La mort est-elle un salaire ? Selon Romains 6,22-23

Le texte biblique

Romains 6,22-23 : Mais maintenant, libérés du péché et devenus esclaves de Dieu, vous portez les fruits qui conduisent à la sanctification, et leur aboutissement, c’est la vie éternelle. Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus Christ, notre Seigneur.

Le commentaire

Il est vrai qu’aujourd’hui, on parle volontiers de religion en termes de parcours de vie, de cheminement personnel, de spiritualité. Ces notions sont pertinentes. Elles expriment la réalité du vécu humain, sans cesse hésitant et évolutif, et trouvent un large écho dans la Bible. Les verbes de la première phrase de notre citation (libérer, devenir, porter, conduire, « aboutir ») illustrent cette progression. Hélas, l’emploi de ces notions (spiritualité, expérience religieuse, etc.) peut aussi cacher une crainte plus sournoise, celle de nous confronter à l’enseignement de la pensée religieuse, que l’on affuble du nom de doctrine, dont le sens est souvent devenu péjoratif.

Il nous serait pourtant difficile, en tant que protestants, de refuser de nous confronter à des passages doctrinaux aussi centraux que ceux de l’épître aux Romains, sachant que Luther et Calvin y puisèrent le cœur de la foi moderne. À notre décharge, il est vrai que c’est souvent par incapacité d’éviter de nous y achopper que nous les écartons si facilement. Nous avons oublié que la doctrine est avant tout une expression verbale de la spiritualité. Lorsqu’un maître spirituel veut enseigner son mode de vie religieuse, il crée sans le vouloir une doctrine, un enseignement spirituel.

Pourtant, les doctrines vieillissent. En raison de l’évolution des cultures, leurs logiques peuvent devenir difficilement compréhensibles. C’est le cas de cette saisissante affirmation de Paul : « le salaire du péché, c’est la mort ». Aujourd’hui, on ne se permet plus un tel raccourci. En effet, le péché concerne la conscience, la foi, la morale, tandis que la mort est perçue comme une donnée biologique liée à la cessation du métabolisme et de l’activité neuronale. À priori, les deux registres (le spirituel et le corporel) ne doivent pas être confondus, et pourtant, c’est à se demander si la mort physique ne peut pas être parfois la conséquence du mal vivre ? Elle l’est à l’évidence lors des meurtres et des guerres, et de façon moins évidence lors de certaines affections dites psychosomatiques, mais peut-on en faire une généralité ? À ce sujet, une catéchumène m’a d’ailleurs fait remarquer, le sourire aux lèvres, que les animaux ne pèchent pas et qu’ils meurent pourtant, ce à quoi un autre catéchumène a répondu que les animaux pèchent aussi. Pour se tirer d’affaire, les théologiens protestants ont parfois affirmé que la mort dont parle Paul n’est pas la mort biologique, mais la mort spirituelle. La pirouette est habile, mais elle ne résout pas tout.

Je vous propose de conclure en abordant le problème par l’autre bout : S’il n’y avait pas de mort biologique, serions-nous vraiment enchantés de vivre éternellement en un monde comme le nôtre ? La mort physique, autre que d’être le salaire du péché, n’en serait-elle pas aussi la délivrance ? Limiter la durée de notre vie terrestre serait donc une sage décision divine liée à notre comportement. La mort participerait ainsi à ce don de Dieu, la vie éternelle, qui recouvre et dépasse notre vie temporelle. D’où aussi la dynamique de la spiritualité chrétienne, en laquelle la mort et la vie, la souffrance et la délivrance, sont étroitement réunies dans le seul mouvement de la grâce.

La prière

Je te rends grâce, mon Seigneur et mon Dieu, de ce que tu m’as délivré du mal, de la mort et du péché. Cela, aucun homme, aucun dieu n’était en mesure de le faire. En toi je vis, alors que ta présence est encore cachée dans la fragilité de mon quotidien.

Article paru au printemps 2012 dans la Vie Protestante de Genève.

2 réflexions sur « La mort est-elle un salaire ? Selon Romains 6,22-23 »

  1. Salut Gilles

    Félicitations pour ce magnifique site. Il y a eu du travail. Je n’ai pas encore tout parcouru.
    Amitiés
    P.Ack

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.