Le propre de l’homme à la lumière de l’histoire des sciences

Résumé : Je montre par quelques pointages que la question du caractère spécifique de l’homme dans la biodiversité fait l’objet d’un débat qui traverse les sciences naturelles et humaines, et je termine en proposant une définition théologique de l’humanité de l’homme qui évite l’anthropocentrisme et le géocentrisme.

Contribution de Gilles Bourquin, le 14 octobre 2024, à l’Institut Protestant de Théologie à Paris, lors du Séminaire des trois facultés de théologie de Paris (Faculté orthodoxe Saint-Serge ; Facultés catholiques Loyola ; Institut protestant de théologie), sur le thème du Discours des Eglises à l’épreuve de la crise écologique, avec un accent sur Le reproche d’anthropocentrisme souvent adressé au christianisme.

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Table des matières

  1. L’inévitable recours à l’histoire des sciences.
  2. La subdivision du savoir entre sciences naturelles et humaines.
  3. L’édifice des sciences et les niveaux imbriqués de complexité du réel.
  4. Premier pointage : L’abstraction de la masse physique.
  5. Deuxième pointage : Les systèmes thermodynamiques et l’écologie.
  6. Troisième pointage : L’anthropologie au sein de l’éthologie.
  7. Quatrième et cinquième pointages : Economie et géopolitique.
  8. Vers une définition théologique de l’homme.
  9. Bibliographie.

1. L’inévitable recours à l’histoire des sciences

S’interroger au sujet de la différentiation entre l’animal et homme, cela suppose, en amont, la tentative de définir ce que sont l’animalité et l’humanité. On le voit, la tâche est d’emblée colossale, infinie, perdue d’avance. Il va falloir rétrograder, en définissant une méthode et en se fixant des objectifs plus réalistes. Déjà dans la Bible, une ambiguïté apparaît entre la conception d’une âme humaine, haleine de vie (hébreu nephesh) semblable à celle des autres êtres vivants (Gn 2,7.19), et la révolte face à cette assimilation, avec le postulat massif que l’homme est la seule créature porteuse de l’image de Dieu (Gn 1,27), une spécificité dont il nous faudra clarifier si elle implique ou non un anthropocentrisme, et donc aussi un géocentrisme, qui sont de moins en moins acceptables dans le cadre des avancées scientifiques et des mentalités écologiques contemporaines.

Les processus de transition de l’animal à l’homme, qu’on les considère quantitatifs ou qualitatifs, proportionnés ou disproportionnés, continus ou discontinus, naturels ou artificiels, descriptifs ou performatifs, génétiques ou éthiques, forment un enchevêtrement historique extrêmement complexe, justifiant autant de différences que de similitudes entre l’espèce humaine et le reste de la biodiversité. Nous ne pouvons donc plus appréhender ces assimilations et ces démarcations de l’homme vis-à-vis de la nature comme s’il s’agissait de résultats définitivement acquis, ayant une couleur métaphysique (par exemple : ce qu’est l’âme humaine et ce qu’est l’âme animale), car ces nuances d’appréciation des spécificités anthropologiques sont à lire au sein même de l’histoire des disciplines où elles ont été conceptualisées et discutées. Dit autrement, la manière dont nous concevons la spécificité de l’homme et son rapport à la nature environnante fluctue selon les paradigmes idéologiques des différentes époques, entre sa complète animalisation et la croyance que l’homme est engagé dans l’existence d’une manière totalement singulière.

Dans cette contribution, je vais illustrer la thèse que je viens de formuler au sujet de la signification de l’histoire des sciences, tout d’abord en réfléchissant à la différenciation entre les sciences naturelles et humaines, puis en considérant les niveaux de complexité imbriqués dont rendent compte les différentes sciences. J’effectuerai cinq pointages sur des thèmes choisis en physique, en thermodynamique, en éthologie, en économie et en géopolitique, avant de terminer par quelques conclusions théologiques.

2. La subdivision du savoir entre sciences naturelles et humaines

Tout d’abord, les origines de la distinction entre sciences naturelles et humaines. La problématique d’une transition de l’animal à l’homme, telle que je viens de l’exposer, est marquée par l’historicisme du XIXe siècle, qui tend à renvoyer tous les acquis scientifiques et philosophiques à l’histoire de leur élaboration. Les causes surnaturelles, y compris celles la radicale nouveauté de l’Homme, sont gommées au sein de processus évolutifs qui autorisent une explication rationnelle de la réalité. En Angleterre, le livre The Descent of Man, du biologiste Charles Darwin, paru en 1871, est à ce titre emblématique. Cependant, ce lissage de la transition de l’animal à l’homme s’accompagne, surtout en Allemagne, d’un important repli identitaire des sciences dites humaines (ou de l’esprit), thématisées par le théologien et philosophe Wilhelm Dilthey (1833-1911) face aux sciences dites naturelles.

A ces fins, Dilthey déploie un arsenal de critères distinctifs, qui apparaissent aujourd’hui érodés par la réinsertion de l’homme dans la nature. Il postule tout d’abord que l’histoire humaine se caractérise par des événements singuliers, uniques et non prédictibles, fruits des esprits libres des individus humains, tandis que la nature est régie par des lois universelles produisant des événements prédictibles et répétitifs. Mais plus en profondeur, sciences naturelles et sciences de l’esprit se différencient par une radicale différence de méthode. Tandis que les sciences humaines cherchent selon Dilthey à recueillir l’Erlebnis, à savoir l’expérience intérieure des individus, subjective et intime, telle qu’elle est perçue par d’autres individus en relation, les sciences de la nature élaborent des corrélations rationnelles abstraites permettant d’expliquer et de prédire des ensembles de phénomènes similaires extérieurement observables.

Or, cette démarcation suscite actuellement une forte protestation de la part des sciences du vivant, relayée par l’antispécisme politique, avec deux types d’arguments. Tout d’abord en biologie, le paradigme néodarwiniste articule depuis 1930 deux causes fondamentales de l’évolution des espèces : premièrement, la survenue fortuite de mutations génétiques, et secondement, la sélection naturelle qui trie les mutants inadaptés et adaptés. Tandis que la seconde cause repose sur le principe de la concurrence, la première découle d’événements fortuits, la même erreur de copie d’un matériau génétique donné ne se reproduisant pour ainsi dire jamais, ce qui donne lieu à des espèces biologiques singulières, apparaissant de façon contingente dans l’histoire non répétitive du vivant. La thèse de Dilthey est donc contredite par l’histoire non reproductible de l’évolution naturelle des espèces.

Ensuite, la fronde majeure se situe au niveau de l’éthologie, contre le refus implicite de Dilthey d’attribuer aux animaux l’individualité d’une Erlebnis, les réduisant à l’état de spécimens tous identiques d’une même espèce. Or, s’il n’existe pas deux bactéries entièrement semblables, que dire de l’expérience propre d’un chien ou même d’un insecte ? De nos jours, la presse relaye régulièrement les expériences sur le comportement, révélant divers aspects de plus en plus subtils de la personnalité des animaux, et parfois même de celle des plantes.

3. L’édifice des sciences et les niveaux imbriqués de complexité du réel

Si le strict cloisonnement de Dilthey entre monde naturel et humain est ainsi mis à mal, l’édifice moderne des sciences n’en demeure pas moins fonctionnel par sa compréhension du réel en niveaux de complexité imbriqués, s’échelonnant de la physique des particules à l’astrophysique, en passant par l’étude des sociétés humaines et de l’écologie. Au sein de ce dispositif, la question de l’animalité de l’homme apparaît comme un cas particulier d’un questionnement plus général concernant l’imbrication des champs d’étude scientifiques. Il faut ici distinguer deux questions.

Premièrement, il s’agit de déterminer dans quelle mesure les propriétés des systèmes inférieurs se répercutent aux niveaux supérieurs d’organisation. Par exemple, selon quelles modalités les lois physiques s’appliquent-elles aux phénomènes chimiques et biologiques ? Et dans le domaine qui nous concerne, de quelle manière les êtres humains demeurent-ils tributaires des lois de la nature, ce qui aurait tendance à les rapprocher des animaux ? Par exemple, les avancées en éthologie et en neurosciences permettent-elles d’expliquer la psychologie et la sociologie humaines de la même manière que celles des animaux ?

Deuxièmement, cette montée des principes inférieurs vers les niveaux supérieurs de complexité se double de la question de l’émergence de nouvelles propriétés aux niveaux systémiques supérieurs. Par exemple, l’évolution des espèces est une propriété émergente des systèmes biologiques, qui n’apparaît pas aux niveaux inférieurs d’organisation du monde physique et chimique. Dans ce sens, la démonstration de la spécificité de l’homme repose sur l’existence de propriétés émergentes du monde humain, que l’on ne retrouve pas chez les animaux.

4. Premier pointage : L’abstraction de la masse physique

Je me sers ici d’un premier pointage au niveau de la physique pour expliciter ces enjeux. Demandons-nous si les êtres humains sont soumis à la loi physique de la gravitation ? La question semble banale. Elle ne l’est qu’en apparence. Dans un premier temps, une réponse positive s’impose évidemment. Etant des êtres matériels, nous avons une masse et un poids, ce qui implique une inévitable consommation d’énergie pour nous déplacer. Or, au travers de l’aviation, nous ne nous sommes bien sûr pas soustraits à la gravitation, mais nous sommes parvenus à nous détourner de notre incapacité à voler en compensant notre poids par une technique aérodynamique.

Aux côtés de la technique, il existe d’autres propriétés émergentes du monde humain vis-à-vis de la gravitation. Observons si elles apparaissent déjà dans le monde animal ? L’invention du système monétaire, avant tout, représente une contre-valeur des biens matériels. Ici, un nombre qui n’a pas de masse correspond à un bien réel, fluidifiant le commerce. L’art également, permet de représenter des objets hors de toute pesanteur, de même que les lois, les organisations et les communications, dépourvues de masse, régulent nos comportements au sein de nos civilisations. Pourrions-nous donc conclure, hâtivement, que l’être humain se distingue des animaux par sa capacité d’abstraction, liée à son intelligence rationnelle et à sa faculté de décision, tandis que les autres êtres vivants s’inscrivent dans les contraintes matérielles sans pouvoir les moduler ? Le propre de l’homme résiderait-il dans cette capacité à recomposer les lois de la nature ? Assimiler sans reste l’être humain à l’animalité, ne serait-ce donc pas faire preuve de réductionnisme ? La réduction de la psychologie à l’éthologie, par exemple, reviendrait à se mettre des ornières empêchant d’appréhender la subtilité des réalités humaines.

Plusieurs ripostes existent, bien évidemment, à cette tentative de démarcation de l’homme par les divers aspects de l’abstraction. A l’échelon biochimique déjà, la molécule d’ADN est porteuse d’un code génétique abstrait, que les cellules traduisent par la synthèse des protéines, dont la structure est sans rapport avec celle du code, de même que la chimie de l’encre de nos écrits est sans rapport avec leur sens. Il y a donc, déjà dans le substrat biologique de tous les êtres vivants, un transport d’information dématérialisée dans un code, phénomène qui se transpose et se généralise dans les diverses formes de communications du vivant, à l’échelle moléculaire, cellulaire, organique, symbiotique, clanique et enfin écologique. Il est notamment avéré qu’une communication abstraite par signes existe déjà chez les insectes sociaux. L’abstraction physique n’est donc pas une propriété émergente des systèmes humains.

5. Deuxième pointage : Les systèmes thermodynamiques et l’écologie

Aux côtés de cette question de l’abstraction immatérielle, la question de l’auto-organisation de la matière physique relève du domaine de la thermodynamique, une discipline qui relie le comportement microscopique des particules aux phénomènes macroscopiques observables. Elle fait l’objet de mon deuxième pointage, qui aboutira à quelques considérations sur l’impact écologique de l’homme en comparaison avec celui des autres espèces animales.

Jusqu’aux dernières décennies du XXe siècle, l’apparition et le maintien en vie des organismes biologiques semblait s’opposer au deuxième principe de la thermodynamique, qui postule la perte de complexité et l’évolution vers l’équilibre des systèmes isolés. On était donc réduits, comme l’ont fait Bergson et Simmel en philosophie, à postuler l’existence d’un principe vitaliste excédant les lois de la physique, semblable au nephesh biblique. Notamment sous l’impulsion de l’ouvrage La nouvelle alliance du physicien I. Prigogine et de la philosophe I. Stengers (Gallimard, 1979), le développement de la thermodynamique non linéaire, par l’étude des systèmes chaotiques et instables hors équilibre, a mis en évidence des phénomènes spontanés d’apparition et de maintien d’ordres macroscopiques dans la nature, expliquant la vie dans le cadre de la physique.

L’exemple emblématique à cet égard est l’apparition spontanée de mouvements circulaires dans un bac d’eau progressivement chauffé depuis le bas. Dans un premier temps, la chaleur se diffuse régulièrement vers le haut, formant de petites turbulences visibles dans le liquide, mais à partir d’un certain seuil de gradient thermique, un phénomène totalement nouveau apparaît : la masse d’eau tout entière se met en mouvement dans le bac, formant des circuits constitués de colonnes montantes et descendantes alternées, les cellules de Bénard. Les ouragans tropicaux, qui soulèvent des masses considérables d’air humide, fonctionnent selon ce principe. Or, l’apparition de tels ordres circulaires macroscopiques est inexplicable dans le cadre de la physique classique. En effet, aucune force visible, aucune palette, ne meut le liquide. Ces cellules de rotation débutent à partir de l’agitation thermique de quelques molécules d’eau se déplaçant par hasard dans le même sens et entrainant d’autres à leur suite, ce qui accélère considérablement la transmission de chaleur de bas en haut du bac, en faisant monter l’eau chaude et descendre l’eau froide.

On parle alors de systèmes dissipatifs d’énergie, car ces ordres macroscopiques auto-générés, loin de contredire le deuxième principe de la thermodynamique, augmentent en réalité la production générale d’entropie (qui est une mesure du chaos), en accélérant la transmission de chaleur hors du bac, laquelle se répercute dans le milieu avoisinant. En réalité, le renforcement de l’ordre interne au système dissipatif est compensé par une augmentation du désordre qu’il produit dans son environnement, de sorte que le désordre total augmente, les systèmes dissipatifs accélérant considérablement la transmission d’énergie potentiellement destructrice. Or, cette apparition spontanée d’ordres macroscopiques permet d’expliquer physiquement l’origine et la conservation spontanée des organismes vivants, qui sont en réalité des systèmes dissipatifs particuliers, maintenus en activité par un apport constant d’oxygène et de nutriments énergétiques.

La conséquence écologique ne se fait pas attendre. D’un point de vue thermodynamique, les êtres vivants ne peuvent se maintenir en vie sans affecter leur milieu, et l’homme ne fait pas exception. Dans ce sens, il est pertinent d’affirmer que tous les animaux «polluent» leur environnement, mais les êtres humains, en accélérant techniquement les transferts d’énergie, démultiplient le phénomène dissipatif. Les cycles impliquant les matières premières dans la consommation industrielle d’énergie sont comparables à de gigantesques cellules de Bénard nécessaires à la conservation de la vie des populations humaines. Ce conditionnement physique permet de comprendre pourquoi les questions écologiques sont si difficiles à résoudre, les solutions proposées ayant tendance à déplacer le problème. En diminuant par exemple la source nucléaire d’énergie pour la remplacer par de l’énergie solaire, on active d’autres processus thermochimiques impliquant d’autres matières et donc d’autres extractions minières. Nous parvenons donc à une conclusion semblable que dans le rapport à l’abstraction de la masse : L’être humain ne parvient pas à s’extraire des principes thermodynamiques, mais seulement à en moduler l’application. La différence d’impact écologique de l’homme vis-à-vis de celui des autres espèces biologiques n’est pas fondamentale, elle ne relève que d’une démultiplication des degrés d’organisation.

Je pense avoir ainsi montré à quel point les humains, comme les autres êtres vivants, sont tributaires des transferts de matière et d’énergie, tout en étant capables de moduler ces flux au moyen de leurs hautes facultés d’abstraction, de sorte que l’anthropologie ne se départit jamais entièrement de la biologie, de la thermodynamique et enfin de la physique fondamentale. Inversement, à chaque niveau supérieur de complexité apparaissent des degrés émergents de liberté, liés à la codification de l’information et à la communication, de sorte que les lois fondamentales ne suffisent pas à décrire les écosystèmes biologiques et les civilisations humaines. En raison de cette complexité, les recherches en thermodynamique ont donné jusqu’ici peu de résultats exploitables dans la modélisation des flux énergétiques générés par les sociétés humaines.

6. Troisième pointage : L’anthropologie au sein de l’éthologie

Cette hésitation liée à l’ambiguïté de la nature physico-biologique, ou au contraire spécifiquement anthropologique, des phénomènes humains se renforce dans l’histoire moderne des sciences humaines et de l’éthologie, qui fait l’objet de mon troisième pointage, dont l’approche est bien entendu très différente de celle des deux pointages précédents en physique. Je cherche ici à montrer à quel point l’éthologie reproduit en son sein les problématiques qui sont aussi celles des sciences humaines.

Par l’approche de leur histoire tout d’abord. A vrai dire, depuis la mythologie antique, ce que c’est que d’être animal et ce que c’est que d’être homme n’ont cessé d’être pensés ensemble, dans un subtil combiné d’assimilation anthropomorphique de l’animal à l’homme, d’assimilation écologique de l’homme à l’animal, et de démarcation humaniste de l’homme vis-à-vis de l’animal. L’intérêt croissant pour l’apparition des hominidés, la préhistoire humaine et la révolution néolithique, atteste une tendance actuelle à fusionner l’histoire animale et humaine en les insérant dans un continuum encore plus général du vivant.

Les approches génétiques et neuroscientifiques ensuite. L’approche la plus matérialiste inscrit les comportements animaux et humains dans l’expression phénotypique des gènes sélectionnés par l’évolution. Le cerveau animal et humain est ainsi composé de modules innés reliant étroitement la physionomie et le comportement. La polémique générée par la sociobiologie à la fin du XXe siècle est ici symptomatique, quand la théorie de la sélection de parentèle, expliquant les comportements sacrificiels des insectes sociaux par une subtile stratégie génétique, a été appliquée aux liens d’attachement dans les familles humaines.

En complète démarcation, les tentatives d’établir une psychologie animale se sont confrontées aux différences entre les mondes perceptifs des animaux et des humains, thématisés par le biologiste et philosophe allemand Jacob von Uexküll (1864-1944). Ce n’est qu’en percevant l’existence telle que l’animal la perçoit, « ce que cela fait d’être une tique », que l’on peut le comprendre. Cette approche aboutit à l’hypothèse de la personnalité individuelle de l’animal sujet, développée par l’éthologue et philosophe français Dominique Lestel (1961-), en lien à la découverte des « origines animales de la culture », observables chez les grands singes par la transmission non génétique d’information d’une génération à la suivante, au travers de l’enseignement. Enfin, en radicalisant le sujet animal, l’antispécisme politique compare la distinction entre l’animal et l’homme au racisme, à des fins polémiques en faveur des droits des animaux.

Cette analyse du débat entre les sciences humaines, qui s’articule déjà, comme nous venons de le voir, à l’intérieur de l’éthologie, montre qu’elles ne se distinguent pas avant tout par leurs différents domaines d’étude, mais par des approches différentes, marquées historiquement, du même domaine d’étude. A terme, leur interpénétration est donc inévitable. Je réitère donc ici ma thèse, selon laquelle la différentiation entre l’animal (ou la nature) et l’homme (ou la culture) se tient en arrière-fond de l’histoire des disciplines des sciences humaines modernes. Je présenterai les cas des sciences économiques et géopolitiques dans mes quatrième et cinquième pointages. En effet, depuis leurs origines aux XVIIIe et XIXe siècles, les sciences humaines ont eu conjointement tendance à reproduire dans l’histoire de leur discipline le présupposé sous-jacent d’une sortie progressive de l’homme de l’animalité, et donc aussi la thèse d’une émancipation progressive des sciences humaines vis-à-vis des sciences de la nature, renvoyées au caractère réductionniste de leur déterminisme matérialiste.

Or, en ce premier quart du XXIe siècle, marqué par les défis écologiques, nous assistons à un retour de balancier, au travers duquel l’Homme moderne émancipé de la nature tend à être à nouveau perçu comme l’espèce biologique Homo sapiens, jugée usurpatrice d’un écosystème planétaire dont elle s’arroge abusivement le droit de possession, au risque de générer son propre effondrement. Le va-et-vient entre l’humanité et l’animalité de l’homme représente ainsi un enjeu théorique et politique qui s’inscrit dans les fluctuations de nos visions du monde et de nos mentalités.

7. Quatrième et cinquième pointages : Economie et géopolitique

Mon quatrième pointage me conduit aux origines des sciences économiques, avec le prêtre anglican et économiste Thomas Malthus (1766-1834), qui table sur un principe naturel exprimable en termes mathématiques, selon lequel les populations animales et humaines tendent à croître exponentiellement par rapport à leurs biens de subsistance, ce qui induit des mécanismes automatiques de stabilisation des populations, par élimination des individus les moins adaptés. Mais Malthus ne peut éviter de formuler des consignes, en l’occurrence non interventionnistes, face aux inégalités sociales entre riches et pauvres. D’emblée, sa théorie économique ne peut donc pas se départir d’une responsabilité politique, ce qui conduira Karl Marx (1818-1883), un demi-siècle plus tard, à relativiser historiquement ce type de catégories économiques jugées objectives et calculables, que sont l’offre et la demande, le prix, le salaire, la concurrence, la démographie, etc., ouvrant ainsi la voie à une étude historique des théories et des pratiques économiques, ayant notamment pour tâche d’élucider les soubassements doctrinaux inavoués des modèles mathématiques. En conclusion, les sciences économiques s’émancipent des sciences naturelles en soulignant une histoire des théories économiques intimement reliée à des choix humains à assumer.

Cinquième et dernier pointage. On observe un tracé d’émancipation semblable du côté des sciences géopolitiques, dont les origines remontent aux théories d’un biologiste allemand, Friedrich Ratzel (1844-1904), qui postula que l’Etat, incarnation d’un peuple, peut être assimilé à un organisme vivant qui cherche à accroître son « espace vital » (Lebensraum), dont il tire sa nourriture, et qu’il conquiert en empiétant sur ses voisins, avec la funeste interprétation nazie qu’on lui connaît. Se démarquant de telles théories naturalistes, la géopolitique va progressivement s’affranchir de l’ambition d’établir un système universel dévoilant les clefs de l’histoire des civilisations à partir de leur dépendance du territoire et du climat, en montrant par exemple que l’influence du climat varie considérablement selon le développement de l’habitat, de l’industrie, des transports et des télécommunications, rendant habitables et convoitées des régions dépourvues de toutes ressources. Ainsi, à partir de théories fondées sur un nombre restreint de paramètres naturels, la géopolitique s’est développée en une science du complexe, jusqu’à devenir un espace malléable de débat, se refusant à fournir des prédictions objectives au sujet de l’avenir de l’ensemble de l’humanité. Cela dit, on peut se demander si cette complexité des enjeux stratégiques en présence est vraiment un critère permettant de définir le propre de l’homme ?

Qui plus est, c’est précisément ce type d’imprédictibilité lié à la complexité des enjeux théoriques que la nouvelle lecture écologique de l’histoire humaine entend contester, en ne réfléchissant plus seulement en termes de stratégies concurrentes entre civilisations, mais en conceptualisant globalement une humanité dont l’impact écologique est à mesurer à l’échelle planétaire, séculaire et millénaire des mutations climatiques. Du coup, ce n’est plus l’histoire écrite débutant au troisième millénaire avant Jésus-Christ qui est envisagée par le catastrophisme écologique. Son propos englobe désormais l’origine et le destin de la vie sur Terre, menacée par l’homme et pensée dans l’espace plus vaste de l’Univers. Ainsi, en traçant le lien entre Homo sapiens et le climat, la question de notre rapport à l’avenir a refait surface.

8. Vers une définition théologique de l’homme

Conclusion. En reprenant les termes de la thermodynamique non linéaire, le cerveau humain a produit une « avalanche » d’événements, à savoir une accélération extrêmement rapide de l’histoire, et c’est concrètement cette capacité à surpasser la vitesse de l’évolution génétique par une évolution des idées traitées par le cerveau humain qui nous distingue des compétences de l’animal, mais dans cette évolution disproportionnée, aucune nouveauté radicale, aucun propre de l’homme n’est à déceler. Au contraire, la distinction entre l’animal et l’homme s’épuise dans le débat des disciplines naturelles et humaines. Ce constat d’échec m’amène à formuler la thèse anthropologique et théologique suivante : L’humanité de l’homme n’est pas à rechercher à l’intérieur de sa subjectivité. Elle résulte d’un appel de l’extérieur à devenir humain, qui est en même temps le don qui fonde cette humanité. La question première n’est donc pas de savoir si l’homme est capable ou non, dans sa subjectivité, de répondre à cet appel à devenir humain. C’est justement la réponse à cette question qui se fond dans l’inextricable débat des diverses sciences naturelles et humaines.

Théologiquement, je deviens humain parce que Dieu m’appelle à l’être et me donne de l’être. Je reçois mon humanité, je ne la produis pas, et l’évolution des espèces biologiques jusqu’à l’espèce Homo sapiens ne peut pas la produire. Ensuite, afin d’étendre son champ d’application au-delà des limites de l’expérience croyante, il est possible de transférer cette thèse dans le domaine de l’anthropologie philosophique, en affirmant que l’humanité de l’homme consiste en cet appel intérieur à assumer une liberté qui n’est ni déduite, ni justifiée, par ses propres capacités dépendant de sa nature et de son histoire. Et c’est le don de cette liberté intérieure qui fonde la responsabilité, définie soit comme le devoir, soit comme la capacité de répondre de soi et de ses actes, devant une instance tierce. La spécificité humaine de cette responsabilité se définit surtout dans le domaine éthique, car il apparaît effectivement difficile d’attribuer une telle responsabilité aux animaux actuels. Ce n’est pas respecter la nature de l’aigle, par exemple, que de l’accuser de dépecer ses proies vivantes.

Situer l’humanité de l’homme tout-à-fait en dehors de ses origines terrestres, physiques, biologiques, sociales et culturelles a une conséquence fondamentale : L’humanité devient un caractère découplé de l’espèce Homo sapiens, et il est donc éventuellement possible de l’attribuer à d’autres espèces biologiques, sans que nous ayons connaissance, à ce jour, de cas concrets d’une telle attribution hors de notre espèce. Or, cette humanité en tant que qualité de l’être pouvant être atteinte par diverses formes possibles de vie sur Terre et dans l’Univers a l’avantage d’être découplée de l’anthropocentrisme à au moins trois niveaux. Tout d’abord, il n’est plus nécessaire de considérer que notre espèce est l’aboutissement figé de l’évolution terrestre et qu’elle n’est donc plus susceptible de se transformer ou même de disparaître. Ensuite, il n’est plus nécessaire de considérer que l’espèce Homo sapiens est le but ultime et central de l’évolution des espèces sur Terre. Enfin, l’abandon de l’anthropocentrisme permet l’abandon du géocentrisme. La planète Terre n’est peut-être pas la seule, ni la principale, ni la plus avancée dans l’Univers, qui puisse donner lieu à des formes de vie susceptibles d’atteindre cette « humanité » définie comme le don d’une liberté vis-à-vis de sa propre nature. Afin de prolonger la réflexion au-delà de cet article, notons qu’une telle ouverture nécessitera également de repenser le christocentrisme.

Gilles Bourquin

9. Bibliographie

Philosophie des sciences

Hors-Série Sciences et Avenir, L’énigme de l’émergence No 143, juillet-août 2005

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161 Turbulences thermique (Bénard) – YouTube

Rayleigh–Bénard convection – Wikipedia

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Alexandre Abensour, Nicolas Tenaillon, L’animal. Thème de culture générale 2021, Prépas commerciales ECS/ECE, Ellipses, 2021

Sous la direction de Pierre Serna, Véronique le Ru, Malik Mellah, Benedetta Piazzesi, Dictionnaire historique et critique des animaux, Champ Vallon, 2024

Neurosciences

Franco Fabbro, Neuropsicologia dell’esperienza religiosa, Roma, Casa Editrice Astrolabio, 2010

François Ansermet & Pierre Magistretti, Les énigmes du plaisir, Paris, Odile-Jacob, 2010

Andrew Newberg & Eugene d’Aquili, Pourquoi « Dieu » ne disparaîtra pas. Quand la science explique la religion, Sully, 20011, 2015

Bryan Kolb, Ian Q. Whishaw, G. Campbell Teskey, Cerveau et comportement, De Boeck, 20161, 20195

Anthropologie

André Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire. Paléolithique, Paris, PUF (Quadrige), 19641, 2006

Pascal Boyer, Et l’homme créa les dieux. Comment expliquer la religion, Editions Robert Laffont, 20011, 2018

Lance Workman, Will Reader, Psychologie évolutionniste. Une introduction, Bruxelles, De Boeck, 2007

Daniel C. Dennett, Rompere l’incantesimo. La religione come fenomeno naturale (Breaking the Spell, 20061), Milano, Raffaello Cortina Editore, 2007

Scott Atran, Au nom du Seigneur. La religion au crible de l’évolution, Odile Jacob, Paris, 2009

Alister McGrath, Why God Won’t go away. Engaging with the New Atheism, SPCK, London, 2011

Dir. Hervé Legrand & Yann Raison du Cleuziou, Penser avec le genre. Société, corps, christianisme, Paris, Artège Lethielleux, 2016

Sous la direction de Yves Bonnardel, Thomas Lepeltier, Pierre Sigler, La révolution antispéciste, Paris, PUF, 2018

Paul Sugy, L’extinction de l’homme. Le projet fou des antispécistes, Paris, Editions Tallendier, 2021

Economie

Robert L. Heilbroner, Les grands économistes. Edition augmentée. Un classique, Seuil, 19531, 2001

Jean Boncoeur, Hervé Thouément, Histoire des idées économiques, Tome 1 : De Platon à Marx, Dunod, 19921, 2023

Jean Boncoeur, Hervé Thouément, Histoire des idées économiques, Tome 2 : De Walras aux contemporains, Dunod, 19921, 2023

Jacques Valier, Brève histoire de la pensée économique d’Aristote à nos jours, Champs essais, Flammarion, 2014

Yves Perez, Histoire de la pensée économique, Paris, Ellipses, 2017

Marc Montoussé, Nouvelles théories économiques. Clés de lecture, Thèmes & débats, Bréal, 2024

Géopolitique

Charles Debbasch, Jean-Marie Pontier, Introduction à la politique, Paris, Précis Dalloz, 19862

Dominique Moïsi, La géopolitique de l’émotion, Nouvelle édition, Flammarion, 20081, 2015

Pascal Boniface, La géopolitique. 42 fiches thématiques et documentées pour comprendre l’actualité, Eyrolles, 2016

Florian Louis, Les grands théoriciens de la géopolitique, De quoi la géopolitique est-elle le nom ?, Paris, Bélin, 2020

Frédéric Lasserre, Emmanuel Gonon, Eric Mottet, Manuel de géopolitique. Enjeux de pouvoir sur les territoires, Malakoff, Armand Colin, 2024

Ecologie

Arne Naess, Ecology, community and lifestyle. Translates and edited by David Rothenberg, Cambridge Université press, 19761, 1989

Luc Ferry, Le Nouvel Ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Grasset (Biblio essais), 1992

Dominique Bourg et Philippe Roch (dir.), Crise écologique, crise des valeurs ?, Défis pour l’anthropologie et la spiritualité, Genève, Labor et Fides, 2010

Sous la direction de Agathe Euzen, Bettina Laville et Stéphane Thiébault, L’adaptation au changement climatique. Une question de sociétés, Paris, CNRS Editions, 2017

Jean-Claude Larchet, Les fondements spirituels de la crise écologique, Genève, Editions des Syrtes, 2018

Fabrice Flipo, L’écologie autoritaire, Collection Ecologie, ISTE Editions, 2018

Claire Tirard, Luc Abbadie, Nicolas Loeille, Introduction à l’écologie. Cours. Exercices, Dunod, 2021

Claire Tirard, Luc Abbadie, David Laloi, Philippe Koubbi, Le cours d’écologie. License, Master, Capes, Dunod, 2022

Myriam Saadé, Olivier Jolliet, Analyse du cycle de vie. Comprendre et réaliser un écobilan. 4e édition revue et augmentée, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2024

Catastrophisme

Hubert Reeves avec Frédéric Lenoir, Mal de Terre, Seuil, Sciences, 19941, 2005

Jared Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, 2006

Amin Maalouf de l’Académie française, Le dérèglement du monde, Le Livre de Poche, Grasset, 2009

Thomas Gomart, L’affolement du monde. 10 enjeux géopolitiques, Tallandier, 2019 et 2020

Gilbert Cochet, Béatrice Kremer-Cochet, L’Europe réensauvagée. Vers un nouveau monde, Actes Sud, 2020

Bruno David, A l’aube de la 6e extinction. Comment habiter la Terre, Grasset, 2021

Théologie

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Paul Tillich, Aux frontières de la religion et de la science, Le Centurion, 1929-19651, 1970

Vladimir Lossky, Essai sur la théologie mystique de l’Eglise d’Orient, Paris, Cerf, 19441, 2005

Paul Tillich, Théologie systématique IV, La vie et l’Esprit, Genève, Labor et Fides, 19631, 1991

Pierre-André Stucki, Tolérance et doctrine, L’Age d’Homme, 1973

Otto Schäfer-Guignier, Et demain la Terre… Christianisme et écologie, Genève, Labor et Fides, 1990

Albert de Pury, Homme et animal Dieu les créa. Les animaux et l’Ancien Testament, Labor et Fides, 1993

Pierre Gisel, La théologie face aux sciences religieuses. Différences et interactions, Genève, Labor et Fides, 1999

Andreas Dettwiler, Clairette Karakash (éd.), Actes du colloque Mythe & Science du 14 au 16 mars 2002, Neuchâtel, Suisse, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003

Jürgen Moltmann, Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie, Paris, Cerf, 2004

Alexandre Ganoczy, Christianisme et neurosciences. Pour une théologie de l’animal humain, Paris, Odile Jacob, 2008

Wolfhart Pannenberg, The Historicity of Nature. Essays on Science and Theology, Pennsylvania, Templeton Fondation Press, 2008

Celia Deane-Drummond, Ecothéologie, Paris, Editions jésuites, 20081, 2024

P. Bornet, C. Clivaz, N. Durisch Gauthier, C. Fawer Caputo, F. Voegeli (éd.), Et Dieu créa Darwin. Théorie de l’évolution et créationnisme en Suisse aujourd’hui, Genève, Labor et Fides, 2011

Gilles Bourquin, Théologie de la spiritualité. Une approche protestante de la culture religieuse en postmodernité, Genève, Labor et Fides, 2011

Jacques Arnould, La théologie après Darwin. Eléments pour une théologie de la création dans une perspective évolutionniste, Paris, Cerf, 2012

André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu, essai sur la Théologie du Process, Paris, Van Dieren, 1981, 2013

Sous la direction de Laurent Lemoine, Eric Gaziaux et Denis Müller, Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne, Paris, Cerf, 2013

Thierry Magnin, Le scientifique et le théologien en quête d’Origine. L’expérience de l’incomplétude, Paris, Desclée de Brouwer, 2015

Christophe Monnot et Frédéric Rognon (éd.), Eglises et écologie. Une révolution à reculons, Genève, Labor et Fides, 2020

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Stéphane Lavignotte, L’écologie, champ de bataille théologique, Paris, Les Editions Textuel, 2022


2 réflexions sur « Le propre de l’homme à la lumière de l’histoire des sciences »

  1. Bonjour,

    C’est rare qu’on trouve dans un écrit une courageuse tentative pour aborder des questions qu’on se pose journellement, en profondeur et / ou de façon superficielle. Or, c’est le cas avec votre texte. Merci !

    C’est en fait sur le plan théologique que j’ai le plus envie de réagir, peut-être parce que vous êtes avant tout théologien : merci d’avance d’excuser ma réaction extrêmement partielle et réductrice, mais le sujet est immense.

    Comme vous le savez sans aucun doute, il n’y a pas moins de 8 millions d’années d’évolution indépendante qui séparent les humains du chimpanzé, notre plus proche « parent ». Cette dimension temporelle, quasi infinie, me paraît très intéressante, et ressemble à la dimension spatiale, sans doute également quasi infinie.

    A ce sujet, l’astrophysicien canadien Jean-Pierre Bibring, un peu solitaire, il est vrai, dit qu’il est fort possible que nous soyons le seul exemple de vie dans l’Univers entier (sans impliquer forcément qu’elle soit intelligente) , tout simplement parce qu’il aura fallu une infinité de conditions réunies pour qu’elle trouve sa forme actuelle.

    A l’opposé, pour la plupart des autres astrophysiciens, il serait évident que la vie existerait forcément ailleurs (intelligente ou pas), en raison de l’immensité infinie même de l’Univers et des possibilités qui seraient réunies pour cela.

    On a donc donc des avis éclairés qui disent tout et le contraire, le problème étant qu’aucun de ces avis ne peut forcément avancer la moindre parcelle de preuve de ce qu’il avance, et qu’on est forcé d’évaluer quel est le meilleur raisonnement.

    Soit dit en passant, il me semble que Jean-Pierre Bibring pourrait bien avoir raison, car les astrophysiciens qui plaident pour l’existence d’une vie extraterrestre ne pourront jamais le prouver, car si celle-ci existait en réalité, les distances seraient de toutes façons tellement grandes qu’on ne pourra jamais le confirmer.

    En conclusion, la thèse «éthique » me paraît donc la piste la plus intéressante, mais cela implique… comme vous le suggérez à la fin de votre réflexion, de réfléchir aussi sur le « christocentrisme », ce qui sera à coup sûr un sujet passionnant.

  2. Oui, merci pour votre commentaire.
    Comparativement aux échecs, on se trouve dans une situation de pat :
    Il n’est possible ni de prouver ni de réfuter l’existence de vie ailleurs de l’Univers,
    donc il faut l’envisager comme une possibilité non garantie.
    Bien cordialement.
    Gilles B.

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