Perspective d’histoire de l’humanité des origines au début de notre ère, avec focus imbriqués sur les origines de la religion, le Moyen Orient ancien et l’histoire du peuple d’Israël, ayant pour objectif de ne pas se perdre dans les détails, mais d’offrir un réseau de grandes lignes permettant de situer les événements les uns par rapport aux autres dans leurs justes proportions, en distinguant entre ce qui relève de l’histoire et ce qui est de l’ordre du symbolique.
Le domaine d’étude de cet exposé étant pour ainsi dire infini, la perspective de cette présentation est volontairement synthétique : L’exposé cherche à dessiner une perspective d’ensemble de l’histoire d’avant notre ère, ayant pour but:
– De clarifier certains domaines de base inconnus des lecteurs
– De souligner les périodes historiques pour lesquelles nous manquons d’information
– De donner à réfléchir la complexité de l’histoire religieuse des peuples de l’humanité
– De donner certaines bases historiques permettant de mieux comprendre l’histoire relatée dans la Bible hébraïque, devenue l’Ancien Testament chrétien.
Table des matières
- Histoire des origines de l’humanité
- Les religions de la préhistoire (avant et après la révolution néolithique)
- Naissance des civilisations, des cultures et des religions
- Sources des monothéismes d’Abraham
- L’histoire biblique dans le cadre de l’histoire des peuples du Moyen-Orient ancien
- Deux propositions d’études par groupes
1. Histoire des origines de l’humanité
Liste des ouvrages qui illustrent cette section
- J.-P. Mohen, Y. Taborin, Les sociétés de la préhistoire, Paris, Hachette, 1998
- Arthur Escher, Robin Marchant, Atlas des vertébrés de leurs origines à nos jours, Le Mont-sur-Lausanne, LEP Editions Loisirs et Pédagogie, 2016
- Christian Grataloup, Géohistoire. Une autre histoire des humains sur la Terre, Paris, Les Arènes, 2023
- Jean-Paul Demoule, Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire. Quand on inventa l’agriculture, la guerre et les chefs, Librairie Arthème Fayard, 2017
- Jean-Paul Demoule, La révolution néolithique, Paris, Le Pommier, 2008
Chronologies de l’humanité depuis ses origines animales
Les tableaux montrent le métissage (brassage génétique par accouplements) d’Homo sapiens avec d’autres espèces d’homonidés, dont Homo neanderthalensis, avant leur disparition au plus tard, selon les estimations, entre 100’000 et 30’000 ans (entre 100 et 30 millénaires). Homo sapiens était plus svelte, moins résistant aux rudesses climatiques et aux combats entre clans, mais plus intelligent et donc aussi plus adaptable à différents climats et milieux de vie, de sorte qu’il a fini par occuper toutes les niches écologiques, contribuant ainsi à l’extinction des autres hominidés.
Les Grandes migrations de Homo sapiens
L’espèce humaine est très certainement originaire d’Afrique, où vivaient les australopithèques il y a 3 millions d’années. Les premières migrations des hominidés hors d’Afrique ont probablement eu lieu il y a 2 millions d’années (2’000’000 années, 2000 millénaires), bien avant l’apparition de l’espèce Homo sapiens telle qu’elle se présente aujourd’hui, et dont les origines remontent à approximativement 200’000 ans (200 millénaires, un cinquième de million d’année), donc dans une période 10 fois plus courte que celle des premières migrations d’hominidés hors d’Afrique.
Les migrations de Homo sapiens l’on conduit à coloniser le contient asiatique il y a environ 100’000 ans (100 millénaires), le continent australien il y a environ 65’000 ans (65 millénaires), le continent européen il y a environ 50’000 ans (50 millénaires) et le continent américain il y a seulement 35’000 ans (35 millénaires), en franchissant le détroit de Béring entre la Sibérie et l’Alaska, qui était gelé lors de la période glaciaire (Pléistocène). Toutes ces datations restent très approximatives et donnent des ordres de grandeur.
Les sédentarisations du Néolithique
Le Néolithique, qui débute il y a environ 10’000 ans (dix millénaires), à la fin de la dernière glaciation, permet la sédentarisation de l’espèce humaine grâce à l’agriculture, à l’élevage et au développement d’autres techniques (habitat, poterie, feu, etc.). La sédentarisation entraîne le développement de sociétés avec une plus grande diversification des métiers, et donc une augmentation des compétences spécifiques dans chaque métier (agriculteur, éleveur, menuisier, forgeron, guérisseur, prêtre, chef, etc.). Ainsi les zones habitées commencent à se développer, en accroissant les échanges commerciaux entre zones géographiques différentes, ce qui amplifie le partage des techniques, des cultures et des religions. Ainsi, la révolution néolithique est le stade préalablement nécessaire au développement futur des grandes civilisations humaines sur la planète Terre.
Le Néolithique marque le début d’une forte augmentation de la population mondiale, et signe ainsi le véritable début de l’humanité, que l’on situe encore dans la préhistoire, l’histoire proprement dite débutant avec l’origine de l’écriture. Mais dès le Néolithique, les compétences intellectuelles de l’homme, Homo sapiens, se manifestent dans le développement de diverses techniques, la chasse, l’agriculture, l’élevage, le défrichement, l’irrigation, le feu, la roue, l’architecture (palafittes), le travail du bois et de la pierre, etc. La diversification des compétences, qui démarque la réalité humaine de son évolution biologique, la transplante progressivement dans le domaine évolutif de la culture. Le Néolithique est suivi de l’âge du bronze, qui selon les zones géographiques, débute approximativement 3 millénaires avant Jésus-Christ.
2. Les religions de la préhistoire (avant et après la révolution néolithique)
Liste des ouvrages qui illustrent cette section
- Jean-Clottes, David Lewis-Williams, Les chamanes de la préhistoire. Texte intégral, polémiques et réponses, Seuil, 1996 & La maison des roches éditeur, 2001
- André Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire. Paléolithique, Quadrige/PUF, 1964
- Jacques Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l’agriculture, Paris, CNRS Editions, 2013
Difficultés d’étude des religions de la préhistoire
Les premières traces vraisemblablement religieuses sont bien plus anciennes que le Néolithique. Les religions préhistoriques sont très difficiles à décrire pour les raisons suivantes:
- Nous n’avons pas de traces écrites qui nous indiquent les croyances et les rites.
- Il ne subsiste que des figurines ou des gravures rupestres (grottes), et parfois certains objets placés dans une disposition particulière (notamment dans les tombes).
- Ces figurines et ces images peuvent être interprétées dans un sens religieux ou non religieux (par exemple, les reproductions d’animaux peuvent représenter des croyances aux esprits de la nature, des figures artistiques ou des trophées de chasse, etc.).
- Nous avons tendance à confondre les religions préhistoriques avec les religions des peuplades autochtones (« sauvages ») rencontrés par les explorateurs et les missionnaires chrétiens lors de la découverte des continents planétaires par les Européens.
Les loess de Moravie, d’Ukraine, de Russie et de Sibérie ont livré de grandes zones d’habitat avec des fonds de huttes environnés d’une multitude d’ossements, en particulier de mammouth. Dans les meilleurs cas, se rapportant au Paléolithique supérieur, les traces laissées par les huttes, de forme allongée ou circulaire, (fig. 1, A, ci-dessus), sont accompagnées de fosses plus petites, remplies de gros ossements et parfois de parties de membres en connexion anatomique. Considérées comme des fosses de détritus par la majorité des préhistoriens d’Europe orientale, elles ont parfois été interprétées, par comparaison avec les amas d’ossements de certains Esquimaux, comme des dépôts « rituels ». Même en adoptant une attitude prudente, ces dépôts d’ossements posent problème. Il ne s’agit manifestement pas de caches à viande, du moins telles qu’on les découvre: les restes y sont jetés décharnés. Pourtant rien dans l’agencement, le choix des parties du squelette ou leur position ne laisse percer un dispositif intentionnel. On peut supposer, étant donné la masse énorme des ossements qui traînent partout sur le sol, que ce sont des caches à viande ou des fosses de caractère indéterminé qui ont été comblées ensuite par des débris. Pourtant, dans de rares cas où une tente a pu être isolée, il arrive que les os d’animaux soient groupés dans une unique fosse (fig. 1, A). Il convient donc de réserver, mais à vrai dire sans preuves, une possibilité à l’explication non matérielle.
André Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire. Paléolithique, Quadrige/PUF, 1964, p.17
A l’encontre de l’enthousiasme parfois débordant de certains préhistoriens à avancer des « explications non matérielles » , soit artistiques soit religieuses, Leroi-Gourhan reste extrêmement prudent, en l’absence de traces écrites, dans l’attribution d’un caractère religieux à certains objects découverts sur les sites archéologiques.
Quelques traits (réels ou imaginés par les historiens) des religions préhistoriques
- Statuettes féminines stylisées représentant la grossesse, la naissance, la fertilité, etc.
- Animaux et humains avec des attributs d’animaux (ex: peaux, cornes, etc.) représentant soit des chasseurs masqués, soit des sorciers, des chamanes, etc.
- L’accent est mis sur l’aspect sacré de la nature, le cycle des saisons, les déesses-mères.
- Le culte des ancêtres.
- Les rites de fertilité, pour les récoltes.
- Dessins ou statuettes de dieux domestiques (protecteurs, guérisseurs, etc.).
- Mégalithes (pierres « sacrées » disposées selon des formes particulières).
- Rites mortuaires et tombes (squelettes accompagnés de vivres, armes, etc.).
L’aspect chamanique des religions préhistoriques : Parler aux esprits
Une pratique supposée des religions primitives consiste à entrer en contact avec les esprits de la nature et des morts humains et animaux, au moyen d’états modifiés de conscience, comme la transe, afin de négocier des avantages avec ces esprits.
L’aspect symbolique des religions préhistoriques : Structurer le monde
Les symboles de la période paléolithique retrouvés dans diverses grottes sont étonnement semblables sur un immense territoire s’étendant de la France actuelle à la Russie, et semblent répondre à une « grammaire » particulière, qui reste indéchiffrable à ce jour. Ces symboles représentent avant tout des animaux sauvages et des figures plus ou moins stylisées de sexes masculins et féminins humains.
L’aspect théologique des religions préhistoriques : Parler et plaire aux dieux pour obtenir leur soutien et leur protection
La religion ne signifie pas nécessairement qu’il y ait des dieux. Il peut être question d’entrer en contact avec les esprits des morts (animaux et humains), où simplement de pratiquer des rituels magiques pour produire des effets naturels (la pluie, le feu, la chaleur, etc.). Il est très difficile de prouver que les images paléolithiques illustrent des vénérations divines. La vénération peut être adressée au soleil, aux astres, aux animaux puissants, etc., mais les danses peuvent aussi servir à exprimer sa propre puissance.
3. Naissance des civilisations, des cultures et des religions
Liste des ouvrages qui illustrent cette section
- Hermann Kinder et Werner Hilgemann, Atlas historique. De l’apparition de l’homme sur la terre à l’ère atomique, Librairie Stock, 1968
- Dir. Ninian Smart, Atlas des Religions dans le Monde (version originale en anglais, 1999), Cologne, Könemann, 2000
Les principaux bassins de civilisations mondiaux
La localisation des premiers grands ensembles de traditions religieuses dépend de la localisation des premières grandes civilisations, qui dépendent elles-mêmes de zones climatiques favorables ayant permis leur développement. On perçoit ainsi à quel point l’histoire humaine est liée à la géologie et à l’écologie (science des écosystèmes).
A la suite de la « révolution néolithique », les grandes civilisations urbaines apparaissent (généralement concentrées autour des grands fleuves), et l’ère historique commence. Civilisation égyptienne aur le Nil, de la Mésopotamie sur le Tigre et l’Euphrate, de l’Inde sur l’Indus et de la Chine sur le Houang-ho », [ainsi que les civilisations américaines].
L’élément décisif est la modification climatique amorcée dès le Mésolithique (époque suivant le Paléolithique et précédant le Néolithique) : dessèchement d’immenses régions (ceinture désertique de l’ouest à l’est: du Sahara à la steppe kirghize).
Préhistoire et histoire : Origine sumérienne de l’écriture
On définit arbitrairement que l’histoire, faisant suite à la préhistoire, débute avec l’invention de l’écriture, qui permet aux historiens de travailler sur des traces écrites des événements et des réalités historiques. On suppose que l’invention de l’écriture remonte à 3400 avant J.-C., par les Sumériens, un peuple qui habitait la région proche de l’actuel Koweït, à l’endroit où les deux grands fleuves de Mésopotamie (grec: entre les fleuves), le Tigre et l’Euphrate, se jettent dans le Golfe Persique. L’histoire humaine proprement dite dure donc depuis plus de cinq millénaires.
La ville sumérienne d’Ur en Chaldée, prospère dès le IIIe millénaire avant J.-C., située au sud de l’actuel Irak, est considérée par la tradition monothéiste juive, chrétienne et musulmane comme la ville d’origine du patriarche Abraham, le père des croyants, qui fut appelé par Dieu à quitter sa patrie d’origine pour une destination inconnue (Genèse 11,31-12,5), qui lui fut progressivement révélée comme étant le pays de Canaan. L’Ecriture Sainte exprime ainsi au travers de figures symboliques que les traditions religieuses dont elle est issue remontent aux origines les plus ancestrales des civilisations humaines.
L’évolution religieuse vers les grandes traditions religieuses dans les principaux bassins de civilisation
Entre les religions de la préhistoire et la formation des grandes traditions religieuses de l’Antiquité il y a une longue évolution, dont nous possédons de nombreuses sources, entre autres dans divers textes sacrés ou oeuvres religieuses qui nous sont parvenus directement ou indirectement, soit des religions éteintes (comme les religions égyptiennes, cananéennes et mésopotamiennes, le zoroastrisme, les mythologies grecque et romaine, etc.) soit des religions vivantes aujourd’hui. Il est malgré tout très difficile, voire impossible, d’établir de façon précise l’histoire de cette évolution en tous lieux et sous tous ses aspects.
On suppose que les grandes traditions religieuses (voir leur liste dans la paragraphe en-dessous d’image suivante) ont une origine composite :
Ces traditions millénaires sont nées de l’assemblage plusieurs fois restructuré d’éléments et d’aspects complémentaires des religions primitives, qui ont été entièrement repensés et recomposés au fil des générations et des siècles afin de former des systèmes plus ou moins cohérents d’histoires, de rites (sacrifices, cultes, prières, purifications, etc.) et de croyances (histoires mythiques, dieux, miracles, doctrines du salut, etc.) considérés comme révélés, saints ou sacrés.
La carte ci-dessus représente la situation religieuse au cours du premier millénaire avant Jésus-Christ en Eurasie. Elle mentionne les fondateurs de plusieurs grandes religions et de systèmes de philosophie :
– L’école Ionienne de philosophie présocratique (VIe siècle avant J.-C.), s’inscrit selon l’auteur dans la carte des premières religions du monde. Homère (VIIIe siècle avant J.-C.), auteur historique ou légendaire des récits mythologiques de l’Iliade et de l’Odyssée, n’est pas mentionné.
– Amos, Jérémie, Esaïe (école prophétique de la religion israélite, VIIIe-VIe siècle avant J.-C.). Moïse, selon la tradition, fondateur de la religion israélite (à différencier du judaïsme, voir ci-dessous) n’est pas mentionné.
– Jésus-Christ (Ie siècle), à l’origine du christianisme, trop récent par rapport à la carte, n’est pas mentionné.
– Muhammad (VIe-VIIe siècle après Jésus-Christ), trop récent par rapport à la carte, n’est pas mentionné.
– Zoroastre (= Zarathoustra) prophète du zoroastrisme (VIIIe-VIIe siècles avant J.-C.).
– Bouddha Siddharta Gautama (Ve siècle avant J.-C.), fondateur du bouddhisme.
– Mahavira (Ve siècle avant J.-C.), en Inde, ravive le jaïnisme et lui donne sa forme actuelle.
– Upanishads Hindous, aboutissements philosophiques des Vedas (VIIIe-IIIe siècles avant J.-C.).
– Laozi ou Lao Tseu (VIe siècle avant J.-C.), considéré a posteriori comme le fondateur du taoïsme.
– Confucius, (VIe siècle avant J.-C.), fondateur du confucianisme.
– Le shintoïsme au Japon, dont le fondateur est inconnu, n’est pas mentionné.
– Les religions américaines, africaines et australiennes ne sont pas prises en compte.
4. Sources des monothéismes d’Abraham
Remarques introductives
Etablir les sources historiques des monothéismes d’Abraham, considéré traditionnellement comme le père du judaïsme, du christianisme et de l’islam, est un exercice particulièrement délicat pour trois ordres de raisons :
- Premièrement, d’un point de vue confessionnel, il est difficile de comprendre comment la religion révélée, selon la foi juive, chrétienne ou musulmane, puisse trouver ses origines dans l’histoire précédente et environnante des religions. Les mouvements traditionnalistes, conservateurs et à plus forte raison fondamentalistes des trois religions du Livre, qui prétendent à une inspiration divine verbale des textes sacrés plus ou moins accentuée, n’admettent qu’en partie, ou refusent complètement, que les religions révélées puissent être le résultat d’une évolution des religions plus archaïques.
La question des sources historiques des monothéismes d’Abraham est donc susceptible de heurter certaines consciences religieuses, et doit être traitée avec respect et prudence.
- Deuxièmement, les origines historiques des monothéismes d’Abraham, qui se situent dans le « croissant fertile » entre l’Egypte, le Levant (bord asiatique de la Mer Méditerranée) et la Mésopotamie, sont extrêmement complexes, étant donné qu’elles se situent au croisement de plusieurs zones civilisationnelles et culturelles.
La Bible elle-même admet cette complexité, comme le montre la Tabelle des peuples du livre de la Genèse, qui présente la généalogie des trois fils de Noé (Gn 10), située avant le récit de la confusion des langues (Tour de Babel, Gn 11,1-9), la généalogie des Sémites jusqu’à Abraham (Gn 11,10-32) et sa vocation de Père des croyants (Gn 12 et suivants).
Cette généalogie des fils de Sem (les Sémites), Cham (approximativement les africains) et Japhet (approximativement les indo-européens), présente les nations du Moyen Orient et des régions environnantes telles que les perçoit l’auteur biblique durant le premier millénaire avant Jésus-Christ.
Cette « cartographie » antique entend montrer que les origines de la révélation biblique s’inscrivent bel et bien dans le giron historique et culturel d’un bon nombre de peuples. La Bible reconnaît son vaste milieu de production.
- Troisièmement, il est difficile d’établir quels sont les principaux aspects complémentaires qui permettent d’établir l’histoire des réalités religieuses conduisant à la naissance des monothéismes d’Abraham. Je présente ci-dessous une liste de six aspects ayant évolué parallèlement dans le temps et contribué à constituer les trois religions monothéistes actuelles. Le présupposé de ces six aspects est le suivant :
De manière générale, les religions monothéistes à la fois s’inscrivent dans l’histoire des religions qui les précèdent et les environnent, en partageant avec ces religions des pratiques et des enseignements parfois très proches, et à la fois s’en démarquent très fortement, par exemple dans la Bible juive en affirmant que seul Yahvé est le vrai Dieu, et qu’on ne peut se faire de lui aucune image. Le culte de Yahvé suppose la stricte vénération du Dieu transcendant, sans idoles et sans polythéisme. Par rapport aux autres cultes avoisinants, la foi en Yahvé refuse : l’idolâtrie des veaux d’or et autres figures divines, le culte des Baals et autres divinités locales, les sacrifices humains, la prostitution sacrée, etc.
Les six aspects (ou dimensions) des monothéismes d’Abraham (le judaïsme, le christianisme et l’islam) présentés ci-dessous sont les suivants:
1. L’aspect rituel des monothéismes d’Abraham
2. L’aspect prophétique des monothéismes d’Abraham
3. L’aspect mythologique des monothéismes d’Abraham
4. L’aspect juridique des monothéismes d’Abraham
5. L’aspect sapientiel (= concernant la sagesse) des monothéismes d’Abraham
6. L’aspect historique des Monothéismes d’Abraham
1. L’aspect rituel des monothéismes d’Abraham
Les rituels sacrés et magiques permettant d’entrer en communion avec les puissances surnaturelles (défunts, animaux, anges, esprits, démons, dieux, etc.) sont à l’origine des sacrifices rituels que l’on trouve un peu partout dans les religions mondiales, par exemple dans la religion védique en Inde, et dans le celtisme druidique en Europe. Pour une liste très complète.
Les rituels sacrificiels des prêtres de la religion israélite, décrits dans le livre du Lévitique, se présentent, dans les livres historiques de la Bible, comme des rites semblables et concurrentiels à ceux pratiqués par les peuples voisins, mais dédiés au Dieu Yahvé plutôt qu’aux Baals (ce mot signifie Seigneur, Supérieur en akkadien). Cette confrontation des rituels yahvistes et cananéens apparaît à de nombreux endroits de la Bible juive, notamment dans le récit du sacrifice au mont Carmel qui oppose le prophète Elie, seul fidèle à Yahvé, aux quatre cent prophètes de Baal et d’Ashéra. La Bible souligne ainsi à la fois la spécificité de la religion yahviste, et son appartenance à l’histoire des religions antiques du Moyen Orient.
17 Quand Akhab vit Elie, il lui dit : « Est-ce bien toi, porte-malheur d’Israël ? » 18 Il lui dit : « Ce n’est pas moi le porte-malheur d’Israël, mais c’est toi et la maison de ton père parce que vous avez abandonné les commandements du SEIGNEUR, et que tu as suivi les Baals. 19 Maintenant fais rassembler près de moi Israël tout entier sur le mont Carmel, ainsi que les quatre cent cinquante prophètes du Baal et les quatre cents prophètes d’Ashéra qui mangent à la table de Jézabel. » 20 Akhab envoya chercher tous les fils d’Israël et rassembla les prophètes au mont Carmel. 21 Elie s’approcha de tout le peuple et dit : « Jusqu’à quand danserez-vous d’un pied sur l’autre ? Si c’est le SEIGNEUR qui est Dieu, suivez-le, et si c’est le Baal, suivez-le ! » Mais le peuple ne lui répondit pas un mot. 22 Elie dit au peuple : « Je suis resté le seul prophète du SEIGNEUR, tandis que les prophètes du Baal sont quatre cent cinquante. 23 Qu’on nous donne deux taureaux : qu’ils choisissent pour eux un taureau, qu’ils le dépècent et le placent sur le bûcher, mais sans y mettre le feu, et moi, je ferai de même avec l’autre taureau ; je le placerai sur le bûcher, mais je n’y mettrai pas le feu. 24 Puis vous invoquerez le nom de votre dieu, tandis que moi, j’invoquerai le nom du SEIGNEUR. Le Dieu qui répondra par le feu, c’est lui qui est Dieu. » Tout le peuple répondit : « Cette parole est bonne. »
Premier livre des Rois 18,17-24
La suite du texte confirme la victoire de la religion yahviste et le massacre des prophètes de Baal, qui sont égorgés.
2. L’aspect prophétique des monothéismes d’Abraham
L’exemple précédent montre que dans sa forme ancienne, le prophétisme juif est encore lié à la religion sacrificielle, qui ont une source commune. Le prophète Elie est aussi un sacrificateur. Plus généralement, dans l’histoire des religions, les origines du prophétisme s’inscrivent dans les diverses pratiques de divination dans les religions primitives, par lesquelles ont cherche à consulter ou à influencer les puissances surnaturelles. Le devin, comme ensuite le prophète, est à l’origine celui qui consulte les esprits et les dieux, par des présages, c’est-à-dire des signes permettant de connaître l’avenir.
Dans la religion grecque antique, on cite fréquemment la Pythie, choisie par les prêtres de Delphes en tant qu’oracle du temple d’Apollon, dont ils étaient censés interpréter les oracles (réponses donnée par un Dieu à des questions personnelles). Le druidisme ancien connaissait également de nombreuses méthodes de divination. Tout en s’inscrivant dans l’histoire générale de la consultation des divinités, la Bible hébraïque entend distinguer et même opposer très nettement le prophétisme yahviste et les autres méthodes de divination.
9 Quand tu seras arrivé dans le pays que le SEIGNEUR ton Dieu te donne, tu n’apprendras pas à agir à la manière abominable de ces nations-là : 10 il ne se trouvera chez toi personne pour faire passer par le feu son fils ou sa fille, interroger les oracles, pratiquer l’incantation, la magie, les enchantements 11 et les charmes, recourir à la divination ou consulter les morts. 12 Car tout homme qui fait cela est une abomination pour le SEIGNEUR, et c’est à cause de telles abominations que le SEIGNEUR ton Dieu dépossède les nations devant toi. 13 Tu seras entièrement attaché au SEIGNEUR ton Dieu.
Deutéronome 18,9-13
3. L’aspect mythologique des monothéismes d’Abraham
Les récits décrivant l’origine mythologique du monde distinguent progressivement les religions historiques des religions préhistoriques. En effet, mieux que la transmission orale, l’écriture permet la transmission d’histoires mythiques qui se caractérisent par un mélange de causes naturelles et surnaturelles. Ainsi, les dieux et les héros des mythologies d’innombrables peuples (égyptiens, babyloniens, grecs, romains, vikings, germains, esquimaux, hindous, chinois, japonais, etc.) ont des caractères à la fois humains et divins : leur tempérament faillible contraste avec leurs pouvoirs surnaturels.
A ce stade, les religions n’ont plus pour unique but de réaliser des performances surnaturelles, mais elles génèrent aussi des récits de plus en plus complexes permettant d’expliquer l’origine du monde, de la nature et des humains. Les premiers récits mythologiques font découler généalogiquement les humains actuels des héros du temps passé, puis des dieux créateurs à l’origine du monde. En Egypte, les généalogies royales affirment la filialité divine des pharaons, afin d’asseoir leur autorité. Les récits bibliques contiennent également plusieurs éléments de type mythologique:
- La longévité extraordinaire des patriarches entre Adam et Noé: « Après avoir engendré Enosh, Seth vécu huit cent ans et engendra des fils et des filles » (Gn 5,7).
- La Bible, comme la plupart des mythologies, fait état d’accomplements sexuels des créatures surnaturelles et humaines: « 1 Quand les êtres humains commencèrent à se multiplier sur la terre et que des filles leur naquirent, 2 les fils des dieux constatèrent que ces filles étaient bien jolies, et ils en choisirent pour les épouser. 3 Alors le Seigneur se dit : « Je ne peux pas laisser indéfiniment mon souffle de vie aux humains ; ils ne sont après tout que des êtres mortels. Désormais ils ne vivront pas plus de 120 ans » » (Gn 6,1-3).
- Le récit du Déluge (Gn 6-9) qui explique les grandes inondations par la colère, la déception et l’échec divins, trouve un parallèle babylonien dans l’Épopée de Gilgamesh.
- Le récit de la tour de Babel (Gn 11,1-9), qui expose le conflit entre Dieu et les hommes sur la manière d’atteindre le ciel (omnipotence et immortalité), n’est pas sans ressemblance avec le mythe grec d’Icare, qui brûla ses ailes en voulant s’approcher du soleil, bien que leurs origines historiques soient certainement entièrement indépendantes.
- L’aspect mythologique trouve une trace dans la généalogie divine de Jésus dans l’Evangile de Luc: « … 37 fils de Matusalem, fils d’Hénok, fils de Yéred, fils de Malaléel, fils de Quénan, 38 fils d’Énos, fils de Seth, fils d’Adam, fils de Dieu » (Lc 3,37-38). Ici, Jésus n’est pas directement Fils de Dieu, il est fils d’une généalogie humaine d’origine divine.
4. L’aspect juridique des monothéismes d’Abraham
La Thora (Loi sacrée juive) et son équivalent islamique, la Charia (Loi sacrée musulmane), puisent leurs règlements juridiques et leurs règles morales dans les codes juridiques et les pratiques morales des peuples du Moyen Orient ancien. Cet aspect est particulièrement frappant lorsque l’on compare les législations de la Bible hébraïque et du Coran avec le Code d’Hammourabi, un souverain babylonien du deuxième millénaire avant Jésus-Christ.
Je cite ci-dessous un ouvrage de Issam Toualbi-Thaâlibî paru en 2013 aux éditions Dar Albouraq, Introduction historique au droit musulman, de la révélation coranique à la formulation juridique. L’auteur, musulman, était alors Maître de Conférences à la Faculté de Droit de l’Université d’Alger I, docteur en Histoire du droit (Université Paris I Panthéon-Sorbonne) et licencié en Théologie & Religion à la faculté des Sciences islamiques Alger I. Malgré la complexité de son propos, je cite ici un extrait d’un passage de la Sous-section I : Les usages sémites comme berceau des coutumes arabes, aux pages 34-36.
Les similitudes du Code de Hammourabi avec le droit coutumier antéislamique que l’auteur mentionne dans le texte ci-dessous semblent tout aussi valables pour le droit que reflètent les textes de la Thora.
L’histoire des civilisations nous apprend que les Sumériens auraient été les premiers peuples à s’être civilisés en 4000 Av. J-C, marquant ainsi la fin de la Préhistoire. Bien que l’origine de ce peuple soit sujette à controverse, on leur attribue néanmoins l’invention de l’écriture, de l’organisation politique et des transactions commerciales. Pendant cette période, les Sémites vivaient encore nomades à l’ouest de la ville de Sumer. On dit que les Sumériens les appelaient Araméens, habitants de la montagne, puis Amûr, enfin Arabî ou habitants du désert. Il arrivait aussi aux Sumériens de faire appel à ces nomades au cours de leurs campagnes militaires.
Issam Toualbi-Thaâlibî, Ouvrage précisé avant la citation
Mais à partir du trentième siècle [3000] avant Jésus-Christ, les Araméens entrèrent dans une nouvelle ère; après s’être une première fois unifiés l’égide de Sergeant l’Accadien (2335-2279 Av. J.-C.), c’est au cours du règne de Sumu-abum (1894-1881 Av. J.-C.) que ces derniers commencèrent peu à peu à s’organiser et à conquérir des terres avant d’imposer leur joug sur Babel en 1897 Av. J.-C. et y fonder la dynastie amorrite.
A Sumu-abum succèderont Sumu-la-El (1880-1845 Av. J.-C.), Sîn-Muballit (1812-1793 Av. J.-C.) et enfin son fils Hammourabi (1790-1750 Av. J.-C.), souvent assimilé à l’Amr-fil biblique (Exode 14,1-12). Ce dernier se rendra célèbre pour avoir compilé les lois des babyloniens dans un code qui portera le nom de « Code de Hammourabi« .
Note: Ces lois étaient gravées sur des stèles, placées sur les places publiques, de façon à être connues de tous. Certaines d’entre elles ont été découvertes à Suse et trouvent aujourd’hui au Musée du Louvre [Paris].
Evidemment, les 282 articles qui composent ce code ne sont pas tous l’oeuvre d’Hammourabi lui-même, ni même des Babyloniens, étant donné que la plupart de ces règles leur furent transmises par héritage des Sumériens et des Accadiens. Nous pouvons néanmoins considérer ce recueil comme une conclusion des règles juridiques de l’ancienne Mésopotamie. Ne faut-il pas néanmoins se demander à ce stade de la recherche quel est le rapport entre le Code de Hammourabi et les règles du droit coutumier antéislamique?!
Il faut savoir qu’après la chute de l’empire amorrite en 1595 Av. J-C, un grand nombre d’habitants de Babel durent émigrer vers l’Est de l’Arabie (le Yemen). Ce n’est pas un hasard aussi que beaucoup d’historiens comme G. Zidane (1922) affirment que « le terme Mecca (La Mecque) serait d’origine babylonienne ou assyrienne; en akkadien, ce terme voudrait dire Maison, et on sait que c’est ainsi que les Arabes de La Mecque désignent le Temple: al-bayt » (Zidane (Georgi), Les arabes avant l’Islam, Egypte, Matba’at al-Hilal, 1922, p.44). Il allait de soi qu’une fois exilés de Babel, les Amorites (une dynastie originaire de Syrie ayant gouverné la Mésopotamie entre le début du vingtième à la fin du seizième siècle Av. J-C) allaient emporter avec eux des stigmates de leurs coutumes pour les transmettre aux nomades qui peuplaient l’Arabie. Cela paraît d’autant plus plausible qu’il existe beaucoup de similitudes entre le Code de Hammourabi et le droit coutumier antéislamique. Parmi celles-ci nous pouvons citer:
a- La distinction entre les castes des hommes libres, des esclaves et des étrangers.
b- La peine d’amputation de la main droite (art. 195 du Code de Hammourabi)
c- Le talion ou la vengeance: « Si un seigneur ôte l’oeil d’un seigneur, son oeil devra être ôté »; « Si un seigneur casse l’os d’un seigneur son os devra être cassé » (art. 196-197 du Code de Hammourabi).
d- La répudiation en vue du divorce.
e- La polygamie.
f- L’illégitimité de l’enfant né d’un rapport sexuel avec une servante.
g- Le droit donné au créancier de réduire la femme et les enfants de son débiteur en esclavage en cas de non payement de la dette.
h- Le versement d’une somme d’argent ou « le droit de la mariée » lors du mariage.
Certaines sources rapportent que c’est durant le règne de Hammourabi ou peu avant celui-ci que le Prophète Abraham aurait quitté la ville d’Ur pour le pays de Canaan. Beaucoup de chercheurs, tel le Père S. Kacha (2008), ont alors supposé que le Patriarche biblique « aurait emporté avec lui les lois de son pays natal pour les transmettre comme héritage à sa descendance » (Kacha (Suhil), « Les Lois d’Hammourabi et les Lois de Moïse » (Charî’at hammurâbi wâ charî’at Mûsâ), in Revue Tahawwulat (Mutations), no 30, du 5 mars 2008). Voulant illustrer son avis par un exemple, le Père Kacha fait référence à l’article 145 du Code de Hammourabi qui dit que « Si un homme épouse une femme et que celle-ci ne lui donne pas d’enfants, il aura le droit de prendre une seconde épouse dans sa demeure »; « Il apparaît donc d’après les faits, poursuit le Père Kacha, qu’en épousant Agar, la servante de son épouse Sara, Abraham a en réalité appliqué le Code d’Hammourabi » (même citation).
Bien que cette théorie ne puisse être démontrée, il demeure toutefois indéniable qu’il existe une grande similitude entre les préceptes du Patriarche biblique et les lois de l’ancienne Mésopotamie.
5. L’aspect sapientiel des monothéismes d’Abraham
La réflexion au sujet des rites et des mythes débouche sur les stades religieux plus avancés de la sagesse et de la théologie. La littérature de Sagesse que l’on trouve dans la troisième partie de la Bible hébraïque (Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, etc.) s’apparente à de nombreux égards aux écrits de sagesse de la religion égyptienne. En effet, dans la mythologie égyptienne, la déesse Maât est une personnification de l’harmonie cosmique, de la justice et de la paix, qui forment ensemble les fondements de la sagesse. De façon générale, les écrits de sagesse sont un phénomène tardif mais quasiment universel dans les religions du Moyen Orient antique et dans d’autres ères culturelles.
6. L’aspect historique des Monothéismes d’Abraham
Comme nous l’avons vu précédemment, l’apparition de grands fondateurs religieux ayant marqué l’histoire sacrée par leur personnalité spirituelle hors du commun est un phénomène nouveau qui apparaît lors du dernier millénaire avant Jésus-Christ. Il convient de préciser que ces grands personnages historiques sont souvent postérieurs de plus d’un millénaire aux apparitions et aux développements des systèmes religieux qu’ils parviennent à condenser en leur personne, donnant lieu à une renaissance religieuse qui se fixe en une nouvelle dénomination (hindouisme -> bouddhisme ; judaïsme -> christianisme ; christianisme -> islam ; etc.).
5. Histoire des peuples du Moyen Orient ancien et histoire biblique
Liste des ouvrages qui illustrent cette section
- Hermann Kinder et Werner Hilgemann, Atlas historique. De l’apparition de l’homme sur la terre à l’ère atomique, Librairie Stock, 1968
- Bible d’étude Version Semeur 2015, Editions Excelsis, 2022
- Frédéric Encel, Atlas géopolitique d’Israël. Les défis d’une démocratie en guerre, Editions Autrement, 2015 (3ème édition)
- Nouvelle édition de la Bible Louis Segond version revue 1975 avec commentaires de C.I.Scofield de 1967, Edition Société biblique de Genève
- La Bible Notes intégrales Traduction Œcuménique TOB 12e édition 151e mille, Paris, Editions du Cerf et Bibli’O, Société biblique française, 2012
- Dir. Ninian Smart, Atlas des Religions dans le Monde (version originale en anglais, 1999), Cologne, Könemann, 2000
Histoire réelle et histoire biblique
Pour saisir le contexte historique de l’histoire d’Israël relatée dans la Bible juive (= l’Ancien Testament chrétien), il convient de commencer par l’histoire de la Palestine dans le cadre du Moyen Orient au deuxième millénaire avant J.-C.
Cependant, la chronologie et les événements de l’histoire biblique du deuxième millénaire avant J.-C. doivent être considérés comme symboliques, mythologiques ou légendaires. Les récits des origines de l’humanité, des Patriarches (Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, etc.) de Moïse, de Josué et des Juges jusqu’à l’époque des rois Saül, David et Salomon sont trop anciens, trop romancés, trop symboliques et trop miraculeux pour être tout-à-fait réels. Ils peuvent cependant refléter des contextes culturels et retracer des situations correspondant à la réalité historique.
Cette interprétation de l’histoire biblique marque la différence entre l’exégèse historico-critique académique, qui estime ces récits symboliques, et la théologie fondamentaliste qui accorde l’historicité aux textes bibliques dès les récits de la Création et d’Adam et Eve (Gn 1-3), dans ses formes les plus radicales.
Selon l’historiographie historico-critique, la chronologie biblique devient historique à partir du premier millénaire avant Jésus-Christ, donc au cours du Xème siècle avant J.-C. (de 1000 à 900 avant J.-C.).
Selon la chronologie biblique des événements:
- Au début du deuxième millénaire avant J.-C., l’époque des Patriarches (livre de la Genèse) est suivie de quatre siècles d’esclavage en Egypte, puis de l’Exode, la sortie d’Egypte sous la conduite de Moïse (livre de l’Exode), aux environs de 1500 av. J.-C.
- L’arrivée des hébreux en Canaan est racontée dans les livres de Josué, des Juges, de 1 et 2 Samuel jusqu’au règnes des rois David et Salomon, autour de l’an mil av. J.-C.
- L’histoire des royaumes de Juda et Israël durant le premier millénaire avant J.-C. est relatée dans les livres de 1 et 2 Rois en parallèle à 1 et 2 Chroniques, jusqu’à l’Exil (déportation à Babylone en 587 av. J.-C).
- Les livres canoniques d’Esdras et Néhémie, puis les livres deutérocanoniques des Maccabées dans la littérature intertestamentaire, racontent l’histoire juive après le retour de l’Exil en 538 av. J.-C., aux époques Perse puis Grecque, et enfin Romaine.
Le deuxième millénaire avant Jésus-Christ (de 2000 à 1000 avant J.-C.)
Le roi babylonien Hammourabi (1728-1668 av. J.-C., cette datation selon l’Atlas ci-dessous est légèrement différente de celle indiquée précédemment) eut une influence politique, militaire, juridique et culturelle considérable sur cette période au Moyen Orient.
Lorsqu’il [Hammourabi] arrive au pouvoir, 6 Etats rivaux se disputent l’hégémonie: Larsa, Eshnounna, Babylone, Qatna, Jamshad (Alep), et Assour [l’Assyrie]. […].
Hermann Kinder et Werner Hilgemann, Atlas historique. De l’apparition de l’homme sur la terre à l’ère atomique, Librairie Stock, 1968, p.25
Après avoir triomphé de ses voisins, Hammourabi vainc ses alliés […].
Le Code d’Hammourabi témoigne du souci du roi pour la vie et la propriété de ses sujets. Ses lois sont fondées sur le principe du talion. Punitions: fouet, arrachage de la langue, exécution (pal, bûcher, noyade). L’akkadien est la langue administrative et culturelle. Transposition des oeuvres principales de la vieille littérature mésopotamienne: épopées de la Création du monde et de Gilgamesh, hymnes, psaumes, prières. Dieux principaux: Mardouk de Babylone, le dieu-soleil Shamash, la déesse de l’amour Ishtar.
Les successeurs d’Hammourabi perdent le Sud, se battent avec les Kassites et les Hourrites.
Les Bibles chrétiennes présentent habituellement le voyage d’Abraham et de sa famille dans ce contexte historique du IIe millénaire avant J.-C, depuis Our des Chaldéens, jusqu’au pays de Canaan, en passant par Haran et l’Egypte. La tradition islamique considère que Abraham est également passé par La Mecque.
D’un point de vue civilisationnel, économique et commercial, la Palestine se trouve, déjà au deuxième millénaire avant notre ère, au carrefour de nombreuses civilisations. Or, nous savons que ce sont les routes commerciales qui, en créant des relations nécessairement fondées sur la confiance, véhiculent les cultures, les corps de lois juridiques et les religions.
Autour de l’an mille avant J.-C.: L’expansion des royaumes de Saül, David et Salomon
- Depuis environ 1200 av. J.-C.: Les 12 tribus d’Israël forment différentes coalitions (Epoque dite des Juges, selon le nom du livre biblique qui en raconte l’histoire mouvementée).
- Depuis 1200, les Philistins (Peuples de la Mer, longeant vraisemblablement les côtes de la Méditerranée depuis la Crête et Chypre, ancêtres des Palestiniens actuels (cf. la même racine consonantique « PLST », à ne pas confondre avec les Phéniciens plus au Nord), occupent les côtes palestiniennes et créent une confédération (Asdod, Ascalon, Egron, Gaza, Gath). Au XIe siècle, la forte pression des Philistins à l’ouest et des Ammonites à l’est conduit les tribus israélites à s’unir et à nommer un roi commun pour se défendre. Cf. les luttes de Saül et David contre les Philistins (par exemple la victoire du jeune David avec sa fronde contre le géant philistin Goliath, atteint entre ses deux yeux, 1 Sam 17,49).
- Royaume de Saül: première unification partielle des tribus d’Israël.
- Royaumes de David (1010-970 env.) puis de son fils Salomon (970 env. à 933): La plus grande expansion territoriale contrôlée par une dynastie israélite.
Chronologie des royaumes de Juda (Sud) et d’Israël (Nord) au premier millénaire avant Jésus-Christ (de 1000 à 0 av. J.-C.)
En 931 av. J.C., à la mort du roi Salomon, se produit le schisme entre le territoire des deux tribus du Sud, Juda et Benjamin, gouverné par son fils le roi Roboam, et le territoire des dix autres tribus, gouverné par le roi Jéroboam, rebelle à la dynastie davidique. La sécession des tribus du Nord est liée à l’impôt trop élevé que le roi Roboam entend faire peser sur ces tribus (1 Rois 12,1-19). Néanmoins, le livre biblique des Rois reproche à Jéroboam d’avoir détourné le peuple de la vénération de Yahvé au Temple de Jérusalem:
26 Jéroboam dit en lui-même : « Telles que les choses se présentent, le royaume pourrait bien retourner à la maison de David. 27 Si ce peuple continue à monter pour offrir des sacrifices dans la Maison du SEIGNEUR, à Jérusalem, le cœur de ce peuple reviendra à son maître, Roboam, roi de Juda : moi, on me tuera et on reviendra à Roboam, roi de Juda. » 28 Le roi Jéroboam eut l’idée de faire deux veaux d’or et dit au peuple : « Vous êtes trop souvent montés à Jérusalem ; voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter du pays d’Egypte. » 29 Il plaça l’un à Béthel, et l’autre, il l’installa à Dan 30 – c’est en cela que consista le péché. Le peuple marcha en procession devant l’un des veaux jusqu’à Dan ; 31 Jéroboam bâtit des maisons de hauts lieux, et il fit prêtres des gens pris dans la masse du peuple, sans qu’ils fussent des fils de Lévi ;
1 Rois 12,26-31 : Pour asseoir son pouvoir, Jéroboam dissocie la religion du royaume d’Israël de celle du royaume de Juda
Durant toute la période des deux royaumes de Juda et d’Israël, la domination égyptienne, assyrienne, puis babylonienne, ne fait qu’augmenter sur la région du Levant, et les territoires des deux royaumes se rapetissent progressivement. Cette situation défavorable aboutit à la disparition des deux royaumes indépendants d’Israël (722 av. J.-C.) et de Juda (587 av. J.-C.), et aux déportations successives de leurs populations juives. Dans les livres des Rois, les allusions aux dominations étrangères des égyptiens, des assyriens et des babyloniens sont nombreuses. Les envahisseurs exigent de lourds tributs en échange de la vie sauve, ils déportent la population et la remplace par d’autres populations, afin d’effacer les traces culturelles laissées par les déportés (cf. les Samaritains).
4 Lui-même, il sera la paix.
Livre du prophète Michée 5,4-5 :
[« celui qui doit gouverner Israël » (v.1), le Messie]
Au cas où Assour entrerait sur notre terre
et foulerait nos palais,
nous dresserons contre lui sept bergers,
huit princes humains.
5 Ils feront paître la terre d’Assour avec l’épée,
et la terre de Nemrod, avec le poignard.
Mais lui nous délivrerait d’Assour,
au cas où celui-ci entrerait sur notre terre
et foulerait notre frontière.
Allusion à l’inquiétude du peuple causée par la menace Assyrienne.
31 Yoakhaz avait vingt-trois ans lorsqu’il devint roi et il régna trois mois à Jérusalem. Le nom de sa mère était Hamoutal, fille de Yirmeyahou, de Livna. 32 Il fit ce qui est mal aux yeux du SEIGNEUR, exactement comme ses pères. 33 Le Pharaon Néko le mit aux chaînes à Rivla, au pays de Hamath, pour qu’il cessât de régner à Jérusalem. Le Pharaon Néko imposa au pays un tribut de cent talents d’argent et un talent d’or. 34 Il établit comme roi Elyaqim, fils de Josias, à la place de Josias, son père, et changea son nom en Yoyaqim. Quant à Yoakhaz, il l’avait fait prisonnier ; celui-ci vint en Egypte où il mourut. 35 Yoyaqim livra l’argent et l’or au Pharaon Néko ; pour donner la somme exigée par le Pharaon, il taxa le pays ; il imposa de force une redevance d’argent et d’or à la population du pays, selon les moyens de chacun, pour la donner au Pharaon Néko.
2eme Livre des Rois 23,31-35 :
Campagne du Pharaon Neco en 609 av. J.-C.
Remarque historique: Ce récit de domination étrangère du Pharaon égyptien sur le Levant appartient à la période historiquement attestée de la Bible juive. Il apparaît nettement moins idéalisé et plus réaliste que la sortie d’Egypte sous la conduite miraculeuse de Moïse relatée dans la Thora.
Une analyse attentive des frontières dessinées montre que les territoires des deux royaumes d’Israël et de Juda ne cessent de se rapetisser.
- En 734-732 av.: Guerre syro-éphraïmite: Péqah, roi d’Israël et Rezîn, roi de Damas, se révoltent contre le roi assyrien Tiglath-Piléser III et contre les rois de Juda Yotam puis Akhaz, qui fait appel à Tiglath-Piléser III qui intervient et lui impose un lourd tribut (2 Rois 15,27-16,20). Inscription cunéiforme assyrienne au sujet de la Guerre Syro-éphraïmite.
- En 722-721 av.: Le roi assyrien Sargon II conquiert Samarie, capitale du Royaume d’Israël (= Royaume du Nord). Déportation des habitants et fin du Royaume du Nord (2 Rois 17).
- En 701 av.: Campagne du roi assyrien Sennakérib, siège et prise de Lakish, ville fortifiée de Juda, puis siège de Jérusalem. Le roi Ezékias, exhorté par le prophète Esaïe, résiste au siège. Selon 2 Rois 18,13-16, il paye un lourd tribut et Sennakérib se retire. Ce tribut n’est pas mentionné dans le texte parallèle de Esaïe 36,1-2.
- En 669 av.: Apogée de l’expansion de l’Empire néo-assyrien sous roi assyrien Assourbanipal (668-626), (toute la Mésopotamie, le Levant et l’Egypte). Caractère très violent des conquérants.
- De 648 à 612 av.: Affaiblissement et chute de l’Empire néo-assyrien, perte de l’Egypte, invasion des Scythes, puis destruction de toutes les villes assyriennes par le roi mède Cyaxare et le roi babylonien Nabopolassar (Assour 614, Ninive 612, Harran 608), et extermination des habitants.
- 625-539 av.: Empire néo-babylonien.
- 609 av.: Campagne du pharaon Néco (2 Rois 23,31-35).
- 587 av.: Prise de Jérusalem par le roi babylonien Nabuchodonosor (604-652), arrestation du prophète Jérémie, capture du roi Sédécias, destruction du Premier Temple, 2ème déportation de la population juive (1ère en 597 av.) et fin du Royaume de Juda (=Royaume du Sud) : Début de la période de l’Exil à Babylone (livre biblique de Daniel).
1 La neuvième année du règne de Sédécias [à Jérusalem], le dixième mois, le dix du mois, Nabuchodonosor, roi de Babylone, arriva avec toutes ses troupes devant Jérusalem. Il prit position contre elle, et l’on construisit tout autour des terrassements. 2 La ville soutint le siège jusqu’à la onzième année du règne de Sédécias.
Deuxième livre des Rois 25,1-12
3 Le neuf du mois, tandis que la famine sévissait dans la ville, et que la population n’avait plus de nourriture, 4 une brèche fut ouverte dans la ville. Tous les combattants s’enfuirent de nuit par la porte entre les deux murs qui donne sur le jardin du roi, bien que les Chaldéens fussent établis autour de la ville ; ils prirent le chemin de la Araba. 5 Les troupes chaldéennes poursuivirent le roi qu’elles rattrapèrent dans la plaine de Jéricho ; toutes ses troupes, en déroute, l’avaient abandonné.
6 Les Chaldéens saisirent le roi [Sédécias], le firent monter à Rivla vers le roi de Babylone et lui annoncèrent sa décision. 7 Ils égorgèrent les fils de Sédécias sous ses yeux, puis Nabuchodonosor creva les yeux de Sédécias, le lia avec une double chaîne de bronze et l’amena à Babylone.
8 Le cinquième mois, le sept du mois, dans la dix-neuvième année du règne de Nabuchodonosor, roi de Babylone, Nebouzaradân, chef de la garde personnelle, serviteur du roi de Babylone, arriva à Jérusalem. 9 Il brûla la Maison du SEIGNEUR et la maison du roi ainsi que toutes les maisons de Jérusalem : il mit le feu à toutes les maisons des hauts personnages. 10 Toutes les troupes chaldéennes qui accompagnaient le chef de la garde personnelle démolirent la muraille qui entourait Jérusalem.
11 Nebouzaradân, chef de la garde personnelle, déporta le reste du peuple qui demeurait encore dans la ville et les déserteurs qui s’étaient ralliés au roi de Babylone, ainsi que le reste de la population. 12 Le chef de la garde personnelle laissa une partie des petites gens du pays pour cultiver les vergers et les champs.
La période postexilique (de 538 avant J.-C. à la période intertestamentaire)
- 587-538 av.: Exil à Babylone, relaté par le livre biblique de Daniel, dont la rédaction finale remonte au IIIe ou au IIe siècle avant Jésus-Christ, dans une perspective apocalyptique.
- 559-529 av.: le roi Cyrus II, vassal des Mèdes, conquiert l’Empire mède (550 av.) et affermit sa domination sur l’Iran. Il fonde ainsi l’Empire perse répandu sur un immense territoire qui pour la première fois, relie l’Europe à l’Inde en une unique entité politique, divisée par la suite en 20 satrapies (=départements) par Darius, régentées par des Satrapes.
- 539 av.: Prise de Babylone par les Perses de Cyrus II. Fin de l’Empire néo-babylonien, Babylone devient une satrapie perse.
- 538 av.: Edit de Cyrus (cf. chapitre 1 du Livre biblique d’Esdras) permettant aux Juifs de Babylonie de retourner à Jérusalem sous la conduite de Sheshbaçar.
- 530-522 av.: Rétablissement de l’autel à Jérusalem.
- 520-515 av.: Sous Darius, reconstruction du Temple de Jérusalem (Second Temple, Esdras 5-6). Zorobabel gouverneur. Josué grand-prêtre. Les prophètes Aggée et Zacharie. La Judée fait partie de la satrapie de Transeuphratène. Reconstruction des murailles de Jérusalem (livre biblique de Néhémie).
1 Or la première année de Cyrus, roi de Perse – afin que s’accomplisse la parole du SEIGNEUR, sortie de la bouche de Jérémie –, le SEIGNEUR éveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse, afin que dans tout son royaume il fît publier une proclamation, et même un écrit, pour dire :
Esdras 1,1-4 : Cette version biblique de l’Edit de Cyrus le présente comme un authentique croyant en Yahve, le Dieu d’Israël
2 « Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Tous les royaumes de la terre, le SEIGNEUR, le Dieu des cieux, me les a donnés, et il m’a chargé lui-même de lui bâtir une Maison à Jérusalem qui est en Juda. 3 Parmi vous, qui appartient à tout son peuple ? Que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem, en Juda, bâtir la Maison du SEIGNEUR, le Dieu d’Israël – c’est le Dieu qui est à Jérusalem ! 4 En tous lieux où réside le reste du peuple, que les gens de ce lieu apportent à chacun de l’argent, de l’or, des biens et du bétail, ainsi que l’offrande volontaire pour la Maison du Dieu qui est à Jérusalem ! »
- 337 av.: La ligue corinthienne formée par toutes les cités grecques, sauf Sparte, sous le patronage du roi Philippe II de Macédoine (Nord de la Grèce), qui reçoit le titre d’hégémon (chef) et de général de l’armée confédérée. La décision est prise d’une guerre commune contre la Perse, qui menace sans cesse la Grèce par l’Anatolie (Turquie actuelle).
- 336 av.: Philippe II de Macédoine est assassiné.
- 336-323 av.: Son fils Alexandre le Grand écrase la révolte grecque et conquiert l’Empire perse.
- 327-325 av.: Campagne de l’Inde pour atteindre les extrémités sud et est du monde habité dans le but de domination mondiale. A partir de cette époque, la culture hellénistique est en contact direct avec la culture religieuse de l’Orient (hindouisme et bouddhisme).
- 13 juin 323 av.: Alexandre meurt de fièvre (selon la légende: piqûre de mouche) à Babylone, à 33 ans, après avoir conquis l’ensemble de l’Empire perse par ses campagnes. Ainsi, la Palestine passe sous domination grecque, et s’inscrit désormais dans le monde hellénistique.
- Après la mort d’Alexandre, ses enfants et autres successeurs (les Diadoques), luttent pour le trône. S’ensuit une période d’instabilité de trois siècles au Moyen-Orient, jusqu’au début de notre ère. L’Empire d’Alexandre se divise définitivement en 306 av..
Les conséquences de la politique des diadoques sont catastrophiques pour les Juifs: Les rois Séleucides ne respectent pas leurs traditions religieuses et veulent imposer la culture hellénistique dans tous les territoires sous leur contrôle.
- De 320 à 200 av.: La Judée est soumise aux diadoques Lagides.
- En 250 av.: A Alexandrie en Egypte, la Bible juive est traduite en grec par des érudits de la diaspora juive dans cette ville (Les Septante).
- De 200 à 142 av.: La Judée est soumise aux diadoques Séleucides. Surgissent les premières difficultés entre les Juifs et les dirigeants séleucides; ainsi que des conflits entre les grands prêtres à Jérusalem.
- Le roi séleucide Antiochus IV Epiphane (175-164) établit un décret en 167 av. interdisant le culte juif. Il dédie le Temple de Jérusalem à Zeus Olympien. Cet outrage suprême pour les Juifs suscite le début de la révolte des Juifs avec le prêtre Mattathias.
- En 166 av.: Son fils Judas, dit Maccabée, lui succède (166-160). Cf. les livres deutérocanoniques des Maccabées, écrits en grec, qui font état de très fortes violences envers les Juifs, et de leur lutte acharnée contre l’occupant hellénistique.
- En 164 av.: Le Temple est reconquis et purifié (fête de la Dédicace).
- De 142 à 63 av.: Indépendance des Juifs (dynastie des Hasmonéens).
En 63 av.: Pompée, général romain, prend Jérusalem. S’ensuit une situation trouble en Judée. - En 37 av.: Hérode le Grand, fils d’Antipater, prend Jérusalem en règne jusqu’en 4 av.
- De 4 av. à 70 ap., la Judée est administrée par des préfets puis des procurateurs romains, en lien avec les descendants d’Hérode le Grand.
- En 70 après Jésus-Christ, la Judée devient province romaine. Ayant été reconstruit et massivement agrandi par Hérode, le Second Temple de Jérusalem est détruit en 70 ap. J.-C. par les armées romaines de Titus.
Origines du judaïsme et débuts de la diaspora juive
Il convient de différencier la religion de l’ancien peuple hébreu, fondée sur la prêtrise et les sacrifices au Temple de Jérusalem ; et le judaïsme, qui suite à la disparition du second Temple de Jérusalem et de la prêtrise, lors des siècles hellénistiques précédant notre ère, établit son culte à la synagogue, présidé par des rabbins. Le judaïsme se caractérise aussi, à partir du retour de l’Exil, par une importance croissante accordée à la Torah, c’est-à-dire au recueils écrits de la Loi juive, dont les commandements anciens devaient être adaptés au présent au moyen des Midrash (commentaire exégétique des textes sacrés par comparaison de différents passages.
La synagogue devient aussi le lieu de culte des juifs de la Diaspora, déjà très répandue à l’époque romaine, comme le montre la carte ci-dessous. On comprend ainsi que les premiers missionnaires chrétiens, à commencer par l’apôtre Paul, aient rencontré des communautés juives sur tout le pourtour de la mer Méditerranée.
6. Deux propositions d’études par groupes
Fichier PDF téléchargeable identique aux textes ci-dessous.
En 734-732 av. J.-C. : Guerre syro-éphraïmite: Péqah, roi d’Israël et Rezîn, roi de Damas, se révoltent contre le roi assyrien Tiglath-Piléser III et contre les rois de Juda Yotam puis Akhaz, ce dernier fait appel à Tiglath-Piléser III qui intervient en sa faveur et lui impose un lourd tribut (2 Rois 15,27-16,20).
Inscription cunéiforme assyrienne au sujet de la Guerre Syro-éphraïmite.
Passage biblique parallèle: 2 Chroniques 28,1-27.
Péqah, roi d’Israël (735-732 av. J.-C.)
2 Rois 15,27 La cinquante-deuxième année du règne d’Azarias, roi de Juda, Péqah, fils de Remalyahou, devint roi sur Israël à Samarie pour vingt ans. 28 Il fit ce qui est mal aux yeux du SEIGNEUR ; il ne s’écarta pas des péchés que Jéroboam, fils de Nevath, avait fait commettre à Israël. 29 Au temps de Péqah, roi d’Israël, Tiglath-Piléser, roi d’Assyrie, vint prendre Iyyôn, Avel-Beth-Maaka, Yanoah, Qèdesh, Haçor, le Galaad, la Galilée et tout le pays de Nephtali ; il déporta leurs habitants en Assyrie. 30 Osée, fils d’Ela, organisa une conspiration contre Péqah, fils de Remalyahou, le frappa à mort et régna à sa place, la vingtième année du règne de Yotam, fils d’Ozias.31 Le reste des actes de Péqah, tout ce qu’il a fait, cela est écrit dans le livre des Annales des rois d’Israël.
Yotam, roi de Juda (740-735 av. J.-C.)
2 Rois 15,32 La deuxième année du règne de Péqah, fils de Remalyahou, roi d’Israël, Yotam, fils d’Ozias, roi de Juda, devint roi. 33 Il avait vingt-cinq ans lorsqu’il devint roi et il régna seize ans à Jérusalem. Le nom de sa mère était Yerousha, fille de Sadoq. 34 Il fit ce qui est droit aux yeux du SEIGNEUR. Il agit exactement comme Ozias, son père. 35 Cependant les hauts lieux ne disparurent pas ; le peuple continuait à offrir des sacrifices et à brûler de l’encens sur les hauts lieux. C’est lui qui bâtit la porte Supérieure de la Maison du SEIGNEUR. 36 Le reste des actes de Yotam, ce qu’il a fait, cela n’est-il pas écrit dans le livre des Annales des rois de Juda ? 37 En ces jours-là, le SEIGNEUR commença d’envoyer contre Juda Recîn, roi d’Aram, et Péqah, fils de Remalyahou. 38 Yotam se coucha avec ses pères et il fut enseveli avec ses pères dans la Cité de David, son père. Son fils Akhaz régna à sa place.
Akhaz, roi de Juda (735-716 av. J.-C.) ; coalition syro-éphraïmite, recours à l’Assyrie
2 Rois 16,1 La dix-septième année du règne de Péqah, fils de Remalyahou, Akhaz, fils de Yotam, roi de Juda, devint roi. 2 Akhaz avait vingt ans lorsqu’il devint roi et il régna seize ans à Jérusalem. Il ne fit pas comme David, son père, ce qui est droit aux yeux du SEIGNEUR, son Dieu. 3 Mais il suivit le chemin des rois d’Israël et même fit passer son fils par le feu, selon les abominations des nations que le SEIGNEUR avait dépossédées devant les fils d’Israël. 4 Il offrit des sacrifices et brûla de l’encens sur les hauts lieux, sur les collines et sous tout arbre verdoyant. 5 Alors Recîn, roi d’Aram, et Péqah, fils de Remalyahou, roi d’Israël, montèrent pour faire la guerre à Jérusalem. Ils assiégèrent Akhaz mais ne purent engager le combat. 6 – En ce temps-là, Recîn, roi d’Aram, avait rendu Eilath à Aram ; il en avait expulsé les Judéens, et des Edomites étaient venus s’installer à Eilath où ils sont restés jusqu’à ce jour. – 7 Akhaz envoya des messagers à Tiglath-Piléser, roi d’Assyrie, pour lui dire : « Je suis ton serviteur et ton fils ; monte et délivre-moi de la poigne du roi d’Aram et de celle du roi d’Israël, qui se dressent contre moi ! » 8 Akhaz prit l’argent et l’or qui se trouvaient dans la Maison du SEIGNEUR et dans les trésors de la maison du roi, et les envoya en cadeau au roi d’Assyrie. 9 Le roi d’Assyrie l’écouta et monta lui-même contre Damas dont il s’empara ; il en déporta les habitants à Qir et mit à mort Recîn.
10 Le roi Akhaz se rendit à Damas pour y rencontrer Tiglath-Piléser, roi d’Assyrie. Il vit l’autel qui était à Damas. Le roi Akhaz envoya au prêtre Ouriya un modèle et un plan de l’autel, en vue d’en faire une reproduction exacte. 11 Le prêtre Ouriya construisit l’autel : c’est d’après toutes les indications envoyées de Damas par le roi Akhaz que le prêtre Ouriya agit, et cela avant même que le roi Akhaz ne revienne de Damas. 12 Dès son retour de Damas, le roi vit l’autel. Le roi s’approcha de l’autel ; il y monta, 13 il fit fumer son holocauste et son offrande, versa sa libation sur l’autel qu’il aspergea avec le sang de ses sacrifices de paix. 14 Quant à l’autel de bronze qui était devant le SEIGNEUR, il l’enleva de devant la Maison, place qu’il occupait entre le nouvel autel et la Maison du SEIGNEUR, et l’installa sur le côté, au nord de cet autel. 15 Puis le roi Akhaz donna cet ordre au prêtre Ouriya : « Tu feras fumer l’holocauste du matin et l’offrande du soir, l’holocauste et l’offrande du roi, l’holocauste, l’offrande et les libations de toute la population du pays sur le grand autel ; tu verseras sur lui le sang de tous les holocaustes et le sang de tous les sacrifices. Quant à l’autel de bronze, j’en aviserai. » 16 Le prêtre Ouriya fit tout ce que le roi Akhaz avait ordonné. 17 Le roi Akhaz découpa les châssis des bases, enleva les cuves de leurs bases, fit descendre la Mer de bronze qui reposait sur des bœufs et la plaça sur un pavement de pierres. 18 A cause du roi d’Assyrie, il modifia dans la Maison du SEIGNEUR la galerie du Sabbat qu’on avait construite à l’intérieur, ainsi que l’entrée du roi située à l’extérieur.
19 Le reste des actes d’Akhaz, ce qu’il a fait, cela n’est-il pas écrit dans le livre des Annales des rois de Juda ? 20 Akhaz se coucha avec ses pères et il fut enseveli avec ses pères dans la Cité de David. Son fils Ezékias régna à sa place.
En 701 av. J.-C.: Campagne du roi assyrien Sennakérib, siège et prise de Lakish, ville fortifiée de Juda, puis siège de Jérusalem. Le roi Ezékias, exhorté par le prophète Esaïe, résiste au siège. Selon 2 Rois 18,13-16, il paye un lourd tribut et Sennakérib se retire. Ce tribut n’est pas mentionné dans le texte parallèle de Esaïe 36,1-2. Pour quelle raison l’auteur du texte d’Esaïe a-t-il omis de transcrire ou supprimé ce passage ?
Passages bibliques parallèles: 2 Chroniques 32,1-23 ; Esaïe 36,2-37,9
Campagne de Sennakérib contre Juda et Jérusalem
2 Rois 18,13 La quatorzième année du règne d’Ezékias, Sennakérib, roi d’Assyrie, monta contre toutes les villes fortifiées de Juda et s’en empara. 14 Ezékias, roi de Juda, envoya dire au roi d’Assyrie à Lakish : « J’ai commis une faute. Ne m’attaque pas ; ce que tu m’imposeras, je le supporterai. » Le roi d’Assyrie fixa à Ezékias, roi de Juda, une taxe de trois cents talents d’argent et de trente talents d’or. 15 Ezékias livra tout l’argent qui se trouvait dans la Maison du SEIGNEUR et dans les trésors de la maison du roi. 16 C’est à cette époque qu’Ezékias brisa les portes du temple du SEIGNEUR ainsi que les montants, que lui-même, roi de Juda, avait recouverts de métal ; il les livra au roi d’Assyrie.
Menace du roi d’Assyrie contre Jérusalem
2 Rois 18,17 Le roi d’Assyrie envoya de Lakish vers le roi Ezékias à Jérusalem le généralissime, l’officier supérieur et l’aide de camp, accompagnés d’une armée importante. Ils montèrent et arrivèrent à Jérusalem. Ils montèrent, arrivèrent et se tinrent près du canal du réservoir supérieur, sur la chaussée du champ du Foulon. 18 Ils réclamèrent le roi. Le chef du palais Elyaqim, fils de Hilqiyahou, le secrétaire Shevna et le chancelier Yoah, fils d’Asaf, sortirent vers eux. 19 L’aide de camp leur dit : « Dites à Ezékias : Ainsi parle le Grand Roi, le roi d’Assyrie : Quelle est cette confiance sur laquelle tu te reposes ? 20 Tu as dit : “Il suffit d’un mot pour trouver conseil et force dans la guerre !” En qui donc as-tu mis ta confiance pour te révolter contre moi ? 21 Voici que tu as mis ta confiance sur l’appui de ce roseau brisé, sur l’Egypte, qui pénètre et transperce la main de quiconque s’appuie sur lui : tel est le Pharaon, roi d’Egypte, pour tous ceux qui mettent leur confiance en lui ! 22 Si vous me dites : “C’est dans le SEIGNEUR, notre Dieu, que nous avons mis notre confiance !”, mais n’est-ce pas lui dont Ezékias a fait disparaître les hauts lieux et les autels en disant à Juda et à Jérusalem : “C’est devant cet autel, à Jérusalem, que vous vous prosternerez” ? 23 Lance donc un défi à mon seigneur le roi d’Assyrie, et je te donnerai deux mille chevaux si toutefois tu peux te procurer des cavaliers pour les monter ! 24 Comment pourrais-tu faire reculer un simple gouverneur, le moindre des serviteurs de mon seigneur, toi qui as mis ta confiance dans l’Egypte pour des chars et des cavaliers ? 25 D’ailleurs, est-ce sans l’assentiment du SEIGNEUR que je monte contre ce lieu pour le détruire ? C’est le SEIGNEUR qui m’a dit : Monte contre ce pays et détruis-le ! »
26 Elyaqim, fils de Hilqiyahou, Shevna et Yoah dirent à l’aide de camp : « Veuille parler à tes serviteurs en araméen, car nous le comprenons ; mais ne nous parle pas en judéen aux oreilles du peuple qui est sur la muraille. » 27 L’aide de camp leur répondit : « Est-ce à ton maître et à toi que mon seigneur m’a envoyé dire ces paroles ? N’est-ce pas aux hommes assis sur la muraille et qui seront réduits comme vous à manger leurs excréments et à boire leur urine ? » 28 L’aide de camp se tint debout et cria d’une voix forte en langue judéenne ; il parla en ces termes : « Ecoutez la parole du Grand Roi, du roi d’Assyrie ! 29 Ainsi parle le roi : Qu’Ezékias ne vous abuse pas, car il ne peut vous délivrer de ma main ! 30 Qu’Ezékias ne vous persuade pas de mettre votre confiance dans le SEIGNEUR en disant : “Sûrement le SEIGNEUR nous délivrera ; cette ville ne sera pas livrée aux mains du roi d’Assyrie !” 31 N’écoutez pas Ezékias, car ainsi parle le roi d’Assyrie : “Liez-vous d’amitié avec moi, rendez-vous à moi, et chacun de vous mangera les fruits de sa vigne et de son figuier et boira l’eau de sa citerne, 32 en attendant que je vienne vous prendre pour vous mener dans un pays comme le vôtre, un pays de blé et de vin nouveau, un pays de pain et de vignobles, un pays d’oliviers à huile fraîche et de miel, et ainsi vous vivrez et vous ne mourrez pas.” N’écoutez pas Ezékias car il vous trompe en disant : “Le SEIGNEUR nous délivrera !” 33 Les dieux des nations ont-ils pu délivrer leur propre pays de la main du roi d’Assyrie ? 34 Où sont les dieux de Hamath et d’Arpad ? Où sont les dieux de Sefarwaïm, de Héna et de Iwa ? Ont-ils délivré Samarie de ma main ? 35 Lequel de tous les dieux de ces pays a pu délivrer son pays de ma main pour que le SEIGNEUR puisse délivrer Jérusalem de ma main ? » 36 Le peuple garda le silence et ne lui répondit pas un mot, car l’ordre du roi était : « Vous ne lui répondrez pas ! »
37 Le chef du palais Elyaqim, fils de Hilqiyahou, le secrétaire Shevna et le chancelier Yoah, fils d’Asaf, revinrent vers Ezékias, les vêtements déchirés, et lui rapportèrent les paroles de l’aide de camp.
2 Rois 19,1 Quand le roi Ezékias les eut entendus, il déchira ses vêtements, revêtit le sac et se rendit à la Maison du SEIGNEUR. 2 Puis il envoya le chef du palais Elyaqim, le secrétaire Shevna et les plus anciens des prêtres, tous revêtus du sac, vers le prophète Esaïe, fils d’Amoç, 3 pour lui dire : « Ainsi parle Ezékias : Ce jour est un jour de détresse, de châtiment et de honte ! Des fils se présentent à la sortie du sein maternel mais il n’y a pas de force pour enfanter ! 4 Peut-être le SEIGNEUR, ton Dieu, entendra-t-il toutes les paroles de l’aide de camp que son maître, le roi d’Assyrie, a envoyé pour insulter le Dieu Vivant et le châtiera-t-il pour les paroles que le SEIGNEUR, ton Dieu, aura entendues ! Fais monter vers lui une prière en faveur du reste qui subsiste. »
5 Les serviteurs du roi Ezékias arrivèrent auprès d’Esaïe 6 qui leur dit : « Vous parlerez ainsi à votre maître : Ainsi parle le SEIGNEUR : Ne crains pas les paroles que tu as entendues et par lesquelles les serviteurs du roi d’Assyrie m’ont outragé ! 7 Voici que, sous mon inspiration, il retournera dans son pays sur une nouvelle qu’il apprendra ; je le ferai tomber par l’épée dans son propre pays. » 8 L’aide de camp, ayant appris que le roi d’Assyrie était parti de Lakish, vint trouver le roi à Livna où il se battait. 9 Ce dernier avait reçu cette nouvelle au sujet de Tirhaqa, roi de Nubie : « Voici qu’il s’est mis en campagne pour t’attaquer ! »