Prédication : De l’ancien temple à l’intimité de Noël

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Deuxième livre de Samuel 7,1-13 – La prophétie de Natan à propos du temple

1 Or, lorsque le roi fut installé dans sa maison, et que le SEIGNEUR lui eut accordé le repos alentour face à tous ses ennemis, 2 le roi dit au prophète Natan : « Tu vois, je suis installé dans une maison de cèdre, tandis que l’arche de Dieu est installée au milieu d’une tente de toile. » 3 Natan dit au roi : « Tout ce que tu as l’intention de faire, va le faire, car le SEIGNEUR est avec toi. » 

4 Or, cette nuit-là, la parole du SEIGNEUR fut adressée à Natan en ces termes : 5 « Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le SEIGNEUR : Est-ce toi qui me bâtiras une Maison pour que je m’y installe ? 6 Car je ne me suis pas installé dans une maison depuis le jour où j’ai fait monter d’Egypte les fils d’Israël et jusqu’à ce jour : je cheminais sous une tente et à l’abri d’une demeure. 7 Pendant tout le temps où j’ai cheminé avec tous les fils d’Israël, ai-je adressé un seul mot à une des tribus d’Israël que j’avais établies en paissant Israël mon peuple, pour dire : “Pourquoi ne m’avez-vous pas bâti une Maison de cèdre ?” 

8 Maintenant donc, tu parleras ainsi à mon serviteur David : Ainsi parle le SEIGNEUR de l’univers : C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu deviennes le chef d’Israël, mon peuple. 9 J’ai été avec toi partout où tu es allé : j’ai abattu tous tes ennemis devant toi. Je t’ai fait un nom aussi grand que le nom des grands de la terre. 

10 Je fixerai un lieu à Israël, mon peuple, je l’implanterai et il demeurera à sa place. Il ne tremblera plus, et des criminels ne recommenceront plus à l’opprimer comme jadis 11 et comme depuis le jour où j’ai établi des juges sur Israël, mon peuple. Je t’ai accordé le repos face à tous tes ennemis. Et le SEIGNEUR t’annonce que le SEIGNEUR te fera une maison. 12 Lorsque tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta descendance après toi, celui qui sera issu de toi-même, et j’établirai fermement sa royauté. 13 C’est lui qui bâtira une Maison pour mon Nom, et j’établirai à jamais son trône royal.

Evangile de Matthieu 1,18-25 – L’annonce à Joseph

18 Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint. 19 Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement. 20 Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, 21 et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » 22 Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : 23 Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ». 24 A son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, 25 mais il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.

Textes bibliques complémentaires cités dans la prédication

Premier livre des Chroniques 28,1-10 – Salomon, bâtisseur du temple

1 David rassembla à Jérusalem tous les chefs d’Israël, ceux des tribus et ceux des divisions qui servaient le roi, les chefs de millier et de centaine et ceux de tous les biens et troupeaux qui appartenaient au roi et à ses fils, avec les eunuques, les braves et tous les hommes de valeur. 2 Le roi David, se mettant debout, leur dit : « Ecoutez-moi, mes frères et mon peuple. J’ai eu à cœur de bâtir une Maison où reposeraient l’arche de l’alliance du SEIGNEUR et le marchepied de notre Dieu, et j’ai fait des préparatifs pour la bâtir. 3 Mais Dieu m’a dit : “Tu ne bâtiras pas une Maison pour mon nom, car tu es un homme de guerre et tu as répandu le sang.” 4 Le SEIGNEUR, Dieu d’Israël, m’a choisi, dans toute ma famille, pour être roi sur Israël à toujours, car il a choisi comme guide Juda et, dans la maison de Juda, la maison de mon père et, parmi les fils de mon père, il lui a plu de me faire régner sur tout Israël. 5 Parmi tous mes fils – car le SEIGNEUR m’a donné de nombreux fils – il a choisi mon fils Salomon pour siéger sur le trône de la royauté du SEIGNEUR sur Israël. 6 Puis il m’a dit : “C’est ton fils Salomon qui bâtira ma Maison et mes parvis, car je l’ai choisi comme fils et moi, je serai pour lui un père. 7 J’ai préparé sa royauté pour toujours si, comme aujourd’hui, il reste ferme dans la pratique de mes commandements et de mes ordonnances.” 8 Et maintenant, aux yeux de tout Israël, de l’assemblée du SEIGNEUR et en présence de notre Dieu : observez et scrutez tous les commandements du SEIGNEUR votre Dieu, afin que vous preniez possession de ce bon pays et que vous le laissiez comme patrimoine à vos fils après vous, pour toujours. 9 Et toi, mon fils Salomon, connais le Dieu de ton père, et sers-le d’un cœur intègre et d’une âme empressée, car le SEIGNEUR sonde tous les cœurs et discerne toute forme de pensée. Si tu le cherches, il se laissera trouver par toi, mais si tu l’abandonnes, il te rejettera pour toujours. 10 Regarde maintenant : le SEIGNEUR t’a choisi pour bâtir une Maison comme sanctuaire ; sois ferme et agis ! »

Evangile de Jean 4,20-26 – Adorer en esprit et en vérité

20 Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous affirmez qu’à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer. » 21 Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. 24 Dieu est esprit et c’est pourquoi ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et en vérité. » 25 La femme lui dit : « Je sais qu’un Messie doit venir – celui qu’on appelle Christ. Lorsqu’il viendra, il nous annoncera toutes choses. » 26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »

Actes des Apôtres 7,44-50 – Discours d’Etienne – Les demeures du très-haut

44 « Nos pères au désert avaient la tente du témoignage : celui qui parlait à Moïse lui avait prescrit de la faire selon le modèle qu’il avait vu. 45 Nos pères, l’ayant reçue, l’introduisirent, sous la conduite de Josué, dans le pays conquis sur les nations que Dieu chassa devant eux ; elle y fut jusqu’aux jours de David. 46 Celui-ci trouva grâce devant Dieu et demanda la faveur de disposer d’une résidence pour le Dieu de Jacob. 47 Mais ce fut Salomon qui lui bâtit une maison. 48 Et pourtant le Très-Haut n’habite pas des demeures construites par la main des hommes. Comme dit le prophète :

49 Le ciel est mon trône et la terre un escabeau sous mes pieds. Quelle maison allez-vous me bâtir, dit le Seigneur, et quel sera le lieu de mon repos ? 50 N’est-ce pas ma main qui a créé toutes ces choses ?

Actes des apôtres 17,24-29 – Discours de Paul à Athènes – La transcendance du dieu créateur

24 Le Dieu qui a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas des temples construits par la main des hommes 25 et son service non plus ne demande pas de mains humaines, comme s’il avait besoin de quelque chose, lui qui donne à tous la vie et le souffle, et tout le reste. 26 « A partir d’un seul il a créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre, il a défini des temps fixes et tracé les limites de l’habitat des hommes : 27 c’était pour qu’ils cherchent Dieu ; peut-être pourraient-ils le découvrir en tâtonnant, lui qui, en réalité, n’est pas loin de chacun de nous. 28 « Car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être, comme l’ont dit certains de vos poètes : “Car nous sommes de sa race.” 29 « Alors, puisque nous sommes la race de Dieu, nous ne devons pas penser que la divinité ressemble à de l’or, de l’argent, ou du marbre, sculpture de l’art et de l’imagination de l’homme. 

Première épître de Paul aux Corinthiens 3,16-17 – Vous êtes le temple de Dieu

16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? 17 Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous.

Prédication de la nuit de Noël, le samedi 24 décembre 2022 à 23h00 à Orvin, dans le jura bernois

Joseph, étrulé en découvrant son épouse enceinte, reçoit la visite de l’ange qui l’éclaire au sujet de la stature et du rôle de l’enfant qui doit naître : « elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,21). L’Evangile demande plus loin à ce que ce fils soit nommé Emmanuel, selon la prophétie d’Esaïe, ce qui se traduit par « Dieu avec nous » (Mt 1,22-23 ; Es 7,14). D’emblée, est ainsi soulignée l’importance tout-à-fait exceptionnelle du nouveau-né attendu : Il sera non seulement le sauveur national du peuple juif, mais aussi « Dieu avec nous », à la face de l’humanité entière, en tous lieux et tous temps. Une destinée internationale prestigieuse !

Or, ce qui frappe, en contraste total avec ce qui vient d’être dit, c’est le caractère intime, familial, bucolique et même isolé, de la scène de Noël. Les événements décrits dans les Evangiles de Matthieu et Luc se déroulent à toute petite échelle : Jésus naît dans une étable, entouré de ses parents, d’une poignée de bergers et de quelques sages d’Orient. La seule communication politique de la nouvelle tourne au désastre, par suite de la maladresse des mages, qui s’adressent à la cour du roi Hérode, un tyran sanguinaire (Mt 2,1ss).

Avec Noël, nous avons donc affaire à un télescopage des petites et grandes échelles, à un croisement de la sphère privée et publique, de l’intimité familiale et des révolutions mondiales. L’effet est parfaitement réussi, et il crée le succès millénaire de Noël, dont le message pourrait être le suivant : Compte pour Dieu non seulement ce qui se vit à l’échelle des congrès politiques et des nations, mais plus en profondeur, ce qui se trame dans l’intimité du vécu de chacune et chacun de nous. Pour Dieu, il n’y a pas de hiérarchie !

Ce refus de privilégier les hautes sphères économiques et politiques, au profit d’une pleine valeur accordée à la vie de tous les gens du peuple, marque l’épisode de la crèche, qui représente le dernier acte et le dénouement final d’une longue série de questionnements, dans l’Ancien Testament, au sujet de la manière dont Dieu doit habiter parmi des hommes.

Un des textes essentiels où ce débat a lieu télescope également l’intime et le politique, en présentant les scrupules que le roi David, fraichement installé dans son palais à Jérusalem, exprime à son conseiller, le prophète Natan : « Tu vois, je suis installé dans une maison de cèdre, tandis que l’arche de Dieu est installée au milieu d’une tente de toile » (2 Sam 7,2). Spontanément, Natan approuve le souci de David d’honorer Dieu en lui construisant un somptueux temple à Jérusalem, à l’image de sa propre demeure (2 Sam 7,3) ; mais la nuit suivante, Natan est saisit par une véhémente protestation de Dieu à propos de ce projet de David. Le Seigneur dément radicalement avoir une seule fois demandé un temple fixe : « Pendant tout le temps où j’ai cheminé avec les fils d’Israël, ais-je adressé un seul mot […] pour dire : ‘Pourquoi ne m’avez-vous pas bâti une maison de cèdre ?’ » (2 Sam 7,6.7).

Les théologiens, tant juifs que chrétiens, se sont longuement interrogés sur les raisons pour lesquelles, selon notre texte, Dieu refuse de se voir bâtir un temple fastueux. Plusieurs hypothèses ont été émises, qui ne sont certainement pas sans rapport avec le choix divin de voir naître le Messie dans la plus modeste des demeures, une étable à bestiaux.

Dans leur commentaire des livres de Samuel (Labor et Fides, 1994), André Caquot et Philippe de Robert soupçonnent que par sa demande, David cherche à équilibrer sa « résidence du roi et celle de Dieu » (p.425). Si le temple doit être au moins aussi beau que le palais royal, cela suppose que David se considère au même rang que Dieu. Son autorité et celle de Dieu doivent ainsi former un pouvoir en tandem exercé à Jérusalem. Or, au travers des mots attribués au prophète Natan, les auteurs bibliques refusent cette construction d’un temple « qui mettrait le culte national sous la coupe du roi » (p.427).

Depuis le XIXe siècle, cette attitude est décrite par le mot « césaropapisme », qui combine les deux mots « César » et « Pape », réunissant ainsi la politique et la religion en un seul pouvoir autoritaire. D’après les auteurs de notre texte, Dieu refuse le césaropapisme, préférant une maison de toile, frêle et mobile, à un édifice massif, qui risquera de toute manière d’être détruit lors de l’invasion d’un autre roi, ce qui s’est produit plusieurs fois dans l’histoire d’Israël, et notamment en 587 avant J.-C. lors de la prise de Jérusalem.

Comme David, nous avons peut-être l’impression de faire notre devoir, de nous sentir moins coupables, si nous bâtissons une solide Eglise, mais en assignant à Dieu une résidence fixe et limitée spatialement, nous risquons de le couper de la réalité quotidienne.

Les auteurs du texte proposent deux solutions, l’une nuancée et l’autre plus radicale, à ce dilemme posé par le refus divin d’un temple imposant. La solution nuancée reporte l’édification de ce temple à la génération suivante : « lorsque tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta descendance après toi, […]. C’est lui qui bâtira une maison pour mon Nom »  (2 Sam 7,12-13). Cette solution permet de justifier la construction du temple de Jérusalem par Salomon, le fils héritier du trône de David, à la fin du Xe siècle avant J.-C. Ce report de la construction est justifié parce que David, guerrier conquérant, a versé trop de sang pour être une personne adaptée à la construction d’un lieu de paix (1 Chr 28,2-7).

Reste la solution radicale, qui nous rapproche de l’esprit de Noël. Elle est énoncée dans notre texte par une boutade : « Et le Seigneur t’annonce qu’il te fera une maison » (2 Sam 7,11). Selon ce retournement de point de vue, ce n’est pas David qui (prétentieusement) construira une maison pour Dieu, mais Dieu qui construira une maison pour David. Or, au travers d’un jeu de mot en hébreu, la maison que Dieu bâtira pour David ne désigne pas ici le temple, mais la dynastie royale de David qui durera à perpétuité. Cette promesse est accomplie pour nous chrétiens au travers de Jésus, le Messie, qui est descendant de David.

Un Nouveau Testament, une nouvelle alliance entre Dieu et les hommes, semble donc être devenue nécessaire en raison de l’échec partiel de l’alliance au travers de l’édifice du temple de Jérusalem, trop localisé en un seul point, trop vulnérable aux guerres, trop lié au pouvoir royal souvent compromis. Quel peut donc être ce nouveau temple à la fois plus intime et autonome ? L’Evangile propose l’être humain lui-même, au travers de l’Esprit de Jésus, le Christ, qui porte dès sa naissance le nom d’Emmanuel. « Ne savez-vous pas, peut s’exclamer l’apôtre Paul, que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? […] Car le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous » (1 Cor 3,16-17).

Noël vient ainsi briser les résistances d’us et de coutumes religieuses qui placent le temple de Dieu en dehors de nos personnes. « L’heure vient, dit Jésus, où ce n’est ni sur cette montagne [de Samarie], ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. […] Mais l’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (Jn 4,21.23).

Ainsi, comme nous l’avons supposé au départ, Noël introduit un culte de Dieu intime et spirituel d’une part, universel d’autre part, indépendant de tout temple et culte central. Noël marque l’ouverture à la grâce et à l’amour infiniment proches de Dieu, donnés sans frontières ni limites dans le temps. L’Esprit de Noël, non seulement accomplit la religion du temple, mais la surpasse dans la joie profonde de l’Emmanuel, qui est « Dieu avec nous », le nouveau temple spirituel qui n’est pas fait de mains d’hommes (Ac 7,48). Amen

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