Prédication : A propos de la naissance virginale de Jésus

Voir la liste de mes prédications ordonnées par références bibliques.

Prédication inspirée de l’étude de « La ‘Sainte Famille’  » (p.16-30) de Françoise Dolto, dans son ouvrage L’Evangile au risque de la psychanalyse (Tome 1, Editions du Seuil, Essais, 1977). L’étude de Françoise Dolto et la présente prédication portent sur les deux mêmes textes bibliques :

Evangile de Luc 1,26-38 – Visite de l’ange Gabriel à Marie

Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph, de la famille de David ; cette jeune fille s’appelait Marie. L’ange entra auprès d’elle et lui dit : « Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. » A ces mots, elle fut très troublée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très–Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera–t–il puisque je n’ai pas de relations conjugales ? »

L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très–Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu. Et voici que Elisabeth, ta parente, est elle aussi enceinte d’un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile, car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit ! » Et l’ange la quitta.

Evangile de Matthieu 1,18-25 – L’annonce en songe à Joseph

Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement. Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ». A son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.

Prédication de Noël, le 25 décembre 2020, en l’Eglise d’Orvin, dans le Jura bernois, en Suisse

La naissance virginale de Jésus est-elle un mythe ou un miracle ?
Heureusement que la naissance de Jésus continue de nous poser problème.
Qui peut savoir si Marie était vierge ou non, en donnant naissance à Jésus ?
Que signifie exactement la phrase « elle se trouva enceinte par le fait du Saint Esprit » ?
Cela signifie-t-il que le Saint-Esprit l’a voulu ainsi, ou que le Saint-Esprit l’a conçu ainsi ?

Dans l’Evangile de Luc, Marie dit à l’ange qu’elle n’a pas eu de relations conjugales, et dans l’Evangile de Matthieu, Joseph veut répudier secrètement Marie quand il apprend qu’elle est enceinte. L’intrigue est posée.

Même si nous supposons que Joseph est le géniteur biologique de Jésus, la question de Jésus considéré en tant que Fils de Dieu reste ouverte. Il manque de toute façon la dimension théologique : Entre Joseph et Marie, le Saint Esprit s’interpose pour faire de Jésus le Christ, le Fils de Dieu.

Si nous admettons que Jésus a deux pères, un père terrestre et un père céleste, lequel prime sur l’autre ? Lequel est le premier père et lequel est le père adoptif ? Cette question d’ordre psychologique a été souvent débattue dans l’histoire de la théologie chrétienne.

En m’aidant d’une étude de la psychologue française Françoise Dolto, qui dans les années 1970, a proposé des lectures de l’Evangile à l’aide de la psychanalyse, je propose, pour y voir un peu plus clair, que nous distinguions tout d’abord entre le géniteur et le père.

Il ne faut que quelques minutes à un homme viril pour concevoir un enfant, et devenir son géniteur, et 9 mois sont nécessaires à une femme pour porter et enfanter ce même enfant, et devenir ainsi sa génitrice. Mais cette conception ne fait pas d’eux le père et la mère.

Combien de temps faut-il à un homme et à une femme pour devenir et être le père et la mère de cet enfant ? L’éducation d’un enfant dure une vingtaine d’années, ou un peu moins parfois, ou alors, on peut aussi penser qu’être parent reste le métier de toute une vie.

Avez-vous déjà vu la tête d’un père qui doit prendre son enfant dans les bras pour la première fois, qui doit le langer, le changer, le laver, l’habiller, lui faire faire son rot, lui donner le biberon. Avant de devenir père, le géniteur biologique doit d’abord adopter son enfant, le faire sien affectivement et humainement. L’adoption d’un enfant par son père n’est jamais immédiate. Chaque père adopte son enfant biologique à un autre âge.

Et dans nos sociétés, il existe un certain nombre de géniteurs qui n’auront pas les capacités requises pour devenir des pères et des mères, et dans certains cas, il sera même nécessaire, pour des raisons psychiatriques ou légales, de leur retirer la garde de l’enfant.

Il est dans ce sens juste de distinguer entre le géniteur et le père, et cette distinction a aussi un sens lorsque l’on réfléchit théologiquement au père et à la filiation de Jésus.

La sexualité humaine est ainsi faite qu’un mari ne peut jamais être sûr d’être le véritable géniteur de ses enfants. Sans tests d’ADN, le mari doit faire confiance à sa femme qu’il est le géniteur. Une famille humaine n’est pas fondée sur la biologie, mais sur la confiance.

Dans la situation de Joseph et de Marie – bien entendu sans tests d’ADN dans l’Antiquité – les Evangiles sous-entendent que la confiance que Joseph a dû concéder à Marie a joué un très grand rôle, car elle était enceinte apparemment de façon inexplicable.

Joseph n’avait pas l’impression d’être le géniteur de l’enfant porté par Marie. Il a eu besoin d’un songe pour pouvoir adopter cet enfant, pour que ce soit vraiment « le sien ».

Mais Joseph refuse d’être jaloux de cet enfant qui accapare l’attention de Marie, il refuse d’être un rival pour Jésus et il accepte de lui enseigner son métier d’homme, charpentier.
Ainsi, Jésus fut bel et bien le fils du charpentier, le fils adoptif de Joseph.

Observons que dans les deux textes de ce jour, Marie est éveillée quand elle reçoit la visite de l’ange, tandis que Joseph dort. La femme, Marie, incarne la disponibilité éveillée, tandis que Joseph, lui, incarne la virilité endormie. Il faut que l’homme actif, l’homme fort, dorme quand l’ange lui parle en songe. Pour laisser la place à la venue de l’enfant Jésus, il faut endormir la force de l’homme, seule la disponibilité bienveillante et réceptive de la femme peut rester éveillée. Cependant, l’ange annonce à Marie : « l’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très–Haut te couvrira de son ombre », une affirmation qui ne suppose pas nécessairement que Marie sera consciente lors de cette venue.

Mais Joseph, à son réveil, ne refuse pas le don de Dieu, il y est préparé par le songe, il accepte sa fiancée Marie qui est enceinte sans sa virilité ; et il accepte Jésus, l’Emmanuel.

Joseph n’est donc pas possessif de Marie, et Marie n’est pas possessive de Jésus, elle accepte d’être enceinte sans savoir comment cela s’est passé, et il l’accepte aussi.

Ce qui réconcilie Joseph et Marie, lui trompé, elle abusée par un inconnu, c’est leur foi en Dieu. Ils se réconcilient parce qu’ils croient la Parole du Saint-Esprit et celle de l’Écriture, dans Esaïe : « Voici, la jeune femme sera enceinte et elle enfantera un fils, Emmanuel ».

Joseph et Marie sont une image de la parfaite disponibilité à Dieu : Cet enfant n’était pas leur projet, mais ils l’adoptent, Jésus devient leur enfant. Joseph devient le père de Jésus.

Noël, sous ce jour, c’est accueillir Dieu, donner de l’espace dans nos vies pour laisser grandir le projet de Dieu. Noël, c’est la fête de la disponibilité à autrui et à Dieu.

Vierge, on sait ce que cela signifie, selon le dictionnaire : « fille qui n’a pas eu de relations sexuelles complètes ». Mais vierge signifie aussi autre chose, plus généralement : vierge signifie « disponible, qui n’est pas encore marqué par quelque chose ». Une feuille vierge, par exemple, est une feuille blanche, sur laquelle on peut écrire, une feuille disponible.

Marie et Joseph sont « vierges » parce qu’ils acceptent que Dieu écrive leur vie en leur confiant l’enfant Jésus. Ils ne se rebutent pas, ils sont disponibles pour l’aventure avec Dieu. Pour un homme et une femme « vierges », la Parole que Dieu prononce sur leur vie devient plus importante que leurs projets personnels, ils sont disponibles pour Dieu.

Qui d’entre nous peut se vanter d’être parvenu à une telle disponibilité pour accueillir l’enfant de Noël ? À mon sens personne, mais nous tous, nous sommes en chemin.

Sans l’amour, je ne suis rien, dit l’apôtre Paul. S’il me manque l’amour, la gentillesse, je suis comme un métal qui résonne (1 Cor 13). Seul l’amour permet la vie en commun, seul l’amour donne sens à la vie, seul l’amour permet de nous faire grâce réciproquement pour nos manquements, nos insuffisances, nos incapacités, tout ce qui n’est pas guéri en nous.

Et comment l’amour le permet-il ? L’amour crée en nous cet espace de disponibilité à autrui, ce retrait de nous-mêmes qui ouvre une place à l’autre et à l’Autre en nous, ce renoncement heureux à une part de soi qui libère et n’est en rien frustrant ou culpabilisant.

Je crois que nous sommes ici au cœur du message de Noël. La foi n’est rien sans cet amour vécu dans la pauvreté spirituelle de nos vies. C’est une lumière divine, mais fragile, que ce Joyeux Noël qui survient au beau milieu de cette période covid. Amen.

2 réflexions sur « Prédication : A propos de la naissance virginale de Jésus »

  1. Merci pour cette réflexion. Au delà du débat « vierge » vs « pas vierge » (biologiquement) qui est peu intéressant vu le manque d’information j’ai bien aimé la vision « Joseph et Marie sont une image de la parfaite disponibilité à Dieu : Cet enfant n’était pas leur projet, mais ils l’adoptent, Jésus devient leur enfant. Joseph devient le père de Jésus. »

  2. Merci pour cette pertinente remarque, qui me permet de préciser un point: Mon propos ne consistait pas avant tout à me demander si Marie était vierge ou non au moment de la naissance de Jésus. Suivant la lecture que l’on fait de mon texte, il est vrai que mes questions initiales peuvent induire en erreur sur ce point. J’ai plutôt voulu montrer comment, à partir de ces questions que je pose initialement et qui sont souvent considérées comme indépassables, le débat peut être avantageusement déplacé vers la question de la disponibilité du couple de Marie et Joseph à recevoir une enfant qui n’était pas son projet à l’origine. Jésus Fils de Dieu devient ainsi Jésus fils de Marie et de Joseph. La pertinence des récits évangéliques à illustrer les significations théologiques que j’ai cherché à dégager reste la même, quel que soit le caractère mythologique de ces récits, fortement attesté, et quel que soit le degré d’apparentement fort variable et difficile à établir de ces récits avec des événements historiques.

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