Le protestantisme au défi du monde contemporain

« Mais où sont-ils donc tous passés, les paroissiens ? »: C’est la question que se pose Gilles Bourquin, pasteur suisse et docteur en théologie, dans son dernier ouvrage « Théologie de la spiritualité ». Remède à la clé.

En évoquant le monde contemporain, vous parlez de « supermarché des religions » et de nouvelles formes de religiosité. Que voulez-vous dire ?

De nouvelles spiritualités comblent le vide spirituel laissé par les Églises, empêtrées dans le fardeau de leur histoire et de leurs traditions. Les Eglises ne parviennent plus à rejoindre assez directement les soucis concrets des gens. A l’inverse, les spiritualités orientales, moins figées dans le dogme, offrent une version plus « user friendly » des pratiques spirituelles.

Comment le protestantisme peut-il être en phase avec ces aspirations ?

Au lieu de se préoccuper de transmettre l’Évangile comme un contenu de vérité théologique indépendant du souci des gens, il s’agit de rejoindre et d’aider les gens dans les problèmes concrets de leur vie. Imaginez-vous un psychologue qui vous expose la théorie de Freud en réponse au problème que vous venez de lui exposer. Vous répondriez : « Mais c’est son affaire ! Moi, j’aimerais être aidé dans ma relation avec mon épouse, à mon travail ! ».

Il s’agit dans un premier temps de mettre les textes de l’Évangile au service du développement personnel, afin d’enseigner comment Jésus peut être « un coach » dans nos vies, comme il le fut pour ses contemporains. C’est cette interface-là qui est nécessaire. Sinon, nous risquons d’aboutir à la marginalisation de l’Eglise et de son message.

Puisqu’il existe déjà tant d’offres spirituelles, a-t-on vraiment besoin de l’Église pour donner un sens à la vie ? Qu’apporte-t-elle de plus ?

Spirituellement, on peut formuler ainsi le message de la croix : C’est en s’oubliant que l’on se retrouve. Croire que Dieu ne nous donnera pas nécessairement tout ce dont nous pensons avoir besoin, mais ce qui est le meilleur pour nous, permet le dessaisissement de soi, le lâché prise vers plus de liberté. Si l’on a découvert cela, l’Évangile devient vivant. Il transforme notre quotidien !

Le protestantisme doit répondre aux attentes religieuses contemporaines. Pour cela, vous semblez avoir une recette miracle : La théologie de la spiritualité. Qu’est ce que c’est ?

Il ne s’agit pas d’une recette miracle, mais d’une théologie qui considère que la clé du mystère de la foi ne se situe pas dans un contenu de pensée, mais dans une relation quotidienne avec le Christ. C’est une théologie qui fait le lien entre le texte biblique et le propre vécu de chaque personne.

Vous distinguez spiritualité et religion…

La spiritualité est une trajectoire intérieure, elle comporte des lignes continues et des ruptures. La religion est un support communautaire de spiritualité, transmis par un groupe de gens dans une culture donnée. C’est comme pour une voiture : Elle roule mais parfois elle doit aller au garage pour mieux reprendre la route ! Tout comme le garagiste remet la voiture en état pour la route, la religion n’est pas un but en soi, elle remet l’homme en route sur son chemin de spiritualité. À chaque époque, le risque existe que la religion se fige au point de devenir un obstacle pour la spiritualité.

Comment vous situez-vous par rapport aux propos de Pierre Glardon et Eric Fuchs dans Turbulences. A choisir : faut-il être plutôt en accord ou en opposition à notre société ?

Face à la crise, Fuchs et Glardon veulent réaffirmer une identité. Mais je ne suis pas certain que cela puisse marcher ainsi. Peut-être ces auteurs sont-ils trop nostalgiques d’une position dominante que l’Église a perdue. Il s’agit de se situer quelque part entre le laxisme moral et le moralisme intransigeant, pourtant, je ne souhaite pas juger leur écrit mais en retirer des éléments de sagesse.

Un conseil pratique pour que le protestantisme se mette à la page…

Il faut s’interroger sur notre attachement à une tradition datée maintenant de cinq siècles. Les succès que les Réformateurs ont remportés sont liés au fait qu’ils ont vécu leur foi en corps à corps avec leur temps. Il ne s’agit donc pas de reprendre « littéralement » leurs doctrines, mais plutôt de les imiter en cherchant à inscrire l’Évangile dans l’esprit de notre temps : Tâche bien plus exigeante qu’une simple reprise !

Propos recueillis par Elise Perrier, VP Genève.

Article paru au printemps 2012 dans la Vie protestante de Genève, la Vie protestante de Neuchâtel-Berne-Jura, et dans le journal Bonne Nouvelle de l’église réformée vaudoise.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.