Prédication : Guérison et sainteté sont deux aspects indissociables du salut chrétien

Première épître aux Corinthiens 1,1-9 – Salutation et action de grâce

1Paul, appelé à être apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et Sosthène le frère,
2à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui invoquent en tout lieu le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre ;
3à vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
4Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus.
5Car vous avez été, en lui, comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la connaissance.
6C’est que le témoignage rendu au Christ s’est affermi en vous,
7si bien qu’il ne vous manque aucun don de la grâce, à vous qui attendez la révélation de notre Seigneur Jésus Christ.
8C’est lui aussi qui vous affermira jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus Christ.
9Il est fidèle, le Dieu qui vous a appelés à la communion avec son Fils Jésus Christ, notre Seigneur.

Evangile de Matthieu 4,12-25 – Jésus en Galilée : Appel des disciples et renommée

12Ayant appris que Jean avait été livré, Jésus se retira en Galilée.
13Puis, abandonnant Nazara, il vint habiter à Capharnaüm, au bord de la mer, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali,
14pour que s’accomplisse ce qu’avait dit le prophète Esaïe :
15Terre de Zabulon, terre de Nephtali,
route de la mer, pays au-delà du Jourdain,
Galilée des Nations !
16Le peuple qui se trouvait dans les ténèbres
a vu une grande lumière ;
pour ceux qui se trouvaient dans le sombre pays de la mort,
une lumière s’est levée.
17A partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché. »
18Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre et André, son frère, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs.
19Il leur dit : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
20Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent.
21Avançant encore, il vit deux autres frères : Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, dans leur barque, avec Zébédée leur père, en train d’arranger leurs filets. Il les appela.
22Laissant aussitôt leur barque et leur père, ils le suivirent.
23Puis, parcourant toute la Galilée, il enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Règne et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple.
24Sa renommée gagna toute la Syrie, et on lui amena tous ceux qui souffraient, en proie à toutes sortes de maladies et de tourments : démoniaques, lunatiques, paralysés ; il les guérit.
25Et de grandes foules le suivirent, venues de la Galilée et de la Décapole, de Jérusalem et de la Judée, et d’au-delà du Jourdain.

Prédication du 19 janvier 2019 à Vauffelin, dans le Jura Bernois, en Suisse

Les deux textes du Nouveau Testament que nous avons lus aujourd’hui ont un point commun et une immense différence. En commun, ils sont situés l’un au début de l’Evangile de Matthieu, l’autre dans la salutation initiale de la première épître de Paul aux Corinthiens. Nous avons donc de bonnes raisons de penser qu’il s’agit de deux textes « initiatiques », qui dessinent les grandes lignes du message de l’Evangile, tel que l’évangéliste Matthieu et tel que l’apôtre Paul les décrivent.

Semblables par leur situation, ces deux textes diffèrent par contre complètement par le vocabulaire avec lequel sont exprimées les vérités essentielles de l’Evangile.

L’apôtre Paul s’adresse à ceux qui ont reçu « la grâce de Dieu […] dans le Christ Jésus ». L’élément qui déclenche la foi est « la révélation de notre Seigneur Jésus-Christ », qui entraine une cascade de conséquences qui donnent forme à la vie chrétienne. Tout d’abord, en Christ, les croyants ont été « comblés de toutes les richesses » spirituelles, ce qui a fait d’eux « des sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints ». L’apôtre termine sa salutation en affirmant que le Christ les « affermira jusqu’à la fin », pour qu’ils soient « irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus-Christ ». En d’autres termes, Paul reconnait que les croyants ne sont pas encore irréprochables, mais qu’ils peuvent « s’affermir » dans la foi en s’aidant de l’Esprit du Christ qui leur est donné.

Dans ces quelques lignes d’introduction de sa lettre, Paul décrit la vie chrétienne comme un processus dynamique, qui n’a rien d’ennuyeux. L’impulsion initiale qui produit la foi est la grâce de Dieu : elle ne confère pas seulement le pardon des péchés, mais aussi toutes les richesses nécessaires à mener à bien le projet de la vie chrétienne. Ces divers dons de Dieu produisent ce que Paul appelle la « sanctification », un terme savant qui désigne le processus qui conduit les croyants à être saints et irréprochables devant Dieu.

Cette présentation de la vie chrétienne nous place face à un paradoxe. D’une part, ce continuel effort de perfectionnement moral risque de rendre la foi austère et oppressante. Devenir saint et ne plus commettre de péchés apparaît comme une entreprise tout aussi impossible que prétentieuse, qui va pour finir nous décevoir et nous désillusionner. D’autre part, il nous semble évident que sans un travail sur nous-mêmes visant à rendre notre comportement plus agréable et juste avec les autres, nous ne parvenons pas à progresser dans nos relations familiales et dans nos relations communautaires.

Les crises de couple conduisent à la séparation et au divorce, et parfois à des vies brisées, tandis que les conflits d’Eglise, liés aux susceptibilités, aux jalousies et aux désaccords, empoisonnent la vie paroissiale et divisent parfois profondément les communautés. Le travail sur soi des croyants vise donc à éviter ces catastrophes familiales et ecclésiastiques.

Nous pouvons conclure de notre étude du texte de Paul qu’il nous place devant une question sans réponse : Comment mener à bien ce perfectionnement moral des croyants ?

Heureusement, la présentation de la vie chrétienne dans l’Evangile de Matthieu nous offre une alternative à celle de Paul, qui nous permet de mieux équilibrer notre vision de ce que Dieu attends de nous. Dans le texte de l’Evangile de Matthieu, il n’est question ni de grâce, ni de péché, ni de sanctification. Ces mots apparaissent ailleurs dans les Evangiles, mais n’ont pas la même importance que chez Paul. Le début de l’Evangile de Matthieu parle de conversion, mais il insiste surtout sur le pouvoir guérisseur de Jésus.

L’élément qui déclenche la foi est « une grande lumière » divine, qui apparaît au travers du Christ « dans le sombre pays de la mort ». Le vocabulaire qui décrit ce malheureux pays n’est pas celui du péché mais celui de la santé. Ici se situe toute la différence. Jésus « guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple », « tous ceux qui souffraient, en proie à toutes sortes de maladies et de tourments : démoniaques, lunatiques, paralysés ».

Parler du péché et de la sainteté conduit à parler du jugement, tandis que parler de la maladie et de la souffrance conduit à parler de la compassion. Dans les Evangiles, Jésus n’est pas présenté avant tout comme un saint, un parfait, encore moins comme un moraliste qui enseigne les bonnes manières, mais plutôt comme un guérisseur, comme un soignant des gens dont la vie est malmenée et blessée par des problèmes de toutes sortes.

Ici se situe la clef de voute de ce que j’essaye de vous communiquer aujourd’hui : Ce n’est pas un effort moral surhumain qui va nous permettre de dépasser nos imperfections. Nous savons tous que l’attitude volontariste de celles et ceux qui essayent d’être meilleurs que les autres finit le plus souvent dans la désillusion. Selon le message du Christ, ce qui va nous aider à surpasser notre côté sombre (le péché), c’est la guérison de nos troubles et de nos blessures, qui s’opère au contact du Christ compatissant et guérisseur de la foi.

L’Evangile nous apprend que le pécheur coupable est avant tout un malmené de la vie, un être blessé qui réagit de façon impulsive au mal qu’on lui a fait. Celui qui a été oublié ou laissé de côté aura tendance à se renfermer sur lui-même, celui qui a été violenté risquera d’être violent à son tour. C’est ainsi que fonctionne notre psychisme.

La conversion chrétienne tente de renverser ce cercle vicieux. Au début de l’Evangile de Matthieu, Jésus appelle les foules : « Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché ». Il s’agit donc de renverser la dynamique du mal qui entraine le mal, en s’inscrivant dans la dynamique du Règne des cieux, qui est selon Jésus une puissance guérissante : le bien qui entraine le bien et qui nous arrache à nos dépendances affectives.

En d’autres termes, selon Jésus, on accède à plus de sainteté par plus de guérison, et non pas au travers d’efforts surhumains. Ici se situe la clef. Si vous voulez que vos enfants se comportent bien, ne leur donnez pas des ordres, mais transmettez-leur de l’amour et le sens d’une vie équilibrée, et vous verrez que cela améliorera leur comportement.

Et pour les blessés de la vie auxquels Jésus consacre une bonne partie de son temps, comment se passe cette guérison ? Je suis bien mal pris pour l’expliquer. Je dirais qu’une part importante de cette guérison se produit au travers du développement d’une intimité avec Dieu au travers de la foi. C’est à la fois la fidélité, la persévérance dans la foi, la confiance en Dieu, la lecture de la Bible, la prière intime et l’accompagnement spirituel, c’est-à-dire le courage de se faire aider, qui parviennent parfois à guérir une vie blessée, à mieux équilibrer une démarche boiteuse, à reconstruire la confiance qui a été brisée.

Je résume donc ainsi mon message au maximum : sainteté et guérison sont une seule et même chose. On ne peut pas les séparer. La morale ne sert à rien si elle ne s’accompagne pas de compassion envers les personnes blessées par la vie. A mon sens, c’est un des points névralgiques de l’Evangile, qui n’est pas une morale mais un chemin spirituel. Dans le livre de l’Apocalypse, il est dit qu’au ciel, « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux », « la mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance » (Apoc. 21,4). En d’autres termes, cela signifie que le processus de guérison sera terminé et que le salut de l’humanité, encore en processus aujourd’hui, sera complètement réalisé. Amen.

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