Le mythe de l’islamisation de l’Europe

Dans un petit ouvrage salutaire, «Le mythe de l’islamisation. Essai sur une obsession collective» paru en 2012 aux éditions du Seuil, le sociologue du religieux et philosophe français Raphaël Liogier affirme que l’idée selon laquelle l’islam progresse trop et constitue une menace pour l’Europe déborde les cercles d’extrême droite et imprègne désormais les débats publics de la plupart des pays européens.

Contrairement au journaliste Eric Zémmour, qui prétend qu’«une islamisation par le bas grignote lentement mais sûrement les acquis laïques», et au philosophe Alain Finkielkraut, qui sous-entend que non seulement l’islamisme, mais l’islam et les musulmans dans leur ensemble sont à redouter, l’auteur soutient que «l’idée selon laquelle l’Europe et la France en particulier seraient en phase d’islamisation relève purement et simplement du mythe».

Raphaël Liogier réfute d’abord l’hypothèse d’une explosion démographique de l’islam européen en lien à la natalité, à l’immigration et aux conversions. Il montre ensuite comment ce mythe de l’envahissement musulman suscite une paranoïa collective source d’angoisse: «loin de s’intégrer aux populations européennes, les musulmans chercheraient à leur imposer leurs propres modes de vie».

Cette suspicion malsaine se traduit par des décisions politiques liberticides à l’égard des musulmans qui accentuent ce qu’elles redoutent. Ainsi, les quelques jeunes femmes portant librement le niqab pour «se retrouver elles-mêmes» et «se rapprocher de Dieu» auraient été conduites à un salafisme plus politisé après l’interdiction du voile intégral en 2011. A la suite de Jean Baubérot, l’auteur dénonce une falsification de la laïcité, qui au lieu de respecter la neutralité s’emploie à neutraliser la minorité musulmane.

La postface ajoutée en 2016 souligne que les attentats de début et fin 2015 à Paris, suivis de franches prises de position des musulmans se désolidarisant des violences terroristes, ont contribué à faire reconnaître l’islamophobie comme un problème équivalent au racisme. Le populisme antimusulman n’en a pas moins progressé.

Article paru dans La vie protestante Neuchâtel-Berne-Jura No. 3, avril 2016, en page 2.

 

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