Le mariage pour tous, ou le courage d’aller de l’avant

Dans la mesure où plusieurs avis critiques ou contraires à la modification du code civil suisse en faveur du mariage pour tous se sont exprimés dans les blogs du site réformés.ch, où cet article a été publié en premier lieu, il me semble pertinent d’exprimer quelques raisons qui m’amènent à être favorable au mariage pour tous. Mes brèves remarques ci-dessous ne se veulent pas exhaustives.

A mon sens, cette modification du droit suisse s’inscrit dans une logique d’évolution des sociétés occidentales amorcée depuis la Renaissance, en passant par les Lumières, qu’il n’est pas raisonnable de contrer, car elle contribue à accroitre la liberté et la responsabilité de chacune et chacun dans ses choix de vie. Rappelons la définition des Lumières par le philosophe protestant Emmanuel Kant, en 1784 : « Etre mineur, c’est être incapable de se servir de son propre entendement sans la direction d’un autre. […] Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières. »  Dans une perspective de maturation de l’esprit, une part de ce qui était interdit, sanctionné et condamné par l’Etat, est appelé à devenir autorisé, et donc soumis aux jugements individuels.

Ensuite, sur le plan psychologique, même si l’on estime qu’être éduqué par un couple hétérosexuel est préférable pour l’enfant que d’être éduqué par deux parents de même sexe, ce critère n’est de loin pas le plus pénalisant pour l’enfant. La violence, le mépris, l’indifférence, l’instabilité ou l’abandon parentaux sont autrement plus déstabilisants pour l’enfant. Si loi ou exigence il devait y avoir en faveur des droits des enfants, elle ne devrait pas concerner en premier lieu le sexe des personnes qui l’aiment, l’entourent et l’éduquent, mais leur stabilité psychologique personnelle et relationnelle, ainsi que leur engagement dans la durée, qui sont les principales valeurs garantes d’une base solide d’existence. La centration du débat actuel sur le sexe des parents fait l’impasse sur la réalité des problèmes familiaux, tels qu’ils apparaissent aux yeux des psychologues et des assistants sociaux. L’insistance sur la nécessité d’un père et d’une mère dans l’éducation de l’enfant n’échappe pas à la question posée par les études genre, au sujet de la variabilité, voire de la substitution possible, des rôles familiaux attribués au féminin et au masculin.

Sur les plans biologique, anthropologique et théologique enfin, il convient de rappeler que la possibilité de vivre sa sexualité et sa vie familiale de diverses manières, visible au travers des différences culturelles, est un des signes qui montrent que l’homme n’est pas seulement un animal biologique déterminé par sa sexualité reproductive, mais qu’il est un être doué d’une marge de manoeuvre vis-à-vis des déterminations de sa nature. La théologie et la pastorale de la sexualité, du mariage et de la famille ne devraient donc pas se baser uniquement sur des données biologiques, mais tenir compte de la liberté de l’homme dans ses choix éthiques, qui fonde aussi sa responsabilité.

Pour ces diverses raisons, et pour d’autres, il me semble pertinent, et même indispensable, d’adopter aujourd’hui l’élargissement des possibilités du mariage pour tous, en étant conscients que l’homme moderne, Homo sapiens, est toujours celui qui apprend à vivre la liberté, le don divin le plus élevé et le plus difficile à exercer.

14 réflexions sur « Le mariage pour tous, ou le courage d’aller de l’avant »

  1. S’agit-il de lobbying ?
    Juste avant la fameuse votation, ça y ressemble grandement !
    Bon ! On sait que les sondages sont favorables à ce « mariage », alors…
    Le mariage est de moins en moins « pratiqué » par les hétérosexuels ; qu’en sera-t-il pour les homosexuels demain ?
    Actuellement, il semble que peu s’y intéressent !
    L’homme et la femme deviendront une seule chair…
    Dieu a-t-il réellement dit ?

  2. Cher Monsieur,
    Il ne s’agit pas de lobbying.
    Comme je l’écris en toute transparence, j’indique ma position et je l’argumente en lien à la prochaine votation. En démocratie, toute votation populaire est l’occasion d’un débat social, où les tenants des différentes positions en jeu sont appelés à exprimer au mieux leur point de vue, en indiquant également la façon dont ils l’argumentent.
    Avec mes cordiaux messages.

  3. Mon cher Monsieur, ne savez-vous pas que l’esprit du monde est inimitié d’avec Dieu ? (1 Jean 2: 15-16 Jacques 4:). Depuis Adam jusqu’à nos jours l’Homme a toujours cherché à ce « libérer » de Dieu, à être indépendant, à vivre selon ses envies, ses pulsions (sexuelles ?). Toute la Bible est truffée de mise en garde à ce sujet. Oui, L’Homme veut être libre, loin de toutes contraintes, c’est pourquoi il baigne dans le péché. Son Histoire nous le prouve que trop. Pour tout dire, les Lumières ont apporté une part d’obscurité aux Ténèbres.
    Concernant le père et la mère, là aussi la Bible insiste tellement sur ces deux rôles. Et Dieu le Père, qu’est-ce qu’il devient dans votre théologie du relativisme ? Concernant la biologie et la théologie, c’est tellement gros que je ne peux m’empêcher de penser à 2 textes à Timothé 1 Ti 1: 7 ss Ils veulent être docteurs de la loi et ils ne comprennent ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils affirment. 2 Ti 4:1 3-4 Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais au gré de leurs propres désirs, avec la démangeaison d’écouter, ils se donneront maîtres sur maîtres ; ils détourneront leurs oreilles de la vérité et se tourneront vers les fables. Désolé d’être si abrupte, (Dieu parfois aussi est direct) mais revenons à la Vérité.

  4. Cher Monsieur,
    vous m’invitez à une bataille de versets bibliques à laquelle je choisis de répondre. En Luc 7,34b-35, on lit ceci : « Le Fils de l’homme est venu, il mange, il boit, et vous dites : “Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs.” Mais la Sagesse a été reconnue juste par tous ses enfants. » Les moralistes, remplis d’orgueil et se croyant meilleurs que les autres, étaient incapables de recevoir l’Evangile. Et pour bien nous convaincre que la propre justice n’a jamais sauvé personne, Matthieu 21,31b-32 : « Jésus leur dit : « En vérité, je vous le déclare, collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. » On peut être aussi moralisateur, religieux, spirituel et « saint » qu’on le veut, cela ne satisfait pas la justice de Dieu.
    Jésus n’a-t-il pas souligné, dès le début de son ministère, qu’il ne lisait pas la Bible à la lettre, mais qu’il se permettait de la contredire quand son cœur le lui dictait. Quatre fois de suite, au début du Sermon sur la montagne, en Matthieu 5, il s’exprime ainsi: « Vous avez appris qu’il a été dit… mais moi je vous dis… ». Et combien avait-il raison de ne pas respecter la Bible à la lettre, car ses lois sont parfois odieuses : « Quand un homme couche avec un homme, comme on couche avec une femme, ce qu’ils ont fait tous les deux est une abomination; ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux » (Lévitique 20,13). Pourquoi donc ne prêchez-vous pas la peine de mort pour les homosexuels, comme la Parole de Dieu le demande clairement ? Sans doute parce que vous ressentez en vous les paroles que le Christ a adressées aux scribes et aux Pharisiens : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Jean 8,7). Nous avons ainsi réalisé une dispute biblique en bonne et due forme. Laissons-donc nos lecteurs nous départager.

  5. Jésus a bien dit qu’il était venu pour accomplir la Loi et non pour l’abolir.

    Les chrétiens protestants évangéliques sont-ils des talibans à vos yeux ?

  6. Oui, je m’exprime ici publiquement, et vous pouvez me répondre. Chaque publication de ce genre, disponible sur internet, contribue au débat général. Mon article crée aussi débat sur Facebook. Il influence peut-être certaines personnes, et c’est le but de tout débat social : fournir des arguments pour aider les personnes à se faire leur opinion personnelle, comme je le dis au début de mon article par la citation de Kant.

  7. Non, pour plusieurs raisons, les chrétiens évangéliques ne sont pas des Talibans. Dans leur immense majorité, ils n’utilisent pas la violence pour imposer leurs arguments par la peur. C’est du moins le cas en Europe, la situation est un peu différente aux Etats-Unis. Cependant, lorsqu’au nom de leur lecture de la Bible et de leurs convictions, les chrétiens évangéliques veulent interdire le mariage pour tous, par exemple, ils considèrent implicitement légitime qu’une loi suisse interdise une pratique (le mariage des homosexuels par exemple) qui s’oppose à leurs convictions religieuses. Sans être des Talibans, ils cherchent donc ici une influence juridique qui exerce un contrôle moral d’origine religieuse sur l’ensemble de la population. Cela ressemble, mais de très loin, à l’application de la Charia ou de la Torah de la part des musulmans et juifs fondamentalistes. A mon sens, les chrétiens évangéliques, ou certains d’entre eux, ont le droit démocratique de partager leurs convictions opposées au mariage pour tous (liberté de pensée et d’expression), mais j’estime qu’ils ne devraient pas avoir le droit, au nom de leur conviction, d’interdire à d’autres personnes, notamment homosexuelles, de se marier comme elles le souhaitent et l’estiment juste, car dans une démocratie libre, il faut respecter la liberté de chaque citoyenNE de se marier selon ses convictions.

  8. Une bataille, une dispute ? Tout au plus de l’escrime avec l’épée de la Parole. Cela me semble naturel et évident dans le cadre du blog d’un pasteur. Alors je n’en reste pas à une seule passe.
    Je tiens tout d’abord à dire que vous m’avez mal compris en faisant allusion aux moralisateurs et bien-pensants de l’époque de Jésus quant au regard que je porte sur les autres. En parlant du péché, je n’ai pas évoqué l’exclusion de qui que ce soit. C’est une réalité pour toutes et tous. Je peux boire avec une prostituée, mais je ne coucherai pas avec elle. Concernant ma première affirmation sur le Monde, elle est totalement en accord avec les propos de Jésus.
    Concernant le sermon sur la montagne, Jésus, loin de contredire la Parole, va justement encore plus loin dans ses exigences puisqu’il dit, par exemple, que l’adultère n’est pas seulement de passer à l’acte, mais que déjà y penser est mal. (lire Matthieu 5 depuis v. 17) Ce qui m’amène à l’épisode de la femme adultère que vous citez à propos de lancer la première pierre. Après que les accusateurs soient partis, repris dans leur conscience, il n’y avait plus personne pour accuser la femme. Jésus ne la condamna pas non plus. Pourquoi ? Il n’était pas venu pour juger, mais pour sauver les Hommes. Mais que dit-il juste après ? Va, et désormais ne pèche plus !
    Beaucoup des personnes ont de la peine à dissocier le péché du pécheur. Dieu aime les pécheurs, quels qu’ils soient (il a sacrifié son Fils pour eux), mais il déteste le péché, quel qu’il soit. C’est cela la Bonne Nouvelle de l’Evangile : alors que nous sommes pécheurs, Dieu nous accorde le salut en Jésus-Christ. Mais pour obtenir le salut, encore faut-il se reconnaitre coupable. C’est dans ce sens que les recommandations de la Bible sont essentielles pour que nous ayons connaissances, moi comme tout un chacun, de notre état moral et du besoin de l’Evangile. Il n’est donc pas question d’être tolérant à ce niveau-là, mais comme nous sommes aussi sous la grâce, il n’est pas question non plus de mettre quelqu’un à mort.
    A ne pas oublier, lorsque Jésus reviendra, ce sera comme juge. Alors avertissons charitablement nos contemporains. Ordre du Seigneur.

  9. Votre ton a passablement changé entre votre première intervention et celle-ci. Vous êtes moins abrupte et accusateur. Vous vous en excusiez d’ailleurs déjà à la fin de votre première intervention. Merci.
    Une remarque toutefois: Votre théorie théologique selon laquelle Jésus viendra comme juge, et qu’il faut donc avertir nos contemporains, vous donne l’occasion de revêtir à nouveau votre chapeau de moraliste pour conclure votre texte. Non, Jésus ne changera pas de casquette à la fin des temps ! Il ne trahira pas l’esprit de l’Evangile qu’il a enseigné. « Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et pour l’éternité » (Hébreux 13,8). Ceux qu’il a dénoncés comme accusateurs, moralisateurs et culpabilisateurs des autres, et qui sont devenus ses meurtriers, il les dénoncera toujours de même, sans pour autant les condamner. A ceux qu’il a accusés de pharisaïsme, de propre justice, d’orgueil religieux et d’indifférence aux souffrances des rejetés, il reformulera les mêmes reproches. Tandis que les humbles de cœur et les persécutés, les gens de « mauvaise vie », seront accueillis avec joie, comme il l’a annoncé dès le début de son ministère: « Heureux les pauvres de cœur : le royaume des cieux est à eux » (Matthieu 4,3). En aucun cas Jésus ne reniera ses promesses d’accueil et de grâce faites aux humbles (qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels) en se rangeant du côté des juges accusateurs. « Il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu, jour et nuit » (Apocalypse 12,10).

  10. Est-ce que c’est cette « dispute » dont on parlait du temps des Réformateurs ?
    Gilles se fait plaisir à « discuter » ; un point pour lui, il répond aux observations qui lui sont faites.
    Quant au fond… « Rendons à César… »
    Il y a eu l’autorisation du divorce après la Révolution, en France ; aujourd’hui « le mariage pour tous », formule qui n’a aucun sens, en fait.
    Dans certaines sociétés patriarcales on marie les enfants, très tôt.
    Pas encore « chez nous » !!!
    Donc, pas encore de « mariage pour tous » !
    La société permissive dans laquelle nous vivons, bon gré, mal gré, nous prépare des lendemains qui chantent (ou plutôt « qui déchantent »), loin, bien loin de la foi de nos pères. Nous en sommes attristés.
    Nous disons « Viens, Seigneur Jésus, viens ! »

  11. Cher Gilles,

    Nous venons à peine de quitter notre conversation téléphonique sur un sujet de théologie pratique qui n’a rien à voir avec ce billet. Comme vous m’avez mentionné l’existence de votre site pour y voir vos prédications, je suis arrivé sur ce billet directement.

    Vous ne pouvez pas savoir comme votre message me fait du bien.

    Pour ceux qui vous répondent parfois un peu abruptement, j’ai des enfants d’une mère que j’aime encore profondément, mais avec qui je ne vis plus car à 40 ans au bord de l’abîme, j’ai eu la révélation (si je vous passe les détails de mon expérience) que j’étais dans le déni, mais aussi que je devais m’accepter. Je pense que les personnes qui ne connaissent pas le sujet ne réalisent pas la souffrance que cela peut engendrer. Ne serait-ce que parce que non seulement on souffre soi-même, mais on fait aussi souffrir les autres.

    Je dirai simplement que l’autorisation en France du mariage pour les personnes de même sexe, l’ouverture des protestants à célébrer des bénédictions de mariage aux personnes de même sexe a été le déclencheur, dans mon cas, d’un mariage merveilleux et d’une annonce de la Bonne Nouvelle. Cela m’a conduit à entrer dans un Temple, à y revenir tous les dimanches et plus encore à entreprendre des études de théologies et à devenir prédicateur laïc.

    Mes enfants n’ont absolument pas été perturbés par tout cela et font des études brillantes et sont absolument solides et heureux. Ce qui les perturbent le plus est sans doute que j’ai renoncé à mon athéisme, mais cela vient peut être de nos racines catholiques ? … et puis nul n’est prophète en son pays!

    Enfin, Esaïe le dit clairement Dieu le Père est la meilleure des mères. Un Dieu unique et universel est nécessairement un père et une mère, un dieu et une déesse, « gender fluid » pour utiliser une terminologie moderne.

    Quant à la phrase « Va, et désormais ne pèche plus ! », une simple critique textuelle montre que la phrase est absente des plus anciens manuscrits. Faîtes en ce que vous voulez.

    Bien à vous (tous),

  12. Cher Christophe,
    merci pour le témoignage de votre vécu familial et personnel, qui révèle pleinement le courage nécessaire d’une telle démarche. Je suis heureux que vous ayez pu vivre, comme vous le dites, « un mariage merveilleux », et vous souhaite bonne continuation dans vos études théologiques. J’admire votre passage des sciences physiques – vous êtes astrophysicien je crois – à la théologie. Bien à vous. Gilles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.