
Lors de la cérémonie de son investiture au Capitole à Washington (image) en tant que Président des Etats-Unis, ce lundi 20 janvier 2025, devant de nombreuses personnalités représentantes des extrêmes droites dans le monde, Donald Trump a notamment estimé avoir été « sauvé par Dieu, pour une raison: rendre sa grandeur à l’Amérique », en fait aux Etats-Unis (citation selon Le Temps, 21 janvier 2025, p.2).
S’attribuer à soi-même une mission divine en tant que chef d’Etat, c’est s’accorder beaucoup d’honneur. En effet, « si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? », dit le Nouveau Testament (Epître de Paul aux Romains 8,31). Et c’est aussi fragiliser la démocratie, car dans un gouvernement démocratique, il n’y a pas un seul élu de Dieu, mais les décisions se prennent par concertations de plusieurs avis différents, qui donnent lieu à un débat humain où personne ne prétend être revêtu d’une mission spéciale à caractère unique. La démocratie garantit ainsi la liberté d’expression. Or, la posture « messianique » que Donald Trump s’attribue, et qu’hélas beaucoup de chrétiens lui reconnaissent, l’autorise à s’imposer au-dessus du jeu démocratique, en accordant fort peu de crédit à ses adversaires, et en cherchant à limiter leur espace de parole et d’action.
Donald Trump a certes été élu démocratiquement chef d’Etat, mais nous pouvons hélas nous interroger sur la légitimité démocratique de son attitude politique. En effet, la posture d’envoyé de Dieu qu’il s’attribue invite les personnes peu affermies à lui accorder une confiance excessive, que l’on ne peut accorder à aucun être humain, aussi éloquent soit-il. Selon le Nouveau Testament, le Christ émet le critère selon lequel on reconnait les vrais prophètes à leurs fruits (Evangile de Matthieu 7,16). Or, déclarer « Notre pays va prospérer et sera à nouveau respecté. C’est très simple: ce sera l’Amérique d’abord », puis dénigrer l’écologie, afficher un suprémacisme blanc et un ton impérialiste vis-à-vis d’autres pays, ce n’est sans doute pas ce que nous pouvons reconnaître comme des marques christiques.
Le Messie Jésus de Nazareth a affirmé des prétentions plus modestes, et aussi plus coûteuses pour sa propre personne: « Vous le savez, ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n’en est pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Evangile de Marc 10,42-45). S’il veut gouverner selon le devoir de tout homme politique, espérons que Donald Trump sera à l’écoute des citoyens de sa nation, y compris de celles et ceux qui ne pensent pas comme lui, et qui ont autant de droit que lui d’affirmer leurs opinions politiques, éthiques, sociétales et religieuses.
Monsieur Bourquin.,
Votre commentaire soulève un point crucial sur la tension entre l’autorité divine prétendue et les principes démocratiques. Lorsque qu’un chef d’État revendique une mission divine, cela revient à se placer au-dessus des processus humains et des institutions.
S’ériger comme élu de Dieu revient à rendre ses décisions inattaquables, car contester une telle autorité pourrait être perçu comme une opposition à une volonté transcendante. Cela met en péril le principe fondamental de la démocratie.
En plus, Faire appel à une mission divine, c’est exploiter la foi pour justifier des décisions politiques ou consolider son pouvoir. Cela dénature la spiritualité, qui devrait rester personnelle et séparée des ambitions politiques.
La démocratie repose sur le principe que la souveraineté appartient au peuple. Un dirigeant qui prétend être mandaté par Dieu court circuite ce principe en s’octroyant un pouvoir supérieur, remettant en cause l’équilibre des pouvoirs et la participation des citoyens.
En résumé, ceci pourrait constitue une menace à la fois pour la démocratie et pour la dignité de la religion elle-même, qui se retrouve manipulée à des fins de légitimation personnelle.
Monsieur Botros,
je vous remercie vivement pour votre commentaire qui va tout-à-fait dans le sens du mien, et qui le prolonge par d’autres réflexions.
Avec mes meilleurs messages.
Gills Bourquin
Hello Gilles, Je partage bien entendu ta grande inquiétude. Sur le plan politique, on a affaire à un techno-fascisme, masculiniste et réactionnaire, qui aujourd’hui a les moyens de ses idées comme jamais (cf. l’interview de G. Babinet ce matin sur Inter).
Et je ne vois aucune personne actuellement au pouvoir qui soit équipée intellectuellement et éthiquement pour le contrer, dans les mêmes proportions.
Ce n’est pas juste cette pensée en soi qui m’inquiète -voilà d’ailleurs dix ans, voire plus, qu’elle prospère allègrement- mais le fait
1-Que des digues ont sauté et que certains la reprennent à son compte : elle est aujourd’hui légitimée
2-Que la grande majorité des forces morales, politiques, éthiques mondiales soient silencieuses, voire perdues, face à ce nouvel état de fait.
Bien entendu Trump n’est pas notre président. Mais à l’heure ou ces idées et pensées circulent massivement et entrent dans tous les foyers, j’attends des prises de positions claires de décideurs, de leaders, de personnes en responsabilité.
Petite réaction positive, ces patrons suisses qui se sont prononcés en faveur de la diversité, face au recul de celle-ci dans les grandes entreprises de la tech :
https://www.letemps.ch/opinions/debats/sans-diversite-pas-d-avenir-pour-nos-entreprises
Mais effectivement, la période est préocupante. Il ne s’agit plus seulement d’analyser, si tu veux mon avis, mais de de positionner. Et ça, c’est jamais bon signe.
Merci Camille pour ton commentaire que je partage entièrement.
Amitiés
Gilles