La Trinité

Dieu s’est fait homme. Voilà le mystère le plus profond du christianisme. Sa marque de fabrique, si l’on veut. Certains y voient l’accomplissement de toute religion, car s’y réalise la fusion entre le Souffle créateur et la conscience humaine. Le divin est ainsi rapproché de l’humain qui s’élève au rang de créature spirituelle par opposition au reste de la création, qui demeure essentiellement charnelle.

Selon le dogme de la Trinité, développé lors des Conciles œcuméniques du IVème siècle sur la base de certains passages du Nouveau Testament, Dieu existe en trois Personnes : Le Père, Le Fils et l’Esprit Saint. Le mot latin «persona» désigne un masque théâtral qui souligne les caractères individuels. Les trois Personnes ne forment qu’un seul Dieu unique au sein duquel circulent des relations d’amour et une Parole échangée. Par ailleurs, la Trinité chrétienne suppose une brisure de symétrie au sein de Dieu, car si le Père est éternel, le Fils est vidé de sa puissance et meurt sur la croix tandis que l’Esprit Saint est répandu parmi les hommes.

La Trinité a suscité d’innombrables controverses tout au long de l’histoire de l’Eglise. Lors des premiers siècles du christianisme, les conflits au sujet de la nature du Christ (divin, humain ou les deux à la fois) avaient une portée politique. Lors du Concile de Chalcédoine, en 451, les dogmes étroitement reliés de la double nature du Christ (à la fois Dieu et homme) et de la Trinité finirent par s’imposer.

Selon l’islam, la Trinité est une aberration religieuse, car elle conduit à vénérer le prophète Jésus comme un Dieu, ce qui supposerait, selon le Coran, que Dieu ait eu des relations sexuelles avec Marie.

Issus de courants plus anciens, les unitariens du XVIIIème siècle nient la Trinité et la divinité de Jésus-Christ, qu’ils considèrent comme un maître de morale. Ces croyants rationalistes rejoignent ainsi l’esprit des Lumières. Dans leur sillage, les théologiens libéraux actuels rejettent la doctrine trinitaire alors que les protestants conservateurs y voient toujours la principale originalité du christianisme.

Article paru dans La vie protestante Neuchâtel-Berne-Jura en décembre 2014.

5 réflexions sur « La Trinité »

  1. Bonjour,

    Est ce que vous avez en tête des théologiens modernes unitariens francophones ou anglophones ? y a t’il des débats universitaires entre théologiens trinitaires vs unitariens ? Est ce que les unitariens ne sont pas proches des courants rationalistes / théologie naturelle / pensée hébraïque ?

    Merci pour vos explications. Meilleures salutations

  2. Pour certaines réponses à vos questions, je me permets de vous renvoyer au livre d’André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu, essai sur la théologie du Process. Edition revue, modifiée et augmentée, Paris, van Dieren Editeur, 1981-2013. Les pages 100 à 103 traitent en particulier de la Trinité.
    A. Gounelle dit notamment ceci: « Pour éclairer la position des théologiens du Process, il faut distinguer l’image trinitaire, qu’ils acceptent avec quelques réserves, du dogme trinitaire qu’ils n’apprécient pas tous de la même manière, mais qui leur pose à tous un problème ».
    Le dogme trinitaire est une élaboration des premiers siècles de l’Eglise, dans l’Antiquité tardive, qui présente un Dieu en trois Personnes considérées comme des entités métaphysiques distinctes : le Père, le Fils et l’Esprit, qui forment ensemble un seul Dieu.
    Selon certains penseurs de la théologie du Process, qui constitue une école parmi d’autres généralement considérée au nombre des théologies libérales, il faut distinguer entre « une nature en trois personnes », ce qui est une formulation inadéquate laissant entendre qu’il y a trois Dieux, et « une réalité ayant trois aspects distincts », ce que pensaient déjà les Pères grecs. Seule cette dernière formulation semble admissible pour les théologiens du Process.
    Les trois personnes de la Trinité représentent ainsi des « rôles » différents du même Dieu, plutôt que des personnes différentes, comme le veut la théologie latine. A. Gounelle explique que pour John Cobb, théologien du Process, « le Fils et l’Esprit sont deux modes d’actualisation, ou deux manières d’agir de Dieu ». Dans ce sens, l’expression trinitaire de Dieu est pertinente.
    Il m’est difficile de dire si cette position est véritablement unitarienne ou si elle s’en rapproche uniquement. J’opterais pour la deuxième option, car les théologiens du Process ne nient pas si radicalement la divinité du Christ que ne le font les unitariens. Pour les unitariens, seul le Père est Dieu et il envoie vers nous un Christ homme.
    En s’inspirant des catégories de la théologie médiévale, les théologiens du Process distinguent entre la nature primordiale de Dieu, transcendante, et sa « nature conséquente, sa présence accueillante et aimante dans nos vies ». En ce sens, ils sont davantage dualistes que trinitaires ou unitariens, en considérant que le Christ et l’Esprit sont les modalités de la nature conséquente de Dieu, alors que le Père représente sa nature primordiale.

    J’espère avoir ainsi éclairé quelques unes de vos questions, pour lesquelles je vous remercie bien cordialement.

  3. @ Guillaume : peut-être aller voir du coté des théologiens témoin de Jéhovah qui sont unitariens ?

  4. Merci pour votre réponse. J’ai été personnellement en contact avec André Gounelle donc je connaissais ses positions sur la question. J’ai l’impression malgré tout qu’il n’existe peu voire même pas de débats moderne/post-moderne entre les partisans d’une théologie trinitaire classique et des anti-trinitaires qui comme vous le dites bien, refusent d’adhérer à la position de Jésus = Dieu. Je suis également très intéressé par les positions trinitaires des évangéliques qui postulent une approche très fidéiste/ »sola scriptura » du dogme trinitaire alors que Barth lui même avouait qu’il était très difficile de défendre le postulat trinitaire en ne s’appuyant que sur des versets bibliques. Même si on parle aujourd’hui d’un renouveau de la théologie trinitaire, je suis très sceptique de ce sur quoi tout cela va aboutir pour le christianisme « monothéiste ». Je suis très curieux également de connaitre le point de vue de ces nouveaux mouvements appelés « juifs messianiques » et leur positionnement par rapport aux théologies trinitaires et la nature du Fils.

    Merci pour cette discussion

  5. Merci à vous également, notamment pour les précisions utiles que vous apportez. Avec mes cordiaux messages.

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