Christianisme et bouddhisme : Des semblables que tout oppose

Christianisme et bouddhisme, un dialogue instructif, qui nous décentre, quelque soit notre obédience religieuse. Je propose ici un exposé succinct du bouddhisme et de ses principales variantes historiques, avant de présenter quelques arguments du débat avec la foi chrétienne, et quelques textes marqués par le bouddhisme occidental actuel en rapport avec des textes des Evangiles.

Les données de cette page ont servi de support à une rencontre paroissiale sur ce thème, le vendredi 13 octobre 2023, au Grain de sel à Orvin, dans le Jura bernois, en Suisse.

1. Première approche :
Projets semblables, profils différents

Les deux schémas ci-dessous, qui figuraient au dos du flyer d’invitation, donnent un premier aperçu des similarités et des différences entre le bouddhisme et le christianisme :

Le bouddhisme ancien (Theravada, VIe siècle avant J.-C.) est présenté comme un processus personnel de détachement des désirs égoïstes conduisant à un état accompli (Nirvana) au travers de l’éveil (Bodhi). Dans ce parcours individuel, le Bouddha n’est ni un dieu ni un sauveur, mais un enseignant et un guide spirituel. Il en sera autrement dans le bouddhisme Mahayana, puis dans le lamaisme tibétain, lorsque le Bouddha acquerra certains aspects de la divinité.

A l’opposé, le schéma du christianisme ancien souligne d’emblée son caractère théologique. C’est Dieu lui-même, le Père, et non l’homme, qui prend l’initiative du salut en envoyant son Fils Jésus-Christ dans le monde (Jn 3,16), lequel enseigne la venue imminente du Règne de Dieu au travers de sa Personne, agissant déjà dans cette vie au travers de l’enseignement de l’Evangile (Mc 1,15), auquel l’homme peut répondre positivement ou non, en se mettant à la suite du Christ, ce qui suppose de « perdre sa vie afin de la retrouver avec Christ » (Mc 8,35).

Projets semblables

Dans leur ensemble, les traditions bouddhistes et chrétiennes visent une perspective de salut, ayant pour but de libérer l’être humain des contraintes, des ignorances, des imperfections, des injustices et donc des souffrances de la vie présente, en le transposant dans une forme de vie et de réalité ultime et accomplie, qui se manifeste déjà imparfaitement dans cette vie et se prolonge parfaitement dans la vie future.

Selon le sociologue allemand Max Weber (1864-1920), cette perspective de salut se manifeste concrètement dans la vie présente par « une systématisation et une rationalisation de l’appropriation des biens de salut religieux » , ainsi que par « la possession consciente d’un fondement durable et unifié de la conduite de vie » , rendue possible grâce à « l’acquisition de cette certitude de la possession du salut religieux » (Max Weber, Sociologie de la religion (texte datant d’environ 1913), Flammarion, 2006, p.329). Tant les bouddhistes que les chrétiens considèrent leur éthique de vie comme étant entièrement unifiée par leur orientation, en chemin vers leur destination, le salut individuel.

Profils différents

Ce sont avant tout les méthodes et les moyens de cette délivrance des épreuves, des vicissitudes et de la finitude de la vie présente qui diffèrent d’une tradition à l’autre. Les monothéismes abrahamiques issus du Moyen-Orient affirment l’existence d’un Dieu transcendant, infini, éternel, omnipotent, créateur, omniscient, omniprésent, personnel, bienveillant, juge et miséricordieux. Au sein de cet ensemble culturel, le christianisme hérite du judaïsme et s’en démarque fortement.

Les systèmes culturo-religieux asiatiques d’Orient (Inde, etc.) et d’Extrême-Orient (Vietnam, Chine, Japon, etc.) inscrivent la totalité de la réalité dans un ordre cosmique holistique (qui ramène les parties au tout), immanent et évolutif, dans lequel s’inscrit toute la trame de l’existence humaine. Au sein de cet ensemble culturel, le bouddhisme hérite de l’hindouisme et s’en démarque fortement.

Le salut des religions monothéistes est donc prioritairement extrinsèque, provenant nécessairement d’un Dieu sauveur extérieur à l’homme, qui le délivre par grâce et le conduit sur la voie du salut, tandis qu’il peut se manifester de manière plus ou moins extrinsèque (hindouisme, polythéismes) ou intrinsèque (bouddhisme ancien, religions de la sagesse) dans les religiosités orientales.

« La délivrance peut correspondre, enfin, au don de grâce absolument libre et sans raison d’un Dieu aux décrets insondables, nécessairement immuable parce qu’omniscient, et soustrait à toute influence des actes humains: la grâce de la prédestination. Celle-ci présuppose comme condition absolument nécessaire l’existence d’un Dieu créateur supramondain et fait par conséquent défaut dans toutes les formes de religiosité antiques et asiatiques. » (Max Weber, Sociologie de la religion (1913), Flammarion, 2006, p.383).

2. Dharma et Evangile :
Exposé comparatif détaillé des deux voies

Les textes de cette section sont largement repris, remaniés, complétés et affinés à partir de ma conférence de 2010 et 2011 : Christianisme et bouddhisme, semblables et différents.

Introduction : Méthode, but et difficulté

Depuis que le christianisme a pénétré en Orient, dès avant l’Islam, et depuis que le bouddhisme a fait de même en Occident, au XIXème s., l’« explication » entre ces deux traditions est devenue inévitable.

Méthode : Tension entre deux pôles : Comparatisme dogmatique et incommensurabilité des cultures. S’il est exagéré de dire que les doctrines du bouddhisme sont incompréhensibles pour un occidental, il est vrai aussi qu’on ne peut comprendre une religion que de l’intérieur, en reliant concepts, expériences et pratiques. Comparer les doctrines respectives du christianisme et du bouddhisme est utile à la compréhension de l’autre et de soi, mais n’épuise pas le dialogue interreligieux.

But : Mener le dialogue pour approfondir notre réflexion religieuse et notre l’expérience spirituelle. Il ne s’agit pas de prêcher le relativisme, ni de devenir bouddhiste si l’on est chrétien et inversement, mais de rechercher une meilleure compréhension de l’un au contact de l’autre, par une seine confrontation.

Dans la rencontre avec les autres voies, il faut que chacun écoute les critiques et les mises en question qu’on lui adresse, et ne se refuse pas à toute modification de son propre itinéraire. Nous devons, écrit Cobb, « soumettre la sécurité des modèles établis à de nouvelles interpellations ». Aux premiers siècles de notre ère, les chrétiens agissent ainsi vis-à-vis du platonisme et du stoïcisme. Ils n’abandonnent pas la Bible pour la pensée grecque. Le témoignage scripturaire demeure, pour eux, le fondement et le critère. Pourtant, la philosophie grecque les questionne, les enrichit et les transforme. Cette hellénisation a, certes, entraîné des distorsions. Elle n’en demeure pas moins globalement positive. Elle a provoqué une transformation créatrice (de religion provinciale, le christianisme est devenu un message universel), et représente un progrès.
Aujourd’hui, nous devrions nous comporter de même à l’égard des religions orientales. Cobb espère une transformation créatrice du bouddhisme au contact du christianisme, et vice versa. Christianisme et Bouddhisme ont besoin l’un de l’autre pour progresser. De telles rencontres empêchent les voies de se durcir, de se figer, et elles favorisent le process. En nous y engageant, nous ne deviendrons pas moins chrétiens, mais autrement chrétiens.

André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu, essai sur la Théologie du Process. Nouvelle édition, revue et augmentée, Paris, Van Dieren Editeur, 1981, 2013, 4ème partie : L’homme et la vie chrétienne, Chapitre 12 : Le christianisme, 3. Le christianisme et les religions, § La voie de la transformation crétarice, p. 196.

Difficulté : Il existe des christianismes et des bouddhismes très variés.
Il est parfois difficile de savoir ce que l’on compare exactement.

Jésus et Bouddha : Se dégager des dépendances de la tradition religieuse pour devenir un authentique sujet spirituel

Jésus, inscrit dans le judaïsme de son temps, se démarque d’une observation rituelle de la Loi réservée aux juifs, proposant une relecture spirituelle de la Loi en vue de la guérison et de l’édification morale et spirituelle de tous les hommes.
Il s’entoure de disciples qui formeront l’Église après son départ.

Siddhartha Gautama Sakyamuni (sage de la tribu des Sakya), devenu le Bouddha (l’éveillé) par son expérience personnelle la bodhi (l’illumination, l’éveil),
se démarque à la fois de deux tendances religieuses de son temps :

– Le système à castes de l’hindouisme et du brahmanisme, religion sacrificielle. Le brahmane, prêtre gardien de la révélation védique, est proche du principe impersonnel suprême Brahman. Le rituel, réservé aux hautes castes, est un acte extérieur à l’individu, qui a pour but de satisfaire les dieux et de les rendre favorables. Le bouddhisme se profile ainsi comme une religion des basses castes, au chevet des plus pauvres.

– L’ascèse radicale du jaïnisme de Mahavira (VI s. av. JC) : Pour échapper au cycle karmique des renaissances, refus de tout acte négatif, source de souffrance pour autrui (homme ou animal). Parce que l’acte compte et non l’intention : Arrêt de toute activité physique et mentale : Immobilité totale, pratique ascétique extrême, nuisible pour le corps.

Siddhartha (VI s. av. JC) est issu de la petite noblesse du Nord de l’Inde, il quitte le palais paternel, abandonnant femme et fils pour une vie d’ascète errant. Après 7 ans d’ascèse radicale, il cherche une autre voie et découvre qu’en renonçant à tout désir/passion, on se libère de la douleur. Au travers de la bodhi, il atteint le nirvana par sa propre expérience. Il passe ensuite sa vie à enseigner le dharma (règle, enseignement), l’octuple sentier, la voie qui permet d’atteindre la bodhi et le nirvana. Il s’entoure de disciples qui forment la communauté bouddhiste, le sangha. Il meurt vers 80 ans (parinirvana : extinction totale).

Le Bouddha du bouddhisme ancien n’est pas un sauveur divin, mais un enseignant et un conseiller spirituel qui offre à ses disciples les moyens de s’affranchir eux-mêmes des maux de l’existence. Donc, est-il davantage un sage philosophe ou un religieux ? Comme déjà indiqué, il est difficile de le situer à l’intérieur de ces catégories occidentales.

Conclusion : Sous cet angle, Christ et Bouddha présentent un profil religieux semblable : Non-violence (contrairement au prophète de l’Islam, à part violence verbale) ; intériorisation (contre prêtres et sacrifices) et universalisation (contre les différences de caste, d’élection, de sexe, etc.) de la religion, qui est redéfinie comme une voie vers le salut personnel (guérison, solution au problème de souffrance/péché et réincarnation/mort).

Les deux premiers sutta du Bouddha : La Voie du Milieu, les 4 nobles vérités et la doctrine du Non-Soi

Ces sutta (pali : fil, sermon ; sanscrit : sutra) s’adressent à des moines, mais très tôt, le bouddhisme a accepté des fidèles non moines dans le sangha :

La Voie du Milieu : « Ô bhikkhus [mendiant, ascète], il existe deux extrêmes qui doivent être évités par quelqu’un qui est arrivé à une vie sans foyer. Quels sont ces deux extrêmes ? S’adonner aux plaisirs des sens, ce qui est inférieur, vulgaire, mondain, ignoble, et engendre des mauvaises conséquences, et s’adonner aux mortifications [ici extrême : se faire souffrir soi-même et épuiser son corps], ce qui est pénible, ignoble, et engendre des mauvaises conséquences ». Dhamma-cakkappavattana-sutta.

Cette Voie du Milieu, qui évite les excès de laxisme et d’intégrisme, est une des raisons du succès du bouddhisme, qui le rapproche également du christianisme. Le même sutta expose ensuite brièvement les 4 nobles (nécessaires à la connaissance) vérités, à la base de la doctrine bouddhiste :

1) DUKKHA (pali : souffrance, conflit)

La réalité du monde est essentiellement douleur : Naissance, enfance, état adulte, vieillesse, maladie, mort, union à ce que l’on n’aime pas, désunion avec ce que l’on aime et désire. La dukkha désigne globalement l’impermanence et l’instabilité des réalités mondaines, en considérant que même les plaisirs sont sources de souffrance car ils peuvent nous être enlevés par l’âge, la maladie, la guerre, les rivalités, la mort, etc.

2) SAMUDAYA (pali: origine)

L’origine de la douleur est la soif, l’appétit de jouissance des sens, le désir d’exister ou de ne pas exister, qui conduit à renaître sans cesse en de nouvelles réincarnations, qui seront à leur tour source de désir, de manque et de douleur, etc.

Sur le plan métaphysique, le bouddhisme nie la réalité en soi du monde des phénomènes : La vie et les choses n’existent que parce qu’on les désire. C’est le désir qui crée l’illusion de l’existence du « je » et de la chose désirée. Ce point est central pour la philosophie bouddhiste, et difficilement compréhensible pour nous occidentaux:
Philosophie bouddhiste : La relation (par exemple le désir) précède et crée les personnes. Si je n’ai pas de relation avec une personne, elle « n’existe pas pour moi ».
Philosophie occidentale : Les personnes précèdent et créent la relation.

Le désir produit les agrégats mentaux et les actes (karma) qui se transmettent d’une renaissance à l’autre (samsara : flux). Il ne s’agit donc pas vraiment de réincarnation, car ce n’est pas une même « âme » personnelle qui s’incarne dans un nouveau corps, mais un flux d’agrégats psychiques recomposés qui peuvent s’agréger en animal, homme ou dieu. Les dieux personnels ne sont donc pas moins illusoires que les individus humains.

3) NIRODHA (pali: extinction)

La cessation du désir est l’extinction (nirvana, mot dérivant étymologiquement d’une racine qui signifie « éteint par manque de combustible ») qui met fin au cycle des renaissances du « soi » et à toute souffrance. Ce nirvana reste difficile à définir : Il s’agit moins d’un état que d’une non-condition surpassant l’opposition entre l’être et le non-être. Aucune définition ne permet d’épuiser le sens du mot nirvana selon le bouddhisme.

« Considérant les choses ainsi, ô bhikkhus, le disciple savant réprouve la forme physique, il réprouve la sensation, il réprouve la perception, il réprouve la composition mentale [la pensée], il réprouve la conscience. Lorsqu’il les réprouve, il est dépourvu de désir. Lorsqu’il est dépourvu de désir, il est libre du désir. Lorsqu’il est libéré vient la connaissance : « Voici la libération » ; et il sait : Toute naissance nouvelle est anéantie, la Conduite sublime est vécue, ce qui doit être achevé est achevé, il n’y a plus rien qui demeure à accomplir, il n’est plus [pour moi] de redevenir ». Anattalakkhana-sutta.

La doctrine du Non-Soi. Le bouddhisme nie l’atman, l’essence de l’individu (l’âme humaine) de l’hindouisme : « cela est mien », « je suis cela » sont des idées fausses. Quand on comprend que le soi individuel est une fabrication mentale (par agrégats mentaux), l’édifice égocentrique des passions s’effondre.

Le bouddhisme se situe entre le nihilisme (qui nie toute vérité, tout être en soi, tout absolu) et l’éternalisme (qui admet l’existence de l’Etre éternel et absolu). Le nirvana se dit vacuité, effacement, paix.

4) MAGGA (pali: sentier, voie)

La voie qui conduit à l’arrêt de la douleur est le Dhamma (pali) ou Dharma (sancrit) qui définit l’attitude correcte du fidèle. La racine dhar « soutenir, maintenir » a été traduite dans les langues occidentales par système, doctrine, religion, vertu, qualité morale, rectitude, devoir, loi, standard, norme, idéal, vérité, forme, condition, cause, chose, ordre cosmique. Cette voie fonde les divers aspects de l’Octuple sentier de la pratique bouddhiste, qui comprend les 8 aspects suivants : Compréhension, Pensée, Parole, Action, Moyens d’existence, Effort, Attention, Concentration justes :

a) L’ascèse monastique. Le Bouddha disait qu’il faut quitter la société, car celui qui se bat pour nourrir sa famille peut difficilement se couper du désir.

b) La méditation : Calmer l’agitation mentale pour décanter la confusion et parvenir à analyser lucidement les mobiles (désirs, passions) qui nous animent, en établissant le calme intérieur, à l’écart des désirs multiples de la vie que suscite la vie. Un aspect de la méditation bouddhiste est présenté au début de la troisième partie ci-dessous, au travers de la citation de Walpola Rahula.

c) L’autodiscipline éthique qui consiste à ne pas nuire à autrui.

Origine et diversité des voies (véhicules, sentiers) du bouddhisme

Ce dharma est une discipline très exigeante qui produit une grande résistance chez ceux qui veulent vivre l’expérience du Bouddha. Comment faire pour que le nirvana ne soit pas réservé à une élite d’ascètes ? Diversification des voies (dharma) du bouddhisme.

1) Le bouddhisme ancien (Theravada)

Du bouddhisme ancien, il ne subsiste que l’école Theravada (Sri Lanka, Asie du Sud) : Le bouddhisme est une sagesse individuelle ascétique pour se libérer de la souffrance. Le Bouddha historique est un authentique être humain parvenu à l’Éveil.

Les textes canoniques en pali du bouddhisme primitif, traduits en occident au XIXème s, ont conduit à rapprocher le bouddhisme d’une philosophie religieuse.

12.6. Le bouddhisme ancien et son caractère de fuite du monde.
A l’opposé de ces éthiques religieuses intramondaines et de leurs effets économiques spécifiques, on trouve la forme la plus extrême d’éthique de rejet du monde, la mystique du bouddhisme ancien, qui recherche la concentration et, à travers elle, l’illumination. J’entends ici le bouddhisme des origines, bien entendu, et non les versions entièrement remaniées que connut ce modèle dans les religiosités du Tibet, de la Chine et du Japon. Cette éthique-là est elle aussi « rationnelle » au sens où elle présuppose une maîtrise vigilante et constante de toutes les pulsions naturelles ; son objectif est cependant tout autre. Il ne s’agit pas seulement de se délivrer du péché et de la souffrance, mais, en soi, de se soustraire au caractère passager des choses, à la « roue » de la causalité du karman, pour accéder au repos éternel. Celui-ci n’est et ne peut être que l’œuvre la plus personnelle de l’individu. Il n’existe pas de prédestination, ni de grâce divine, ni de prière, ni de culte.
La causalité du karman et son mécanisme de rétribution cosmique associent automatiquement des primes et des châtiments toujours proportionnels à chaque action, bonne ou mauvaise, et, aussi longtemps que la soif de vivre pousse à l’action, l’individu est contraint, à partir de son existence animale, céleste ou infernale, de goûter les fruits de ses actes dans une vie humaine toujours nouvelle et de s’assurer de nouvelles chances d’avenir.
L’enthousiasme le plus noble comme la sensualité la plus répugnante induisent l’un et l’autre, inévitablement, cet enchaînement à l’individuation (la métaphysique bouddhique, qui ne connaît pas d' »âme », l’appelle « transmigration des âmes », mais le terme est bien mal choisi), aussi longtemps que ne sont pas absolument éradiqués toute « soif » de vivre, dans l’ici-bas comme dans l’au-delà, et tous les combats impuissants qui sont menés pour l’existence individuelle et chacune de ses illusions, en particulier celle de posséder une « âme » et une « personnalité » uniques. En tant que telle, toute action dotée d’une finalité rationnelle – hormis l’activité intérieure de contemplation et de concentration, qui affranchit l’âme de la soif du monde – et tout attachement aux intérêts du monde, quels qu’ils soient, détournent du salut.
Il n’est dès lors donné qu’à un très petit nombre d’accéder à celui-ci, parmi ceux qui se décident à vivre sans biens, chastement, sans travail (car le travail est une action dotée d’une finalité), autrement dit d’aumônes, en errant continuellement, sauf pendant la grande saison des pluies, en ayant rompu tous les liens personnels qui les rattachaient à une famille et au monde, et en accomplissant les prescriptions de la juste voie (dharma) pour atteindre le but, l’illumination mystique. Une fois obtenue, celle-ci donne accès, par la joie supérieure et par le sentiment de tendre amour sans objet qui lui est propre, à la plus haute béatitude de l’ici-bas, et conduit au sommeil éternel et sans rêve du nirvana, le seul état qui n’est pas soumis au changement.
Tous les autres individus peuvent tenter d’obéir aux prescriptions de la règle et se garder de commettre les péchés les plus grossiers ; ils pourront ainsi, le cas échéant, améliorer leurs chances pour la vie future qui, en vertu de la causalité du karman, de la non-clôture de leur compte éthique et de la non-« abréaction » de leur soif de vie par une individuation nouvelle, débutera inévitablement quelque part lorsque leur vie présente prendra fin : mais pour eux, la voie du salut éternel véritable demeurera fermée.

Max Weber, Sociologie de la religion (texte datant d’environ 1913), Flammarion, 2006, p.472-474.

2) Le bouddhisme Mahayana

Au 1er siècle de notre ère, apparition du bouddhisme Mahayana (Grand Véhicule, Chine, Japon). Ce courant appelle par mépris le bouddhisme ancien Hinayana (Petit Véhicule), auquel il apporte deux importantes transformations, qui font évoluer le bouddhisme d’une spiritualité philosophique vers une spiritualité religieuse :

– Même parvenu à l’Éveil, le bodhisattva (« être promis à l’Éveil ») développe un amour infini, quitte à demeurer à jamais dans les souffrances du samsara pour mieux en libérer les autres. Le bouddhisme cesse d’être une sagesse individuelle et devient une religion de la compassion universelle. Il se peut que cet aspect nouveau ait été influencé par les informations au sujet du christianisme naissant qui seraient parvenues en Inde au premier siècle de notre ère.

– Le Bouddha devient parfois un « être divin incarné » pour sauver les êtres humains par compassion. En Chine, au Japon, au Tibet, il arrive que d’autres Bouddha, divinités ou bodhisattva éclipsent Sakyamuni : Réintroduction du polythéisme. Ex : Avalokiteshvara aide les humains à atteindre le salut.

3) Le bouddhisme japonais Zen

Bouddhisme japonais Zen de la période Kamakura (XII-XIV s.) : Suite à la dégénérescence morale de l’humanité, on a atteint l’époque de « la fin de la loi » : Les hommes sont devenus incapables de suivre le dharma : il ne reste plus qu’à s’en remettre dans la foi à la miséricorde du Bouddha Amida. La transformation que le bouddhisme zen applique au bouddhisme originaire peut être décrite de la manière suivante :

Découvrir sa nature de Bouddha: Les idées zen vont au-delà des paroles.
a) User de paroles, dans la prière ou la discussion, crée de la confusion dans l’esprit.
b) Penser et lire en silence crée simplement d’autres « paroles » dans l’esprit.
c) Quand nous nous efforçons d’atteindre des réponses et de la conscience, notre désir offusque notre esprit.
d) Si nous voulons découvrir notre nature de Bouddha, nous devons vider l’esprit de toutes ces choses.
e) Avec l’esprit vidé, conscience et compréhension nous arrivent sans paroles.

Il libro delle religioni (Original anglais, Big Ideas Series, 2016), Milano, Gribaudo, 2016, p.161 (traduction par mes soins).

4) Le bouddhisme tantrique (lamaisme tibétain)

Le bouddhisme tantrique Vajrayana (Véhicule de diamant), dont la lamaisme tibétain est la branche la plus connue en Occident par l’influence du Dalaï Lama. Une palette de méthodes ésotériques et de pratiques magiques, absentes du bouddhisme ancien, facilite l’accès à l’illumination par la méditation :

Répétition de mantra (formules sacrées) ; Méditation de diagrammes symboliques sacrés (mandala) ; Positions symboliques de la main (mudra), etc.

5) Le bouddhisme occidental sécularisé

Enfin, le bouddhisme occidental contemporain transforme le dharma originel en une série de consignes de vie et de techniques de méditation vouées au développement personnel de l’individu. On peut y voir une forme cachée et sournoise de l’hyper-individualisme moderne, un repli sur soi qui ne se soucie que de soi-même, de sa propre harmonie intérieure, avec pour corollaire un désintérêt de plus en plus marqué envers la sphère publique, politique (l’Etat), culturelle et religieuse (l’Eglise).

Le bouddhisme popularisé produit le développement d’une sagesse et d’une spiritualité pratiques accessibles à tous, exempte apparemment de toute doctrine, qui n’oppose pas le corps et l’esprit : « Le bonheur est dans le chemin plutôt que dans la destination », « la spiritualité est l’acceptation des choses comme elles sont ».

Le bouddhisme fonctionne parfois en Occident comme une religion de démarcation : On se dit sensible au bouddhisme pour chercher sa voie à l’écart des repères du christianisme. Sans le savoir, on applique au bouddhisme des catégories qui appartiennent en fait à la sphère occidentale (acculturation) :

Mais si on reconnait le bouddhisme des Asiatiques comme relevant d’authentiques traditions religieuses, il en va tout autrement pour le bouddhisme tel qu’il est adopté et pratiqué par les Occidentaux. Une perspective théorique inverse à la première situe en effet le bouddhisme non plus dans le registre des grandes religions, mais dans celui des « nouvelles spiritualités » telles qu’elles sont massivement apparues au cours des années 1960-1970, et telles qu’elles fleurissent actuellement, dans le sillage de la mouvance New Age. Dans cette optique, le bouddhisme se réduit à une simple pratique (généralement limitée à la seule méditation), à des fins séculières (la recherche du « mieux-être »), dissociée de toute forme d’adhésion religieuse. Tout au plus, adopte-t-on quelques thèmes vulgarisés, inscrits dans une imagerie populaire (la notion de karma, l’idée de réincarnation), et désolidarisées de leur cadre de référence originel. Le bouddhisme fait ainsi l’objet d’un « bricolage » individuel, ou se révèle une source d’inspiration parmi d’autres pour des mouvances religieuses néo-orientales.

Sous la direction de Dennis Gira et Jacques Scheuer, vivre de plusieurs religions. Promesse ou illusion ?, Paris, Editions de l’Atelier, Editions Ouvrières, 2000, Chapitre de Lionel Obadia, L’adhésion au bouddhisme en France, p.33.

Une critique occidentale de la méditation bouddhisme consiste à dénoncer la trop grande centration sur soi que produit le style de vie de la méditation, ce qui est tout-à-fait contraire à l’intention du bouddhisme originaire et Mahayana, qui pensaient vider le soi du souci illusoire de sa personnalité, afin d’être disponible pour l’action dans le présent.

On peut se dire qu’on ne risque pas grand-chose en cherchant à être «la meilleure version de soi-même» tout en évitant de penser aux causes sociales de son malheur…
Le risque est celui de l’immobilisme. Prenons l’exemple du réchauffement climatique ou des inégalités qui se creusent. Nous savons que ce sont de gros problèmes qui nous rendent malheureux. Or, dans cette ère de l’hyper-individualisme, nous avons l’impression d’être totalement impuissants. La quête de la meilleure version de soi-même vient nourrir le «on ne peut rien faire, à part agir sur nous-mêmes». Elle démobilise sur le plan collectif.

Camille Teste, intérrogée par Le Temps du 22 juillet 2023, dans l’article « Corps et Esprit. Tout le Yoga du monde ne suffira pas », p.23, en lien à la parution de son essai « Politiser le bien-être », publié aux Editions Binge Audio, ce printemps 2023.

L’attrait de la réincarnation en Occident (version positivée du samsara) est lié à la possibilité de vivre plusieurs vies terrestres, soit par désir de vivre (repousser la mort), soit pour se donner suffisamment de temps pour atteindre le salut. L’aspect négatif des réincarnations, qui représentent dans l’hindouisme et le bouddhisme autant de tentatives infructueuses de se libérer du cycle du kamma (pali) ou karma (sanscrit), est ignoré par les Occidentaux. La racine du mot karma signifie action, puis action et résultat approprié de l’action. Au travers de cette Loi de causalité éthique, l’homme « recueille ce qu’il sème », constitue son caractère, crée son destin et obtient sa libération.

Synthèse ET DéBAT : Des similitudes et des différences de fond

1) A propos du salut

Le christianisme et le bouddhisme sont deux religions du salut et de la responsabilité individuels, mais leurs moyens d’atteindre ce salut ainsi que sa nature diffèrent passablement : Le salut est plutôt intrinsèque dans le bouddhisme (auto-pacification), extrinsèque dans le christianisme (grâce divine).

La réintroduction des divinités et des notions de grâce, de compassion, de sauveur, ainsi que la divinisation du Bouddha dans les divers courants du bouddhisme illustre la difficulté de supprimer toute contribution divine dans la recherche du salut. L’homme peut-il atteindre le salut par lui-même ? Ici se situe sans doute une des critiques les plus fécondes du christianisme envers le bouddhisme : Même après de multiples réincarnations, l’âme humaine incarnée parviendra-t-elle à s’extraire du cycle karmique des réincarnations, en générant par elle-même son éveil au travers de la perfection éthique, sans l’intervention d’une grâce divine extrinsèque ?

Celui qui souffre parviendra-t-il à se dire un jour, « je ne désire plus ne pas souffrir, j’accepte la réalité et je m’en détache, et donc je ne souffre plus » ? Dans cette perspective, le bouddhisme ne correspond-il pas à ce que le christianisme a toujours dénoncé comme étant un « salut par les œuvres », à savoir la tentative prétentieuse, irréaliste et désespérée de sortir du péché et de la mort et d’atteindre ainsi le bonheur éternel par ses propres moyens?

A titre personnel : C’est précisément cette conviction que l’homme ne peut s’extraire de tout désir par lui-même, et qu’il n’est donc pas en mesure d’atteindre par lui-même une quelconque forme complète de pacification (nirvana, paradis, etc.), qui me conduit à opter pour le christianisme protestant, qui annonce un salut par la grâce seule, tout en reconnaissant les apports instructifs des concepts bouddhistes pour la foi chrétienne.

2) A propos du désir, de l’espérance et du lâcher prise

Le bouddhisme souligne l’aspect du détachement, de l’extinction du désir. Faut-il vraiment supprimer le désir ? Cet aspect du lâcher prise existe également dans le christianisme (la croix), mais il y paraît davantage contrebalancé par la notion de vie nouvelle, qui débute en cette vie par la relation à Christ, puis se poursuit dans l’espérance de la résurrection et de la vie éternelle. Le désir de vivre, en tant que tel, n’est pas nié par la foi chrétienne, mais il doit être déposé entre les mains de Dieu, renouvelé dans le mouvement de l’Esprit Saint et inscrit dans une espérance placée en Dieu et non en soi ou en l’homme, espérance qui ouvre l’horizon présent et futur de la transcendance.

Une importante critique de la notion chrétienne d’espérance a été reprise et développée par le philosophe athée français André Comte-Sponville, qui convoque le bouddhisme et sa centration sur le moment présent, pour souligner que toute espérance, en tant qu’attente d’un bien encore irréel, cache en réalité un désespoir, qui consiste en une incapacité à se satisfaire du présent, dominée par le désir permanent d’un futur meilleur. Il révèle ainsi que le bouddhisme, contrairement au christianisme, se passe de toute espérance en une divinité, relevant d’une « sagesse du désespoir » :

« Qu’est-ce que je serais heureux, si j’étais heureux ! », plaisante Woody Allen. Mais comment pourrait-il l’être, puisqu’il ne cesse d’espérer le devenir ? Nous en sommes tous là. Du moins, c’est la pente. Toujours « béants après l’avenir », comme dit Montaigne. Toujours insatisfaits. Toujours pleins d’espoirs et de craintes. Le bonheur ? Ce serait d’avoir ce qu’on désire. Mais comment, si le désir est manque ? Si on ne désire que ce qu’on n’a pas, on n’a jamais ce qu’on désire. Nous voilà séparés du bonheur par l’espérance même qui le poursuit – séparés du présent, qui est tout, par l’avenir, qui n’est pas. Pascal a génialement résumé l’essentiel : « Ainsi nous ne vivons jamais, nous espérons de vivre »; si bien que « nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais ». J’ai voulu échapper à cet « inévitable », et penser pour cela ce que j’ai appelé une sagesse du désespoir, qui prolonge, en Occident, celle des épicuriens ou des stoïciens, celle plus tard de Spinosa, comme, en Orient, celle du bouddhisme ou du Sâmkhya (« Seul le désespéré est heureux, lit-on dans le Sâmkhya-Sûtra; car l’espoir est la plus grande torture, et le désespoir le plus grand bonheur »). Le paradoxe, là encore, n’est qu’apparent. Le sage ne désire que ce qui est ou qui dépend de lui. Qu’a-t-il besoin d’espérer ? Le fou ne désire que ce qui n’est pas (c’est ce qui distingue l’espérance de l’amour) et qui ne dépend pas de lui (c’est ce qui distingue l’espérance de la volonté). Comment serait-il heureux ? Il ne cesse d’espérer. Comment cesserait-il d’avoir peur ?
« Il n’y a pas d’espoir sans crainte, explique Spinosa, ni de crainte sans espoir. » Si la sérénité est absente de crainte, ce qui est le sens ordinaire du mot, elle dont aussi absence d’espérance: voilà le présent dégagé pour l’action, la connaissance et la joie ! Rien à voir avec la passivité, la paresse ou la résignation. Désirer ce qui dépend de nous (vouloir), c’est se donner les moyens de le faire. Désirer ce qui ne dépend pas de nous (espérer), c’est se vouer à l’impuissance et au ressentiment. […] Ce n’est pas l’espérance qui fait agir (combien espèrent la justice, qui ne font rien pour elle ?), c’est la volonté. Ce n’est pas l’espérance qui libère, c’est la vérité. Ce n’est pas l’espérance qui fait vivre, c’est l’amour.
[…]
J’écrivis là-dessus quelques volumes. J’avais le sentiment, point tout à fait à tort, d’être à l’opposé du christianisme. « Le contraire de désespérer, c’est croire », avait affirmé Kierkegaard. Je renversai la formule: « Le contraire de croire, c’est désespérer. » Je parlais de gai désespoir (un peu au sens où Nietzsche parlait d’un gai savoir), et j’en aime toujours le goût amer et tonique.

André comte-Sponville, L’Esprit de l’athéisme. Introduction a une spiritualité sans Dieu, Albin Michel, 2006, Paragraphe Le gai désespoir, p.64-67.

Cela n’a pas de sens de dire qu’on ne devrait pas douter, qu’on devrait croire. Dire simplement « je crois » ne signifie pas qu’on comprenne et qu’on voie. Lorsqu’un étudiant travaille sur un problème mathématique, il arrive, à un moment, à un point où il ne sait pas comment avancer et où il se trouve plongé dans le doute et la perplexité. Aussi longtemps qu’il a ce doute, il ne peut pas avancer. S’il veut aller plus avant, il doit résoudre ce doute. Il y a des moyens pour y arriver. Dire simplement « je crois » ou « je ne doute pas » ne résoudra certainement pas le problème. Se forcer à croire à une chose et l’accepter sans la comprendre peut réussir en politique, mais ne convient pas dans les domaines spirituel et intellectuel.

Walpola Rahula, L’enseignement du Bouddha. D’après les textes les plus anciens. Etude suivie d’un choix de textes (traduit de l’anglais), Seuil (Point Sagesses), 1961, Chapitre 1, L’attitude mentale bouddhiste, p.18.

3) A propos de la souffrance

Une compréhension élémentaire des quatre nobles vérités du bouddhisme pourrait être formulée ainsi : La cause de la souffrance est la convoitise de ce que l’on désire, or le but de la vie consiste à éviter la souffrance et à trouver le bonheur. Pour y parvenir, il s’agit donc renoncer à toute convoitise, car l’on se trouve ainsi pleinement satisfait avec ce que l’on a. Face à une telle stratégie de vie, le christianisme peut formuler deux objections :

Il n’est pas évident que le but de la vie humaine consiste à éviter toute souffrance et à trouver le bonheur de cette manière. On peut objecter que la vie en Christ ne consiste pas à éviter toute souffrance, mais à supporter sa part de souffrances en marchant à la suite du Christ : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive » (Evangile de Marc 8,34). Le christianisme se rapproche donc davantage du bouddhisme Mahayana, avec son idéal du bodhisattva, une figure qui a peut-être été influencée par le christianisme dès le premier siècle de notre ère, au travers des échanges existants entre le Moyen-Orient et l’Inde.

– Si renoncer à la convoitise des désirs égoïstes est difficile mais encore envisageable humainement, renoncer au désir même de ne pas souffrir paraît nettement plus improbable, voir impossible, car idéalement surhumain. Par conséquent, atteindre le nirvana dans les conditions d’une personne souffrante corporellement ou psychiquement – ce qui supposerait de renoncer au désir de ne pas souffrir – semble irréel compte tenu de la nature humaine incarnée dans un corps et une âme potentiellement souffrants.

4) A propos de la méditation et de la prière

La méditation bouddhiste se présente comme un travail sur soi, un évidement pour parvenir à un état « supérieur » de conscience, mais aussi, de manière plus accessible, un ensemble de techniques de méditation pouvant exercer un effet bénéfique sur la vie psychique et spirituelle de l’homme moderne, comme par exemple la méditation de pleine conscience, aujourd’hui largement popularisée en Occident.
La prière chrétienne est une attitude relationnelle plus difficile à comprendre et à appliquer dans le monde moderne. Elle comporte aussi du renoncement à soi, mais son mouvement propre passe par un « s’en remettre à Dieu ».

5) A propos de la réalité ou de l’irréalité du soi

Selon le bouddhisme, le monde (l’Univers cosmique), les dieux, les animaux et les personnes humaines sont des réalités illusoires, et fugitives, liées au désir. La volonté de maintenir le soi est le principe de l’égoïsme.

Risque : Le rejet du soi et du réel peut être perçu comme une fuite, un détachement (vocabulaire employé par les bouddhistes eux-mêmes) de la réalité psychologiquement discutable, au risque de l’indifférence à ce qui se passe en soi et autour de soi.

Selon le christianisme, le Dieu personnel représente l’être et la vérité ultime. Le monde et les personnes humaines sont réels en tant que créatures divines. Le Je personnel est un être responsable de lui-même et de ses actes au sein du monde et devant Dieu.

Risque : La persistance de la valorisation du Je dans le christianisme, et surtout dans le protestantisme, pourrait avoir une implication dans l’individualisme et le matérialisme modernes.

3. Textes d’inspiration bouddhiste et chrétienne

Les expressions bouddhistes et chrétiennes figurant dans la liste ci-dessous ont pour but de permettre la comparaison entre les deux traditions, par exemple dans une réflexion commune. Le fichier PDF téléchargeable ici regroupe des textes de cette liste en quatre fois deux pages, mettant en miroir les deux traditions.

Expressions bouddhistes

Quand on lui demanda pourquoi ses disciples, qui menaient une existence simple et calme, prenant un seul repas par jour, étaient si radieux, le Bouddha répondit: ‘Ils ne se repentent pas du passé, ils ne se préoccupent pas de l’avenir, mais ils vivent dans le présent. C’est pourquoi ils sont radieux. En se préoccupant de l’avenir et en se repentant du passé, les sots se dessèchent comme des roseaux verts coupés (au soleil)’ (S. I (PTS), p.5).
Attention ou prise de conscience ne signifie pas que vous devez penser et être conscient: ‘Je fais ceci’ ou ‘je fais cela’. Non, c’est justement le contraire. Dès que vous pensez ‘je fais ceci’, vous devenez conscient de vous-mêmes, et alors vous ne vivez pas dans votre acte mais dans l’idée ‘Je suis’. En conséquence, votre travail est gâché. Vous devez vous oublier complètement et vous perdre dans ce que vous faites. Dès qu’un orateur devient conscient de lui-même et pense ‘je m’adresse à un auditoire’, sont discours est troublé et le cours de ses pensées rompu, mais quand il se perd dans son discours, dans son sujet, c’est alors qu’il est le meilleur, il parle bien et s’exprime clairement. Toute grande œuvre – artistique, poétique, intellectuelle ou spirituelle – est accomplie dans le moment où son créateur est complètement absorbé dans son action, où il s’oublie absolument, où il est débarrassé de la conscience de soi.
Cette attention, cette conscience vigilante de nos activités, que le Bouddha enseigna, consiste à vivre dans le présent, dans l’acte même. (C’est aussi la voie du Zen qui est essentiellement fondé sur cet enseignement). Ici, dans cette forme de méditation, vous n’avez rien de particulier à faire pour développer votre attention, vous n’avez qu’à être vigilant et attentif, quoi que vous soyez en train de faire. Vous n’avez pas à perdre une seconde de votre temps précieux à cette ‘méditation’ particulière, mais vous devez cultiver l’attention, la prise de conscience, tout le temps, jour et nuit, à l’égard de toutes les activités de votre existence quotidienne. […].
Il y a, maintenant, une manière de pratiquer le développement mental (‘méditation’) qui concerne nos émotions ou sensations, que celles-ci soient agréables, désagréables ou neutres. Prenons un exemple: vous éprouvez une sensation douloureuse: Dans cet état, votre esprit est assombri, plongé dans le vague, il n’est pas lucide, il est déprimé. Parfois même vous ne voyez pas clairement pourquoi vous éprouvez cette sensation pénible. Tout d’abord, vous devriez apprendre à ne pas être malheureux à propos de vos sensations désagréables, à ne pas vous tracasser au sujet de vos chagrins. Mais essayez de voir clairement pourquoi il y a cette sensation de tristesse, de tracas et de douleur. Essayez d’examiner comment elle apparaît, quelle est sa cause, comment elle se dissipe et cesse. Tâchez de l’examiner comme si vous l’observiez du dehors, sans réaction subjective, comme un savant observe un objet. Ici encore vous ne devez pas la regarder subjectivement comme ‘ma sensation’, mais seulement comme ‘une sensation’, objectivement. Il vous faut encore oublier cette idée fausse de ‘je’. Lorsque vous discernez sa nature, comme elle apparaît, comment elle disparaît, votre esprit devient impartial à l’égard de cette sensation, il devient détaché et libre. Il en est de même de toutes les émotions, toutes les sensations.
Venons-en maintenant à la forme de « méditation » qui concerne votre esprit. Vous devriez avoir pleine conscience du fait, chaque fois que votre esprit est passionné ou détaché, chaque fois qu’il est dominé par la haine, la malveillance, la jalousie, ou au contraire plein d’amour, de compassion, chaque fois qu’il est dans l’illusion ou bien qu’il a une connaissance pleine et juste, et ainsi de suite. Nous devons reconnaître que nous sommes souvent effrayés ou honteux de regarder notre propre esprit. Aussi nous préférons l’éviter. On devrait être assez hardi et assez sincère pour regarder son esprit comme on regarde son visage ans un miroir (M I (PTS) p.100).

Walpola Rahula, L’enseignement du Bouddha. D’après les textes les plus anciens. Etude suivie d’un choix de textes (traduit de l’anglais), Seuil (Point Sagesses), 1961, Chapitre 7, « Méditation » ou culture mentale: Bhavana, p.100-102.


Expressions alliant christianisme et bouddhisme

Les expressions d’inspiration bouddhiste ci-dessous comprennent des références à des textes des Evangiles, qui sont reproduits dans la section suivante.

La clef pour entrer dans la dimension spirituelle.
Dans des situations où la vie est mise en jeu, ce basculement de la conscience du temporel à la présence se produit naturellement. La personnalité, qui a un passé et un futur, s’efface temporairement pour être remplacée par une intense et consciente présence, à la fois très calme et très alerte. Les gestes posés pour répondre à ces situations naissent de cet état de conscience.
La raison pour laquelle certaines personnes aiment prendre part à des activités dangereuses, comme l’alpinisme, la course automobile et autres, c’est que cela les oblige à être dans l’instant présent, même si elles ne sont pas conscientes de ce fait. Ces activités les amènent dans cet état intensément vivant qui est libéré du temps, des problèmes, de la pensée et du fardeau de la personnalité. Oublier ne serait-ce qu’une seconde le moment présent peut se traduire par la mort. Malheureusement, ces gens viennent à dépendre d’une activité particulière pour retrouver cet état. Mais vous n’avez pas besoin d’escalader la face nord de l’Eiger pour ça. Vous pouvez y accéder dès maintenant.
Les maîtres spirituels de toutes les traditions font de l’instant présent la clé d’accès à la dimension spirituelle, et ce, depuis toujours. Malgré cela, il semble que leur message soit resté lettre morte. On ne l’enseigne certainement pas dans les églises et dans les temples. Si vous entrez dans une église, vous entendrez peut-être de telles phrases lues dans l’Evangile: « N’ayez aucune pensée pour le lendemain, il prendra soin de lui-même » ou « Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière ne mérite pas le Royaume de Dieu ». Ou bien encore entendrez-vous le passage sur les magnifiques fleurs qui ne se préoccupent pas du lendemain, mais qui vivent avec grâce dans l’éternel présent et reçoivent en abondance de Dieu ce dont elles ont besoin. Néanmoins la profondeur et la nature radicale de ces enseignements ne sont pas reconnues. Personne ne semble réaliser que ceux-ci sont censés être vécus pour engendrer une profonde transformation intérieure.
L’essence même de la philosophie zen consiste à avancer sur la lame de rasoir qu’est le présent, à être si totalement et complètement présent qu’aucune souffrance, rien qui ne soit pas vous en essence, ne puisse survivre en vous. Le temps étant ainsi absent, tous vos problèmes se dissolvent. La souffrance a besoin du temps: elle ne peut survivre dans le présent.

Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent. Guide d’éveil spirituel (original anglais 1999), Ariane Editions Inc., 2000, p.67-68.

Le sens ésotérique de l’attente.
Dans un certain sens, l’état de présence peut se comparer à l’attente. Jésus a eu recours à cette métaphore de l’attente dans quelques-unes de ses paraboles. Il ne s’agit pas de la sorte d’attente ennuyeuse ou agitée dont j’ai parlé plus tôt et qui est une négation du présent. Il ne s’agit pas non plus de l’attente où l’attention est fixée sur un point dans le futur et où le présent est perçu comme un obstacle indésirable qui vous empêche d’obtenir ce que vous voulez. Il existe une autre sorte d’attente dont la qualité est très différente et qui exige de votre part une vigilance totale. Quelque chose pourrait se manifester à n’importe quel moment, et si vous n’êtes pas totalement éveillé, totalement immobile, vous passerez à côté. C’est de cette sorte d’attente dont Jésus parle. Dans cet état, toute votre attention se trouve dans le présent. Il n’en reste rien pour rêvasser, penser, se souvenir et anticiper l’avenir. Il n’y a là aucune tension ni aucune peur : seulement une présence vigilante. Vous êtes présent à tout votre être, à chaque cellule de votre corps. Dans cet état, le « vous » qui a un passé et un futur, la personnalité si vous voulez, n’est quasiment plus là. Et pourtant, rien de significatif n’est perdu. Vous êtes encore essentiellement vous-même. En fait, vous êtes plus totalement vous-même que vous ne l’avez jamais été, ou plutôt ce n’est que dans le « maintenant » que vous êtes véritablement vous-même.
« Soyez comme le serviteur qui attend le retour de son maître », dit Jésus. Le serviteur n’a aucune idée de l’heure à laquelle son maître viendra. C’est pour cela qu’il reste éveillé, vigilant, prêt, tranquille, sinon il ratera l’arrivée de son maître. Dans une autre parabole, Jésus parle de cinq femmes étourdies (inconscientes) qui n’ont pas assez d’huile (conscience) pour faire brûler leur lampe (rester présentes) et qui manquent ainsi le marié (le présent) et ne réussissent pas à se rendre au banquet de noces (l’illumination). Ces cinq femmes étourdies font pendant aux cinq femmes sages qui ont assez d’huile (qui restent conscientes).
Même les hommes qui ont rédigé les Évangiles ne comprenaient pas le sens de ces paraboles. C’est ainsi que les premières fausses interprétations et des distorsions se sont insinuées dans les Ecritures. Avec, ultérieurement, d’autres fausses interprétations, le véritable sens des paraboles s’est complètement perdu. Ces paraboles ne traitent pas de la fin du monde mais de la fin du temps psychologique. Elles font référence à la transcendance de l’ego et à l’idée qu’il est possible de vivre dans un état de conscience entièrement nouveau.

Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent. Guide d’éveil spirituel (original anglais 1999), Ariane Editions Inc., 2000, p.110-112.

D’accord, mais cela semble sous-entendre que l’Etre, cette ultime réalité transcendantale, n’est pas encore achevé, qu’il est soumis à un processus de croissance. Le divin a-t-il besoin de temps pour sa croissance personnelle ?
Oui, mais seulement si on considère les choses sous l’angle de l’univers manifesté. Dans la Bible, Dieu déclare : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Premier est le Dernier, le Principe et la Fin. » Dans le royaume intemporel où règne Dieu, royaume qui est également votre prérogative, le début et la fin, l’alpha et l’oméga ne font qu’un et l’essence de tout ce qui a été et sera est éternellement présente sous une forme non manifestée d’unicité et de perfection. Cette essence est absolument hors de portée de l’imagination ou de la compréhension mentale chez l’humain.
[…]
Tout ce qui existe a un Etre en soi, une essence divine, un certain degré de conscience. Même une pierre a une conscience rudimentaire, sinon elle n’existerait pas, et ses atomes et ses molécules se disperseraient. Tout est vivant. Le Soleil, la Terre, les plantes, les animaux, les humains sont tous des expressions de la conscience à divers degrés, de la conscience qui se manifeste sous une forme.

Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent. Guide d’éveil spirituel (original anglais 1999), Ariane Editions Inc., 2000, p.114-115.

Le Christ, réalité de votre présence divine.
Ne restez pas accroché au mot. Vous pouvez remplacer « Christ » par « présence » si cela a plus de sens pour vous. Ce Christ est votre essence divine ou votre moi, ainsi qu’on l’appelle parfois en Orient. La seule différence entre le Christ et la présence, c’est que celui-ci fait référence à la divinité qui vous habite indépendamment du fait que vous en soyez conscient ou pas, alors que la présence renvoie à la divinité conscientisée, éveillée.

Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent. Guide d’éveil spirituel (original anglais 1999), Ariane Editions Inc., 2000, p.120.

Maintenant que nous avons fait connaissance avec notre intuition, intéressons-nous quelques instants à la pratique du zazen (méditation assise), que les bouddhistes affectionnent.
Pourquoi cette posture, en particulier, faciliterait-elle l’éveil ? Mais, avant cela, qu’est-ce donc que l’éveil ?
Pour beaucoup de personnes, ce n’est qu’un concept très vague. Il s’agit en fait de la libération de l’esprit de toutes les passions qui l’alourdissent (envie, soucis…).
La source de l’anxiété est le cerveau. La pratique de la méditation assise permet de s’en détacher et de faire redescendre sa conscience vers notre centre de gravité.
En d’autres termes, le zazen est un moyen de se reconnecter avec son moi originel, avec l’être vivant que nous sommes.
Tant que notre cerveau se développait, au fil de l’évolution, nous nous sommes petit à petit enfermés dans notre tête, croyant que toute notre personnalité y résidait. Dans le vocabulaire bouddhique, on désigne cet état par le mot avidya (‘ignorance’). A trop nous focaliser sur nos pensées, nous oublions que nous sommes avant tout des corps vivants. Ne pas inclure notre corps dans notre rapport à la vie conduit à ignorer tout un pan de la réalité qui nous entoure.
Avez-vous déjà ressenti cette impression de vivre, mais de ne pas vous sentir exister ? Si oui, votre conscience est certainement emprisonnée à l’intérieur de votre cerveau, au stade de l’ignorance. Prendre conscience de cet état est le premier pas pour s’en affranchir. Ensuite, il faut tenter de faire revenir notre conscience dans toutes les parties de notre corps. C’est là le but du zazen: réussir à aligner le corps et l’esprit. En s’entraînant, il est possible de rouvrir les voies de l’intuition et d’accéder à l’éveil spirituel.
Faire ‘redescendre’ sa conscience permet de se recentrer non seulement sur notre coccyx, mais aussi sur nos entrailles, qui gèrent nos émotions, ainsi que sur nos organes sexuels, qui sont à la source de nos instincts. Il s’agit de renouer des liens profonds avec la vie.
Tout comme, si l’on en croit les récits, Bouddha et Jésus auraient eu à combattre le mal, nous autres mortels devons nous mesurer à nos pulsions, à nos passions et à nos émotions afin d’unifier et d’harmoniser l’ensemble de notre corps: c’est là notre plus grand défi.
Note Gilles Bourquin: Ce livre contient des passages exagérément critiques vis-à-vis du cerveau (par exemple, p. 144: « Le cerveau est comme une cage qui cherche à emprisonner notre conscience »).

Takanori naganuma (Ecrivain scientifique japonais), Prendre soin de son intestin. La méthode japonaise pour être en bonne santé et renouer avec ses émotions (2011), Poket, 2016, Paragraphe « Prendre conscience de soi », p.140-142.


Expressions évangéliques

25 « Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? 26 Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent point dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? 27 Et qui d’entre vous peut, par son inquiétude, prolonger tant soit peu son existence ? 28 Et du vêtement, pourquoi vous inquiéter ? Observez les lis des champs, comme ils croissent : ils ne peinent ni ne filent29 et je vous le dis, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a jamais été vêtu comme l’un d’eux ! 30 Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi ! 31 Ne vous inquiétez donc pas, en disant : “Qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? de quoi allons-nous nous vêtir ?” 32 – tout cela, les païens le recherchent sans répit –, il sait bien, votre Père céleste, que vous avez besoin de toutes ces choses. 33 Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît34 Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain : le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

Evangile de Matthieu 6,25-34 – Les soucis

42 Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur va venir. 43 Vous le savez : si le maître de maison connaissait l’heure de la nuit à laquelle le voleur va venir, il veillerait et ne laisserait pas percer le mur de sa maison. 44 Voilà pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ignorez que le Fils de l’homme va venir.
45 « Quel est donc le serviteur fidèle et avisé que le maître a établi sur les gens de sa maison pour leur donner la nourriture en temps voulu ? 46 Heureux ce serviteur que son maître en arrivant trouvera en train de faire ce travail47 En vérité, je vous le déclare, il l’établira sur tous ses biens. 48 Mais si ce mauvais serviteur se dit en son cœur : “Mon maître tarde”, 49 et qu’il se mette à battre ses compagnons de service, qu’il mange et boive avec les ivrognes, 50 le maître de ce serviteur arrivera au jour qu’il n’attend pas et à l’heure qu’il ne sait pas ; 51 il le chassera et lui fera partager le sort des hypocrites : là seront les pleurs et les grincements de dents.

Evangile de Matthieu 24,42-51 – Nul n’en connaît le jour: Veillez ! – Le serviteur fidèle

1 Alors le règne des cieux sera comme ces dix vierges qui avaient pris leurs lampes pour aller au-devant du marié. 2 Cinq d’entre elles étaient folles, et les cinq autres étaient avisées. 3 Les folles, en prenant leur lampe, n’avaient pas pris d’huile avec elles ; 4 mais celles qui étaient avisées avaient pris, avec leur lampe, de l’huile dans un récipient. 5 Comme le marié tardait, toutes s’assoupirent et s’endormirent6 Au milieu de la nuit, il y eut un cri : « Voici le marié, sortez à sa rencontre ! » 7 Alors toutes ces vierges se réveillèrent et préparèrent leurs lampes. 8 Les folles dirent à celles qui étaient avisées : « Donnez-nous de votre huile, nos lampes s’éteignent ! » 9 Celles qui étaient avisées répondirent : « Il n’y en aurait jamais assez pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en acheter chez ceux qui en vendent ! » 10 Pendant qu’elles allaient en acheter, le marié arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. 11 Plus tard, les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! » 12 Mais il répondit : « Amen, je vous le dis, je ne vous connais pas. » 13 Veillez donc, puisque vous ne connaissez ni le jour, ni l’heure.

Evangile de Matthieu 25,1-13 – La parabole des dix vierges

31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, accompagné de tous les anges, alors il siégera sur son trône de gloire.  32 Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres. 33 Il placera les brebis à sa droite et les chèvres à sa gauche. 34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. 35 Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; 36 nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi.” 37 Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ? 38 Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir, nu et de te vêtir ? 39 Quand nous est-il arrivé de te voir malade ou en prison, et de venir à toi ?” 40 Et le roi leur répondra : “En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait !” 

Evangile de matthieu 25,31-40 – Le jugement

31 Puis il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. 32 Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander. 33 Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : « Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
34 Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive35 En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera36 Et quel avantage l’homme a-t-il à gagner le monde entier, s’il le paie de sa vie ? 37 Que pourrait donner l’homme qui ait la valeur de sa vie ? 38 Car si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. »

Evangile de Marc 8,31-38 – Comment il faut suivre Jésus

28 Un scribe s’avança. Il les avait entendus discuter et voyait que Jésus leur avait bien répondu. Il lui demanda : « Quel est le premier de tous les commandements ? » 29 Jésus répondit : « Le premier, c’est : Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ; 30 tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force31 Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. » 32 Le scribe lui dit : « Très bien, Maître, tu as dit vrai : Il est unique et il n’y en a pas d’autre que lui33 et l’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices. » 34 Jésus, voyant qu’il avait répondu avec sagesse, lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger.

Evangile de marc 12,28-34 – Le premier commandement

11 « Et voici ce que signifie la parabole : la semence, c’est la parole de Dieu. 12 Ceux qui sont au bord du chemin, ce sont ceux qui entendent, puis vient le diable et il enlève la parole de leur cœur, de peur qu’ils ne croient et ne soient sauvés. 13 Ceux qui sont sur la pierre, ce sont ceux qui accueillent la parole avec joie lorsqu’ils l’entendent ; mais ils n’ont pas de racines : pendant un moment ils croient, mais au moment de la tentation ils abandonnent. 14 Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui entendent et qui, du fait des soucis, des richesses et des plaisirs de la vie, sont étouffés en cours de route et n’arrivent pas à maturité15 Ce qui est dans la bonne terre, ce sont ceux qui entendent la parole dans un cœur loyal et bon, qui la retiennent et portent du fruit à force de persévérance.

Evangile de Luc 8,11-15 – Explication de la parabole de la semence

57 Comme ils étaient en route, quelqu’un dit à Jésus en chemin : « Je te suivrai partout où tu iras. » 58 Jésus lui dit : « Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où poser la tête. »
59 Il dit à un autre : « Suis-moi. » Celui-ci répondit : « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » 60 Mais Jésus lui dit : « Laisse les morts enterrer leurs morts, mais toi, va annoncer le Règne de Dieu. »
61 Un autre encore lui dit : « Je vais te suivre, Seigneur ; mais d’abord permets-moi de faire mes adieux à ceux de ma maison. » 62 Jésus lui dit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le Royaume de Dieu. »

Evangile de luc 9,57-62 – Comment suivre jésus

34 « La lampe de ton corps, c’est l’œil. Quand ton œil est sain, ton corps tout entier est aussi dans la lumière ; mais si ton œil est malade, ton corps aussi est dans les ténèbres. 35 Examine donc si la lumière qui est en toi n’est pas ténèbres36 Si donc ton corps est tout entier dans la lumière, sans aucune part de ténèbres, il sera dans la lumière tout entier comme lorsque la lampe t’illumine de son éclat. »

Evangile de Luc 11,34-36 – La lumière de la foi

17 Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire. 18 J’estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : 20 livrée au pouvoir du néant – non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée –, elle garde l’espérance, 21 car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.

Epître de Paul aux Romains 8,17-21 – La gloire à venir

42 Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, on ressuscite incorruptible 43 semé méprisable, on ressuscite dans la gloire ; semé dans la faiblesse, on ressuscite plein de force ; 44 semé corps animal, on ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. 45 C’est ainsi qu’il est écrit : le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie46 Mais ce qui est premier, c’est l’être animal, ce n’est pas l’être spirituel ; il vient ensuite. 47 Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel. 48 Tel a été l’homme terrestre, tels sont aussi les terrestres, et tel est l’homme céleste, tels seront les célestes. 49 Et de même que nous avons été à l’image de l’homme terrestre, nous serons aussi à l’image de l’homme céleste. 50 Voici ce que j’affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l’incorruptibilité.

Première épître de Paul aux Corinthiens 15,42-50 – Le corps des ressuscités

5 Celui qui était assis sur le trône dit : De tout je fais du nouveau. Et il dit : Ecris, car ces paroles sont certaines et vraies. 6 Il me dit : C’est fait ! C’est moi qui suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement. 7 Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils. 

Apocalypse 21,5-7 – Un ciel nouveau et une terre nouvelle

3 réflexions sur « Christianisme et bouddhisme : Des semblables que tout oppose »

  1. Bonjour,

    Sauf erreur, je crois que je n’ai croisé le terme de « métaphysique » qu’une seule fois à la lecture de cette époustouflante synthèse, où, je l’avoue, je me suis senti souvent complètement noyé…

    Voici cependant entre parenthèses quelques propos qui m’ont interpellé : (« le bouddhisme, contrairement au christianisme, est fondamentalement un athéisme »), (« Le bonheur ? Ce serait d’avoir ce qu’on désire. Mais comment, si le désir est manque ? » ) (« Selon le bouddhisme (…) le vrai est un au-delà insaisissable ») ( « Selon le christianisme, le Dieu personnel représente l’être et la vérité ultime »).

    Ils me permettent en effet d’exprimer une ébauche de point de vue  Ainsi, il m’arrive parfois de discuter avec un ami baptisé catholique mais devenu complètement athée et à qui un propos « métaphysique » ne parle absolument pas. Je me dis à chaque fois : quel dommage, mais je ne sais pas comment contourner le problème.

    Avec un bouddhiste, je ne sais pas ce que donnerait un dialogue concernant le désir, puisque pour lui le désir est source de souffrance ; alors qu’il est source de vie pour la psychanalyse et, à mon avis, il en est de même pour le judaïsme et le christianisme (Françoise Dolto ne me démentirait sans doute pas).

    Concernant la notion de Dieu personnel, qui est partagée par les trois religions dites abrahamiques, cela paraît plus simple a priori, mais je reconnais qu’ il me sera difficile de partager l’essentiel de ma foi avec quelqu’un qui croit en un Dieu personnel, mais qui me dit qu’il « est possible » que ce Dieu abolisse parfois de son propre fait les lois de la physique qu’il a lui-même crées, etc… (je pense évidemment à l’interprétation littérale des « miracles » qui émaillent les textes bibliques de l’AT comme du NT).

    En fin de compte, comment trancher, et pourquoi trancher ? Ne peut-on pas conclure qu’il y a au moins trois modes de penser, tout aussi respectables et argumentés les uns que les autres : 1-La vision dite athée (certes, ce mot est aujourd’hui peut-être trop connoté et il faudrait presque en trouver un autre),
    2- La vision qui assume qu’à la base de tout il y a un Principe impersonnel ,
    3- La vision qui prône la confiance en un Dieu personnel (certes, avec des nuances, parfois très importantes, comme celle entre un Dieu personnel qui s’est incarné ou qui, au contraire, échappe à toute incarnation…)

    Si j’essaie de me résumer  concernant ces trois « visions », il est remarquable qu’elles peuvent toutes les trois être le fait d’un astrophysicien parfaitement compétent : il y a en effet bien entendu des astrophysiciens athées, d’autres qui croient en un Dieu personnel, et d’autres encore qui sont convaincus que l’univers est le fait d’un Principe impersonnel (je pense en particulier à l’astrophysicien vietnamien Trinh Xuan Thuan).

    Je ne sais pas quel était le point de vue de Hubert Reeves, qui vient de mourir, mais se poser simplement la question prouve, à mon sens, qu’elle reste largement ouverte…

    Encore merci à vous pour cette puissante réflexion,

    Wilfred Helmlinger

  2. Merci Monsieur Helmlinger, j’ai modifié l’une ou l’autre des expressions de mon texte que vous citez. Votre idée qu’il y a « au moins trois modes de penser » ne fait pas partie de mon article, c’est une réflexion plus large que vous proposez au sujet de toutes les conceptions du monde « métaphysiques » ou « religieuses ». Elle est séduisante par sa simplicité (athéisme / Principe impersonnel / Dieu personnel). On pourrait peut-être ajouter le polythéisme, ou d’autres conceptions ?
    Bien cordialement. Gilles B.

  3. Merci pour votre retour.

    Je précise juste que ma conception des modes de pensée le monde que j’avais émise en comptait initialement quatre (car je distinguais la foi en un Dieu personnel unique et la foi dite trinitaire , distinction à laquelle j’ai renoncé ensuite parce que je la trouvais un peu artificielle). Quant au polythéisme, bien sûr j’y avais pensé, mais, même si je ne me sens nullement compétent pour l’affirmer, il me semblait néanmoins que le polythéisme, et même peut-être même l’animisme, ressemblent souvent à une sorte de décor ou de décorum pour un principe unique sous-jacent (comme Brahma dans l’hindouisme, par exemple)…

    Encore un mot concernant la foi trinitaire chrétienne. Elle n’est pas évidente, loin de là (et comme disait Prévert, que je cite de mémoire, « la théologie c’est simple comme Dieu et Dieu font trois »), mais si l’on accepte qu’elle est une construction, comme l’amour est une construction, et que ce n’est donc pas « cuit » d’avance, on peut peut-être y accéder avec moins de « crainte et tremblement »….J’aime bien cette formule d’Eric Fuchs : « Tout est donné, Tout est à faire, Voilà le paradoxe au centre de la réflexion chrétienne en matière d’éthique »…
    Bien cordialement,
    Wilfred H.

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