, nous envahit et nous pèse excessivement. Cette vision régénératrice de la vie spirituelle découle du Dieu Père, qui se soucie de ses enfants. On perçoit ainsi que mon troisième et mon cinquième élément essentiel sont liés.

Pour Jésus, ce n’est pas l’homme qui est au service de la loi sacrée, à laquelle il devrait se soumettre pour éviter d’offenser la divinité et de subir un châtiment, mais c’est la loi sacrée qui est au service de l’homme. Elle a été écrite afin que les hommes apprennent à vivre dans le respect d’eux-mêmes, de leurs semblables, de la création et de Dieu. Cette conception de la religion, qui forme la base de son Evangile, Jésus la résume par sa célèbre formule « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat » (Mc 2,27-28), une maxime théologique qui apparaît peu après notre texte, à la fin du deuxième chapitre de l’Evangile de Marc.

Dans l’histoire humaine, plusieurs personnalités ont joué comme Jésus un rôle important dans la transformation des puissances asservissantes en une puissances de guérison. Parmi les plus notoires, on peut citer le Bouddha, Socrate, Ghandi, et tant d’autres. Certains courants de pensée, comme le stoïcisme, l’humanisme, l’existentialisme, l’écologie, y ont également contribué, mais pour nous chrétiens, seul Jésus incarne de façon complète la fonction de Christ libérateur. Il faut pourtant souligner que d’innombrables personnes peuvent revêtir des aspects christiques, au nombre desquelles les chrétiens eux-mêmes, et contribuer ainsi à l’avancée de l’humanité de l’homme, un objectif toujours devant nous.

En conclusion, avec une grande concision, l’évangéliste Marc nous invite, dès son premier chapitre, à envisager la religion d’une manière tout-à-fait nouvelle et féconde. Amen.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.