Prédication : La tentation d’Adam et Eve et les étranges récits des patriarches

Jérôme Bosch (vers 1450 à août 1516, Bois-le-Duc, Pays-Bas),
Panneau de gauche du triptyque Le Jardin des délices :
Le Paradis, la création d’Eve, sa présentation à Adam et leur union.
Vraisemblablement peint entre 1490 et 1500.

Voir la liste de mes prédications ordonnées par références bibliques.

PDF de la conférence Le péché originel.

Genèse 2,15-25 – Le paradis terrestre

15 Le SEIGNEUR Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder. 16 Le SEIGNEUR Dieu prescrivit à l’homme : « Tu pourras manger de tout arbre du jardin, 17 mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir. »

18 Le SEIGNEUR Dieu dit : « Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit accordée. » 19 Le SEIGNEUR Dieu modela du sol toute bête des champs et tout oiseau du ciel qu’il amena à l’homme pour voir comment il les désignerait. Tout ce que désigna l’homme avait pour nom « être vivant » ; 20 l’homme désigna par leur nom tout bétail, tout oiseau du ciel et toute bête des champs, mais pour lui-même, l’homme ne trouva pas l’aide qui lui soit accordée. 21 Le SEIGNEUR Dieu fit tomber dans une torpeur l’homme qui s’endormit ; il prit l’une de ses côtes et referma les chairs à sa place. 22 Le SEIGNEUR Dieu transforma la côte qu’il avait prise à l’homme en une femme qu’il lui amena. 23 L’homme s’écria : « Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair,
celle-ci, on l’appellera femme car c’est de l’homme qu’elle a été prise. » 24 Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair. 25 Tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, sans se faire mutuellement honte.

Genèse 3,1-15 – La tentation d’Adam et Eve

1 Or le serpent était la plus astucieuse de toutes les bêtes des champs que le SEIGNEUR Dieu avait faites. Il dit à la femme : « Vraiment ! Dieu vous a dit : “Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin”… » 2 La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, 3 mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas afin de ne pas mourir.” » 4 Le serpent dit à la femme : « Non, vous ne mourrez pas, 5 mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. » 6 La femme vit que l’arbre était bon à manger, séduisant à regarder, précieux pour agir avec clairvoyance. Elle en prit un fruit dont elle mangea, elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il en mangea. 

7 Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils surent qu’ils étaient nus. Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes. 8 Or ils entendirent la voix du SEIGNEUR Dieu qui se promenait dans le jardin au souffle du jour. L’homme et la femme se cachèrent devant le SEIGNEUR Dieu au milieu des arbres du jardin. 9 Le SEIGNEUR Dieu appela l’homme et lui dit : « Où es-tu ? » 10 Il répondit : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur car j’étais nu, et je me suis caché. » – 11 « Qui t’a révélé, dit-il, que tu étais nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais prescrit de ne pas manger ? » 12 L’homme répondit : « La femme que tu as mise auprès de moi, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. » 13 Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m’a trompée et j’ai mangé. »

14 Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. 15 Je mettrai l’hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon. »

Evangile de Luc 10,17-20 – Soumission des esprits et noms célestes

17 Les soixante-douze envoyés revinrent pleins de joie et dirent : « Seigneur, même les démons nous obéissent quand nous leur donnons des ordres en ton nom ! » 18 Jésus leur répondit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair. 19 Écoutez : je vous ai donné l’autorité de marcher sur les serpents et les scorpions et d’écraser toute la puissance de l’ennemi, et rien ne pourra vous faire du mal. 20 Mais ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous obéissent ; réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. »

Prédication du dimanche 30 avril 2023 à Vauffelin, dans le Jura bernois, en Suisse

L’auteur, ou plutôt les auteurs, du récit d’Adam et Eve ne manque(nt) pas d’humour ! En effet, à bien lire le texte, le premier couple humain n’a jamais bénéficié de la paix du paradis terrestre. Dans l’ordre de ce second récit de la création (Gn 2), Dieu crée l’homme à partir de la poussière du sol, insuffle la vie dans ses narines, puis le place dans le jardin d’Eden pour le cultiver, en lui prescrivant, sous peine de mort, de ne pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Déplorant la solitude de l’homme, Dieu crée ensuite les animaux, mais seule la femme, tirée d’une de ses côtes, satisfait pleinement l’homme.

Puis, dès la création achevée, sans la moindre transition par une période ou un événement paisible, si ce n’est la conscience d’être nus sans en avoir honte (Gn 2,25), débute le récit de la tentation : « Le serpent était la plus astucieuse… » (Gn 3,1). De fait, la vie dans le paradis originel biblique n’aura été qu’une longue intrigue entre le serpent, Eve, Adam et Dieu ; un drame qui impacte les quatre acteurs et met fin à la vie bienheureuse des humains avant qu’elle ait vraiment commencé. Dans ce sens, le peintre Jérôme Bosch, dans son triptyque « Le Jardin des délices » peint entre 1480 et 1500, a très justement représenté le paradis terrestre entaché d’une mare noirâtre emplie d’animaux hostiles. On comprend ainsi que le récit biblique du jardin d’Eden n’est en fin de compte qu’une mise en scène sous forme historique permettant d’illustrer la réalité théologique de la « chute », à laquelle correspond la réalité psychologique de la « nostalgie » humaine d’un monde idéal dont le mal serait exclu, et qui n’a jamais pu exister dans notre Univers contraignant.

Le récit du paradis perdu n’est pas le seul en son genre dans le livre de la Genèse

Nous avons l’habitude de considérer ce récit d’Adam et Eve privés du bonheur éternel comme un texte unique, totalement isolé du reste. Or il n’en est rien ! Le lecteur des cinquante chapitres du livre de la Genèse découvre en réalité une succession de récits étranges, aux caractéristiques communes : Il s’agit d’autant d’intrigues activées par un acte, une épreuve ou commandement divin dont on comprend difficilement le sens, pénible à admettre ; une intervention divine qui crée un déséquilibre chez les personnes concernées, les incitant la plupart du temps à une attitude inappropriée, voire coupable, provoquée par la peur, la déception, le désir, la colère, la révolte, etc.

Ainsi, le Dieu de la Genèse est avant tout un Dieu qui crée la singularité des personnes en perturbant leur univers vital. Les êtres humains sont placés en situation d’échec, mais Dieu conserve une relation positive avec eux. Suite à cet événement perturbateur, il s’agit de rétablir l’équilibre soit en supportant les conséquences ou les sanctions de l’attitude qui a posé problème, soit en se réconciliant, soit en recevant la grâce divine exprimée dans le livre de la Genèse par la promesse de bénédiction, qui permet d’avancer malgré l’imperfection des relations humaines.

Décrivons brièvement quelques exemples. Au début de la Genèse, Dieu crée le monde en six jours, terminant avec l’homme et la femme qu’ils crée à son image, avant de se reposer le septième jour, le sabbat. Cette ressemblance des humains à Dieu, unique en son genre, n’est pas clairement définie par le texte (Gn 1,26-27). Elle a toujours interrogé les lecteurs, suscitant ainsi la première intrigue. Puis l’histoire recommence à zéro, réécrite tout autrement, avec cette interdiction divine très particulière de manger du fruit de la connaissance du bien et du mal (Gn 2,17), qui entraine la tentation, la confusion et la première désobéissance humaine. Si le premier récit de la création souligne la singularité humaine, parmi les autres animaux, le second récit souligne la singularité de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, parmi les autres végétaux. Dans les deux cas, le décalage est à la fois gênant et productif.

La bizarrerie suivante est la préférence de Dieu pour l’offrande d’Abel, qui conduit Caïn, son frère, à le tuer par jalousie (Gn 4). Le schéma général que j’ai indiqué apparaît ici très clairement : une appréciation étrange de Dieu, incompréhensible et en apparence injuste, produit une réaction inappropriée de la part de l’homme, qui se rend coupable de meurtre.

Quelques siècles après, Dieu décide d’anéantir l’humanité corrompue, qui le déçoit, mais il se contredit en sauvegardant tout de même Noé et sa famille, qui sans surprise, après le Déluge, vont engendrer une humanité tout aussi corrompue qu’auparavant (Gn 6-9). Ici à nouveau, la singularité du salut d’une seule famille humaine contraste avec l’anéantissement de l’entière population humaine. Selon le récit de la tour de Babel (Gn 11), l’humanité avide de puissance tente d’atteindre le ciel par ses propres moyens. Plus efficace, la stratégie divine consiste cette fois-ci à confondre les langues et les cultures, empêchant ainsi la formation d’un unique empire mondial. Dans ces récits, l’action divine perturbe l’action humaine, contrecarre les projets de l’humanité.

Débute alors l’histoire des patriarches, avec l’ordre intimé à Abram de quitter son pays et sa famille (Gn 12), commandement divin des plus incommodes, et pourtant fondamental pour l’histoire biblique, car assorti de la promesse d’un pays et d’une descendance « aussi nombreuse que le sable de la mer » (Gn 15,6). Très vite, le voyage tourne au cauchemar. Saraï, l’épouse d’Abram, étant stérile, le doute et la panique l’emportent, générant une attitude inappropriée qui tente de pallier le manque pénible d’action divine. A la demande de Saraï, Abram couche avec sa servante Hagar, mais Saraï est jalouse à la naissance d’Ismaël (Gn 16). Ici, le retard de l’accomplissement de la promesse divine révèle les inutiles désagréments causés par l’impatience humaine. Avec la naissance tardive du fils promis, Isaac (Gn 21), débute le conflit millénaire entre les deux descendances d’Abram : Ismaël revendiqué par les musulmans, et Isaac revendiqué par les juifs et les chrétiens.

Le livre de la Genèse est, ces récits le démontrent, une succession de déconvenues, qui ne laisse aucun répit aux protagonistes. L’ordre divin le plus paradoxal et le plus choquant de toute l’histoire est sans hésitation la demande à Abraham (retirée au dernier moment) de sacrifier son fils unique Isaac, attendu durant de longues années d’errance (Gn 22). Le texte parle expressément d’une épreuve (v.1) visant à démontrer la foi et l’obéissance indéfectible d’Abraham, qui réussit l’examen, s’attirant une forte admiration divine (Gn 22,15-18).

Les subtilités se poursuivent avec les ruses de Jacob, né après son frère jumeau Esaü, et cherchant à lui subtiliser son droit d’aîné en se faisant passer pour son frère au moment de la bénédiction par leur père Isaac, âgé et aveugle. Avec l’aide de sa mère Rebecca, le stratagème de Jacob réussit. On peut y voir un Dieu complice, disposé à enfreindre la règle de l’héritage du fils aîné afin de favoriser le cadet, estimé plus spirituel ; ou un Dieu automate, qui bénit le fils cadet même s’il a triché.

Parmi d’autres récits, il convient de mentionner deux épisodes de forte interaction entre Jacob et Dieu : l’un paisible, son songe de l’échelle entre ciel et terre (Gn 28), et l’autre violent, sa lutte avec l’homme, l’ange ou Dieu au passage du Yabboq (Gn 32). Je passe ici la longue histoire de Joseph vendu par ses frères comme esclave en Egypte suite à la révélation de ses visions inspirées apparemment prétentieuses (Gn 37-50).

Le thème du livre de la Genèse : La famille humaine dans tous ses états

Le thème du livre de la Genèse, depuis Adam jusqu’à Joseph, est donc celui de la famille dans tous ses états. Ce sont les incongruités de l’action divine qui rendent les croyants uniques, non au sens d’une supériorité ou d’une perfection, mais au sens de la singularité. Selon la théologie de la Genèse, ce sont la particularité et l’irrégularité de l’action divine à notre égard qui nous font exister individuellement de manière unique.

Cela dit, les premiers humains et les patriarches sont des anti-héros, dont le texte souligne les maladresses, les inconsistances et parfois les luttes acharnées. Ce style contraste totalement avec le récit héroïque de l’Exode, le livre suivant de la Bible, qui raconte la gloire de Moïse libérant son peuple du joug tyrannique du Pharaon d’Egypte. Pour souligner cette différence, notons que le livre de la Genèse ne contient pratiquement aucun miracle surnaturel, à part peut-être certains songes inspirés au sein du groupe restreint des patriarches, tandis que le livre de l’Exode présente une pléthore de miracles, dont les plaies d’Egypte, la traversée à pied sec de la Mer des joncs par le peuple d’Israël, la noyade du Pharaon et de son armée, la gravure des dix commandements par Dieu au Sinaï, etc.

Dans le récit des patriarches du livre la Genèse, il y a néanmoins un fil conducteur, celui de la foi en la promesse de Dieu, d’être en bénédiction pour tous les peuples de la terre. Empêtrés dans leurs relations familiales ambiguës, entre soumission et désobéissance aux coutumes traditionnelles et religieuses, ces hommes de foi sont portés par une espérance. C’est aussi notre cas, me semble-t-il, lorsque nous hésitons entre le maintien des activités paroissiales telles qu’elles sont, qui sont autant de valeurs sures, et le renouvellement nécessaire de nos infrastructures et de nos offres de spiritualité.

L’étymologie du nom propre Jacob se rapporte à la fois à « Dieu protège » ; à « supplanter, tromper », allusion au vol du droit de son frère aîné ; et à « talon », allusion à sa lutte avec l’ange, au travers de laquelle Jacob devient Israël, autre nom propre qui peut signifier « combattre contre Dieu », « combattant de Dieu », « Dieu règne », ou « que Dieu soit fort ». Nous avons là une description très complète de la vie croyante : Il s’agit à la fois pour chacun.e de combattre le combat de sa vie, et de s’appuyer sur Dieu, notre confiance.

Les patriarches, avec leurs noms et leurs histoires symboliques, sont très proches de nous, ils illustrent notre vie devant Dieu plus qu’ils n’existent historiquement. Leurs récits nous apprennent que Dieu ne nous simplifie pas fondamentalement la vie, mais nous demande d’en supporter les épreuves en évitant ces ornières qui nous dévient de nos trajectoires.

Epilogue : Nous sommes Adam et Eve

Confrontés au double besoin humain de liberté et de normes morales ; dans notre désir contradictoire de goûter aux plaisirs de la vie et de mener un combat éthique indispensable à notre survie, nous sommes bel et bien Adam et Eve, confrontés à la nécessité de distinguer entre le bien et le mal dans nos agissements, sans parvenir pour autant à nous forger une représentation exacte en tous points de l’orientation à donner à nos vies. Amen

6 réflexions sur « Prédication : La tentation d’Adam et Eve et les étranges récits des patriarches »

  1. Je m’excuse d’emblée de poster un commentaire aussi spontané (et aussi long !), mais je pense qu’il est d’autant plus sincère rédigé ainsi :

    Je trouve intéressant de saisir dans une même main tous ces récits de la Genèse, tels qu’ils ont été agencés comme un puzzle, avec sans aucun doute des intentions manifestes, mais quand même cachées pour paraître plus « vraies » : Le première idée qui me vient c’est que leur valeur intrinsèque est justement cette sincérité et cette absence de mensonge au départ : ainsi, dès le commencement (qui n’est évidemment pas un commencement absolu, car Dieu a sûrement déjà expérimenté un tas de choses plus ou moins agréables auparavant !), Dieu n’a pas affaire à « du simple » avec l’Homme, et les mammifères (je signale juste en passant que les mammifères terrestres ont bien été créés le même jour que l’Homme et la Femme, à savoir le sixième jour, bien sûr vous ne les aviez pas oubliés, même si vous ne les avez pas mentionnés…). Et le monde où Dieu a créé l’homme et la femme est un monde hostile dont l’apparence n’est pas totalement paradisiaque, puisque la mort y règne et que des limites sévères sont imposées aux êtres vivants d’une manière évidente à tous les niveaux, etc…

    Alors que faire ? Et je trouve effectivement très beaux ces récits où des tentatives de salut sont tentées, dès Adam et Eve, avec Noé, puis avec les Patriarches, etc…Effectivement, les histoires des Patriarches ne peuvent pas êtres historiques, mais ceux-ci sont très proches de nous, comme vous l’écrivez. D’ailleurs, pouvons nous dire de nous-mêmes que nous sommes des êtres « historiques » (nous qui sommes un tel mélange de pensées, de désirs, d’émotions, de douleurs et de joie, etc.) ?

    L’Evangile de Jean, dont le caractère tardif est en même temps une qualité, a le grand mérite d’être, comme ces récits de la Genèse, une éblouissante synthèse. Mais cette fois, c’est évident, il y a un érudit qui se cache derrière, et qui savamment « ressert les plats » (ainsi, le premier des sept signes, à savoir le changement de l’eau en vin intervient le septième jour, dans une forme de récréation, etc.). Dans le même évangile, au chapitre 16, Jésus, qui est déjà le Christ, prévient ses disciples (c’est-à-dire = les contemporains de l’évangéliste = nous !) qu’ils ne le verront plus que pendant peu de temps (le verbe « voir » est alors « théoréo » = contempler, examiner, observer, comme dans le fait d’assister à un spectacle sportif, par exemple, verbe qui a donné en français « théorie »). Puis le Christ poursuit et rassure de suite les mêmes disciples en leur disant qu’ils le verront dans peu de temps (le verbe grec est un tout autre verbe, qui signifie cette fois vraiment « voir », et qu’on retrouve dans la béatitude « heureux les purs de coeur car ils verront Dieu »). Jésus est âgé entre 30 et 40 ans. Quelle atrocité de mourir si jeune, et pourtant, c’est ce qui est arrivé. De même, si l’on est sincère, n’importe qui, et quelle que soit sa religion, sa tradition, son ancrage dans la société,, etc…, etc…, fera le constat amer qu’une vie n’aura pas suffi à assouvir son désir de vivre, de connaître etc. Alors que faire ? Je n’ai pas encore un âge canonique, mais j’en approche doucement, et il me semble qu’il ne nous reste qu’à affronter le temps qu’il nous est donné de vivre et de garder confiance dans la Parole du Christ, en nous réjouissant de le voir vraiment en pleine lumière un jour  !

    Encore quelques mots, en m’excusant encore une fois d’être aussi long : mais voici comment le théologien Marc Lienhard définit l’homme créé à l’image de Dieu. Je trouve ce passage de son dernier livre sur « Les religions abrahamiques », éd. Olivétan, 2022, si précieux que je le partage ci-dessous  (page 379) :
    « La Genèse parle de l’homme créé «à l’image de Dieu », mais aussi quelques passages du Nouveau Testament, alors que le Coran garde le silence à ce sujet. C’est une manière de distinguer l’être humain des animaux, en le définissant par rapport à Dieu.

    Il faut bien préciser ce qu’on entend par là. On a quelquefois voulu trouver l’image de Dieu dans certaines propriétés de l’homme telles que la marche debout, la nature spirituelle, sa capacité à être interpellé et à répondre, la domination à laquelle il est appelé. En fait, ce qui est visé, c’est l’existence comme vis-à-vis de Dieu et en relation avec lui. C’est à cela que l’homme, image de Dieu, est appelé. Il peut refuser cette relation, il peut aussi s’y conformer.

    Ce recours à l’« image » pourrait être mal compris, comme si Dieu et l’homme relevaient d’une même catégorie de pensée, le premier étant simplement supérieur au second, et qu’il y aurait une sorte d’identité ou d’analogie entre les deux. Mais la réalité de Dieu est tout autre. Elle est d’ordre relationnel et spirituel, Esprit d’amour, et non un être parfait et supérieur, projection à l’infini d’un être humain et de ses qualités. Être image de Dieu signifie que l’être humain est un être animé par l’Esprit, un être ouvert à la relation avec Dieu. Dans cette perspective, l’image de Dieu ne se trouve pas dans telle ou telle partie de l’être humain, mais dans sa vocation à aimer avec le même amour que celui de Dieu ».

    C’est décidé, j’arrête !

  2. Merci cher Monsieur Helmlinger pour le grand soin avec lequel vous m’avez écrit.

    Vous avez tout-à-fait raison et je n’avais pas perçu ce détail concernant la création des bestiaux le même sixième jour de la Création que l’homme. Ce point est intéressant, et si vous permettez, je vais effectuer la modification dans mon message. En me lisant ici, les lecteurs se rendront compte que j’ai corrigé suite à votre observation.

    En ligne générale, je partage assez bien ce que vous écrivez.

    J’avoue que votre comparaison avec l’Evangile de Jean me laisse un peu songeur, mais je pense tout de même saisir votre pensée. Dans les deux cas, il s’agirait d’une synthèse.

    Je partage entièrement votre point de vue selon lequel l’image de Dieu en l’homme ne concerne pas un caractère particulier de l’homme, mais le fait qu’il soit en relation avec Dieu, avec la vocation d’aimer.

    Je constate que mon texte vous a inspiré à réagir richement, et c’est aussi un des buts d’une prédication,
    je vous exprime donc un grand merci.

    Avec mon amitié
    Gilles Bourquin

  3. Cher Monsieur,

    Merci à mon tour pour votre réaction bienveillante et compréhensive. Ma comparaison avec l’Evangile de Jean était en effet plus une « association d’idée » qu’une comparaison.

    Quant à la création des animaux terrestres le sixième jour, la TOB traduit les trois termes utilisés par les auteurs de Genèse 1, 24, par « bestiaux, petites bêtes et bêtes sauvages », mais une note en bas de page précise que le second terme décrit « ce qui rampe ».

    Ce qui prépare peut-être au récit de Genèse 2 et 3, qui est sans doute plus ancien et provenant d’une autre source que Genèse 1. Chouraqui traduit d’ailleurs le dit mot par « le reptile » : http://djep.hd.free.fr/LaReferenceBiblique/?Trad=1&Livre=1&Chap=1&Vers=24

    Enfin, j’ai découvert en vous lisant que deux sortes de lecture « littérale » (ce qui n’a bien entendu rien à voir avec une lecture littéraliste ou fondamentaliste) peuvent être fécondes  :

    – une lecture littérale à partir de l’hébreu (c’est évidemment l’idéal, mais très exigeant, car en fin de compte il faut quand même « ‘traduire » pour interpréter et le risque est toujours ensuite de « divaguer » ou d’interpréter à l’infini…),

    – une lecture littérale, à partir d’une traduction à laquelle on accorde sa confiance, et où l’interprétation se limite en quelque sorte elle-même (le risque est alors d’être trop « timide » dans son interprétation)

    Je dirais qu’en ce qui me concerne , « mon coeur balance » entre les deux (mais c’est surtout, malheureusement, parce que je ne suis pas hébraïsant!).

    Une petite question pratique pour terminer : avez-vous une préférence concernant la modalité choisie pour réagir : sur facebook ou sur votre blog ?

    Avec mon amitié, Wilfred Helmlinger

  4. Cher Monsieur,
    merci pour votre intéressante analyse des types d’animaux. En fait, en recherchant le sens exact des termes hébreux et de leurs traductions, vous parvenez à établir une liaison intéressante entre les deux récits de la Création de Genèse 1 et 2-3. Cela me conduit à reprendre votre analyse des deux sortes de lectures « littérales ». Il me faut malheureusement me prononcer clairement en faveur de la première, qui se base sur les plus anciens manuscrits hébreux et grecs. En travaillant directement sur les textes en langues anciennes, on gagne une couche de profondeur. Il est vrai que l’hébreu doit être interprété et qu’on ne touche jamais « le fond » de la langue, mais si on travaille sur une traduction française, il faut ajouter un deuxième niveau d’interprétation : La façon dont cette traduction française interprète l’hébreu. Pour prendre conscience de ce double fond, il suffit de comparer différentes traductions françaises, ce qui permet de « deviner » les problèmes de traduction rencontrés par les traducteurs.
    Cela dit, pour ne rien simplifier, il faut se rendre compte que les manuscrits hébreux à notre disposition ont eux-mêmes une longue histoire littéraire derrière eux, et pour les textes datant éventuellement d’avant 1000 avant J.-C., il faut considérer qu’ils ont été écrits dans une langue encore antérieure à l’hébreu biblique. Le même type de vertige survient lorsque l’on suppose que Jésus parlait l’araméen, et que les évangélistes ont traduit ses paroles en grec, c’est-à-dire dans une langue indo-européenne profondément différente de l’araméen, qui est une langue sémitique.
    Quant à vos commentaires, je préfère nettement si vous les écrivez sur mon site (en mettant peut-être une petite note sur Facebook), car ainsi ils restent visibles pour toutes les personnes qui à l’avenir liront les textes sur mon site, tandis qu’il est rare que des personnes revisitent les publications passées sur Facebook.
    Avec mes amitiés.
    Gilles B.

  5. Cher Monsieur,

    Mille merci pour votre réponse approfondie qui m’éclaire (ra) dans mes doutes, ainsi que pour votre conseil concernant l’aspect formel, qui a l’avantage d’être clair.

    Avec mon amitié, Wilfred H.

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